Ceux qui ont vu Christine Boutin annoncer le retrait de sa candidature, au JT du 13 février sur TF1, ne peuvent que dire : « chapeau bas ! ». Les deux journalistes avaient probablement prévu un arsenal de questions « sans concessions » dont la petite introduction en images donnait une idée… Mais Christine Boutin n’était pas venue pour se soumettre à un exercice où l’intervieweur cherche à disputer la vedette à l’interviewé. Elle était là pour dire ce qu’elle avait à dire et comme elle voulait le dire. Ce qu’elle a fait avec le calme et la précision de ceux qui savent où ils vont.
Certainement que cela n’a pas fait plaisir à la présidente du Parti Chrétien-Démocrate de constater que, malgré un dynamisme impressionnant qui l’a conduite des chemins à St-Jacques de Compostelle aux Antilles, elle ne parvenait pas à réunir les fameuses 500 signatures. Le système était verrouillé pour elle, comme pour quelques autres, et il n’y a avait plus assez de temps avant le dépôt des candidatures au Conseil constitutionnel pour espérer un retournement. La politique étant l’art du possible, Madame Boutin avait manifestement mis un autre fer au feu, ou bien a su retourner prestement la situation. Malgré sa froide colère devant ce déni de démocratie — auquel elle demande au Conseil constitutionnel de remédier en faisant droit à la requête de Marine Le Pen sur l’anonymat des parrainages — , Christine Boutin avait donc déjà négocié avec Nicolas Sarkozy. Là encore c’était assez plaisant de voir les deux journalistes en retard d’une mesure sur la musique, demandant à leur invitée quand elle allait négocier ou quand elle allait confirmer son retrait, alors que tout cela venait d’être dit et bien clairement.
Qu’est-ce qui fait que le renoncement de Christine Boutin est une leçon et une preuve de sens politique ? D’abord, la situation étant très périlleuse pour le président sortant, on est dans un cas de figure que Christine Boutin avait évoqué dès le départ. Elle n’a jamais voulu prendre le risque de faire perdre son camp. Ensuite, Madame Boutin, étant une femme de convictions et d’idées, elle a su voir que Nicolas Sarkozy et son entourage avaient enfin pris en compte un certain nombre de points importants, pour les chrétiens notamment. Contrairement à ce qu’affirmaient tous les politologues depuis des mois, la présidentielle ne se jouera pas tant sur l’économique et le social, sur l’euro ou le chômage, que sur des questions de mœurs et de civilisation (et cela quel que soit l’usage maladroit de ce mot par le ministre de l’Intérieur !) Ces questions précisément dont Jean-Louis Borloo craignaient qu’elles ne « ringardisent » la majorité présidentielle, notamment le mariage homosexuel et l’homoparentalité… Le déclic est sans doute venu de François Hollande qui a commis l’imprudence de promettre l’euthanasie. A partir de là, quand on observe ce qui se passe aux Etats-Unis — où Obama s’est peut-être mis en difficulté pour avoir voulu affronter les Églises frontalement sur les questions de morale — on pouvait se dire que la modernité et le vent de l’histoire n’étaient peut-être pas là où on l’avait cru.
Il y a donc eu l’interview dans le Figaro-magazine où Nicolas Sarkozy a exprimé les valeurs dont il entendait nourrir son programme. Ce sont largement les valeurs humanistes qui fondent notre société et qu’un certain nombre de promesses du candidat François Hollande vident de leur sens. Il y a aussi, peut-être à la marge, ce qu’on a dit sur le retour d’Emmanuelle Mignon dans la direction de la campagne du futur candidat Sarkozy ? On décrit cette femme haut-fonctionnaire comme une « chrétienne libérale »… Sur le plan des idées donc, la balance, après un quinquennat qui n’a pas tenu tout ce qu’elle aurait pu en attendre, semble à nouveau pencher du côté des convictions qui sont celles de Christine Boutin. Ce n’est pas le moment de faire bande à part mais au contraire de pousser à la roue.
Enfin Christine Boutin est aussi la fondatrice d’un parti, certes peu nombreux mais composé de cadres, hommes et femmes d’une particulière valeur de conviction, de dévouement, d’intelligence politique acquise par la réflexion et le débat. Il était facile à l’ancienne ministre du Logement de renvoyer dans ses cordes la journaliste qui insinuait qu’elle ne se ralliait au Président que moyennant une promesse de futur portefeuille ministériel pour elle-même. Non, c’est avec une vraie générosité que Christine Boutin a su faire émerger une nouvelle génération de militants, en général des chrétiens affirmés, qui méritent qu’on leur fasse confiance, et elle s’est donc débrouillée pour qu’un certain nombre d’entre eux puissent être mis en position d’éligibles. Cela c’est le cadeau le plus remarquable qu’a pu faire à son pays une femme dont la carrière politique bien remplie est en train de se transformer en un destin plus sûrement peut-être que si elle avait pu mener à bien une candidature de simple témoignage.
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