Foi et cinéma - France Catholique
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Foi et cinéma

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« Enfin, mes frères, tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le en compte. » Philippiens 4 : 8 Pendant la messe du deuxième dimanche de carême, le prédicateur de mon église a décrié les films sur Jésus et les saints comme étant superficiels et, dans certains cas, profanes. Il a donc suggéré de lire de bonnes biographies sur les saints, au lieu de regarder des films pendant le carême (et, je suppose, la Semaine Sainte). J’en prends bonne note, même si j’ajouterais que de tels livres sont parfois de l’hagiographie, pas de l’histoire. Dans une chronique précédente sur les représentations de Jésus dans les films, je mentionnais que Jésus ne rit jamais à l’écran. Le père Schall m’a dit que c’était aussi vrai dans les Ecritures. Il m’a tout de même renvoyé à l’Orthodoxie de Chesterton, qui parle de l’ouverture du Christ (« Il n’a jamais caché ses larmes… »), bien que Jésus ait caché quelque chose : « Une chose trop grande pour que Dieu puisse nous la montrer lorsqu’Il a marché sur notre terre ; et j’ai parfois cru que c’était sa joie. » Je voudrais développer longuement cette chronique en me concentrant sur trois films sur la foi que vous n’avez peut-être pas vus. Je demande l’indulgence du lecteur, car ils sont tous sortis à l’époque du cinéma muet : De la crèche à la croix (1912) ; Ben-Hur (1925) et le Roi des Rois (1927). Même les cinéphiles sérieux peuvent manquer de patience pour le cinéma muet, mais ses grands films récompensent le téléspectateur de nombreuses manières, ce que ne font pas les nouveaux films. L’art narratif sans dialogue peut être étonnant, tout comme les images en noir et blanc peuvent être vives. Le plus grand réalisateur américain, John Ford, a commencé sa carrière illustre en 1917 et a réalisé plus de soixante films avant l’avènement du son, qu’il a tout de suite adopté, avec prudence : Je crains de perdre l’art de raconter des histoires à travers ces films. C’est trop simple de prendre le moyen le plus facile de raconter des histoires, par le dialogue et de perdre ainsi le facteur vital du film : le mouvement. olcott_gene_gautier_dans_le_ro_le_de_marie_de_la_cre_che_a_la_croix.jpg De la crèche à la croix (1912) Le réalisateur américano-canadien Sidney Olcott (1872-1949) a commencé comme acteur, mais s’est tourné vers la réalisation en 1907. En 1910, il avait déjà fait…. 187 films ! Il existait une règle non écrite selon laquelle les films ne devaient jamais durer plus de 20 minutes et être toujours réalisés à bon marché. Donc en faire un par semaine n’était pas difficile. Mais Olcott est sorti du lot. Aucun cinéaste américain n’avait parcouru plus de quelques kilomètres pour filmer quand Olcott et son équipe, y compris la scénariste et actrice Genevieve Gauntier Liggett (plus connue sous le nom de Gene Gauntier), ont voyagé jusqu’en Terre Sainte pour réaliser De la crèche à la croix. Ce n’était pas le premier film sur Jésus, et ce n’était même pas le premier coup de poignard d’Olcott à une histoire « religieuse ». En 1907, il avait filmé la toute première version cinématographique de Ben-Hur. En emmenant ses caméras à l’étranger, il avait le désir d’échapper à la rancœur d’une poursuite en cours à la suite de la décision de son producteur d’adapter le roman à succès de Lew Wallace sans autorisation. (Ce film représente quinze minutes d’embarras amateur : beaucoup de figurants, quelques chars et aucun Christ.) De la crèche à la croix, cependant, est remarquable car il s’agit du film le plus long de l’histoire du cinéma à l’époque, par sa qualité et parce que, moyennant un investissement modeste, le film a rapporté un profit qui représenterait 30 000 000 $ aujourd’hui. (La société Kalem, les producteurs, n’ont jamais payé à Olcott plus que son salaire de base de 350 dollars par film.) Les lecteurs fidèles de ce journal ont peut-être remarqué que les peintures de J.J. Tissot (1836-1902) illustrent nos chroniques aussi souvent que les œuvres de tout autre artiste. Le Français polyvalent travaillait au pastel, à l’huile et à la gouache (aquarelles opaques). Avec la gouache, il a peint une série de plus de 350 tableaux, qui devint La vie de notre Seigneur Jésus-Christ, qui a été acquis dans son intégralité par le Brooklyn Museum à New-York en 1900. (Malheureusement, les peintures y sont rarement exposées.) Je connais et j’aime ces peintures. « L’Annonciation » de Tissot fait partie de mes favoris, c’est donc un plaisir de la reconnaître sur la scène de l’Annonciation d’Olcott : Et c’est vrai tout au long du film : tableau après tableau, il y a le grand Tissot. Olcott avait avec lui un exemplaire de 1903 de la collection de peintures bibliques de Tissot. L’équipe de tournage est arrivée au Moyen-Orient quinze ans après le dernier des trois voyages de Tissot et avait probablement la même impression que Tissot a raconté à propos de sa première visite en 1886 : « Dès mon arrivée en Égypte, j’ai vu que je ne craignais pas de perdre mes illusions », car ce qu’il a vu lui a donné « l’impression directe de l’Antiquité ». De la crèche à la croix, bien qu’il vaille la peine d’être vu, est un bon film, mais pas excellent, qui, d’une certaine manière, n’est qu’un jeu statique de la Passion en celluloïd, à l’exception de quelques jolis clichés de la Vallée des rois accompagnant la Fuite en Égypte. novarro_a_gauche_contre_bushman_ben-hur.jpg Ben-Hur (1925) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ben-Hur_(film,_1925) Le Ben-Hur de Fred Niblo, quant à lui, est un film qui aspire à la grandeur et c’est ce qui arriva. Ce que Niblo (et quatre autres spécialistes de la seconde équipe) a réalisé était moins un film du roman de Wallace qu’une reconstitution du spectacle de théâtre à succès de 1899, qui comprenait même la célèbre course de chars – de véritables chevaux galopant sur un tapis roulant contre un fond en rotation – et qui a été vu par vingt millions de personnes aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie avant son arrêt, en 1920. Ben-Hur a commencé à être filmé à Rome en 1923, mais après une série de petites catastrophes (licenciements d’acteurs et de scénaristes, d’accidents graves et de dépassements de budget), est retourné à Hollywood, où Irving Thalberg, 26 ans (surnommé le Wonder Boy, ou homme merveilleux) a pris le contrôle de la production. Cela n’a pas aidé le budget du film, qui est devenu le plus important de l’époque du cinéma muet. Mais cela convenait au visionnaire Wunderkind. Ce que Thalberg souhaitait (et ce qui allait devenir la signature de sa courte carrière) était la qualité et le prestige du nouveau studio M-G-M : l’argent (et beaucoup d’argent) en découlerait. Le film met en vedette Ramon Novarro dans le rôle de Judah Ben-Hur et Francis X. Bushman dans le rôle de Messala. Bushman faisait un retour en force dans Ben-Hur après le scandale qui avait éclaté lorsqu’il avait quitté son épouse depuis quinze ans pour l’une de ses co-stars en 1918. Son agent l’avait prévenu que l’Église catholique n’approuverait jamais son divorce et remariage. Un peu comme la querelle sarcastique de John Lennon sur les Beatles selon laquelle « nous sommes plus grands que Jésus », Bushman demanda à son manager : « l’Église catholique est-elle plus grande que Francis X. Bushman ? » En tout cas, le Bushman se pavanant musclé était parfait dans le rôle. L’histoire commence, comme dans la plupart des versions, avec la Nativité, filmée à la manière du tableau de « La Sainte Famille » de Peter Paul Rubens. La Vierge est interprétée par Betty Bronson, qui est peut-être la plus belle et la plus fascinante des Vierge Marie interprétées. Elle semble vraiment pleine de grâce : chaque fois que les personnages la regardent, ils sont transformés. Les scènes clés du film, la Nativité étant la première, ont été tournées dans une version primitive de Technicolor (utilisant uniquement des filtres rouge et vert), une surprise palpitante pour le public des années vingt. Les séquences de la foule sont impressionnantes. Mais Nota Bene : dans une scène de rue de Jérusalem, une femme est brutalement poussée au sol par un soldat romain qui rit, ce qui provoque la chute de son vêtement et la révélation de ses seins nus. (C’était cinq ans avant le Code Hays, ou Motion Picture Production Code.) Quelques anecdotes : même si vous ne les remarquerez pas, il y a de brèves apparitions d’acteurs de la M-G-M dans ce film, qui étaient ou allaient devenir certaines des plus grandes stars d’Hollywood: John et Lionel Barrymore, Gary Cooper, Joan Crawford, Marion Davies, Douglas Fairbanks, Clark Gable, Janet Gaynor, John Gilbert, Dorothy et Lillian Gish, Harold Lloyd, Carole Lombard, Myrna Loy, Mary Pickford, Fay Wray et… Samuel L. Goldwyn (le «G» de M-G-M). Ce sont des soldats romains, des spectateurs de courses et des esclaves. Tous étaient sur le plateau pour des panoramas de la course de chars car M-G-M a déclaré un congé de travail afin de remplir l’arène de 10.000 personnes vivantes dans l’arène construite au lieu où se trouve maintenant l’intersection des boulevards La Cienega et San Vincente à West Hollywood. Les représentations font écho aux personnalités histrioniques du théâtre du XIXe siècle – la plupart des acteurs sont nés entre 1860 et 1905 – selon une méthode appelée le style théière : une main sur la hanche et l’autre en l’air, pour déclamer : une nécessité dans les théâtres plein de clients ivres et tapageurs. C’est muet dans Ben-Hur, mais la scène est là, et vous devez simplement accepter que ce soit ce que Niblo (1874-1948) attend de ses acteurs. Comme dans la pièce de théâtre, nous ne voyons que les mains du Christ ou, dans sa manifestation, un faisceau de lumière. En tout cas, comme dans toutes les versions cinématographiques de Ben-Hur, il s’agit surtout de la course de chars, qui est presque aussi impressionnante que dans la version de William Wyler de 1959. Niblo a déployé quarante-deux caméras autour de l’arène. Et quoi qu’il soit arrivé lorsqu’il a filmé, accidents compris, il s’en est servi dans le montage final du film. judas_schildkraut_et_je_sus_warner_le_roi_des_rois.jpg Le Roi des Rois (1927) https://www.youtube.com/watch?v=SmCBnPR2iMI&t=13059s Mais le plus beau des films dont on parle ici est Le Rois des Rois de Cecil B. DeMille, un film qui pourrait bien être celui que le prêtre-homéliste de mon église décrierait parce que DeMille l’interprète, librement. Il passe d’Évangile en Évangile, de la réalité à la fantaisie, et, à la manière du char de Ben-Hur, jette et provoque des étincelles aux limites de la bêtise. Mais DeMille (1881-1959) indique également la voie à suivre pour un nouveau style de cinéma, un style qui privilégie le récit. C’est pourquoi il est considéré à juste titre comme un maître de l’art et son praticien le plus performant – le véritable fondateur d’« Hollywood ». À savoir : le film commence avec Marie de Magdala (Jacqueline Logan) divertissant des hommes riches dans sa, eh bien… maison close. Elle est indifférente à ces « prétendants » et languit pour le véritable amour de sa vie, qui n’est nul autre que Judas Iscariot (Joseph Schildkraut). En effet, le Roi des Rois concerne presque autant Judas que Jésus. Mademoiselle Logan en tant que Madeleine a l’une des meilleures lignes et une des plus drôles réplique de l’histoire du cinéma, « sonore » (ce sont les mots du générique, bien sûr) quand un de ses courtisans annonce que Judas est avec un charpentier galiléen appelé Jésus : « Harnachez mes zèbres, cadeaux du roi de Nubie !» Pleure-t-elle. « Ce charpentier doit apprendre qu’il ne peut pas voler un homme à Marie-Madeleine ! » Bien sûr, c’est idiot, mais ce qui vient après ne l’est pas. Madeleine vient vers Jésus, les apôtres et la Vierge, comme une fille aveugle a été amenée au Seigneur. « Je n’ai jamais vu les fleurs ni la lumière » dit la fille. « Veux-tu ouvrir mes yeux ? » DeMille s’efface soudainement dans le noir. Nous voyons maintenant comment la fille a toujours vu. Puis vient un moindre faisceau de lumière. La lumière se diffuse et devient plus brillante. Un autre carton du générique : « Je suis la lumière dans le monde, que quiconque qui croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » DeMille revient brièvement sur le visage de cette femme. Puis nous retrouvons sa vision de la lumière qui s’étend. Nous la voyons à nouveau, alors qu’elle s’écrie : « Oh, oh, je commence à voir la lumière !» Elle voit alors cette lumière se dissiper en un cercle semblable au soleil et une image qui se détache : c’est le visage de Christ (H.B. Warner, né en 1876). Il est la première chose que la jeune fille ait jamais vue, et c’est la première fois que nous voyons Jésus. M. Warner affecte le moindre sourire, et vous direz si vous ne voyez pas dans ses yeux compatissants, le moindre soupçon de gaieté. Warner avait environ 50 ans lorsque DeMille l’a choisi pour interpréter un Jésus. Il avait fait une dizaine de films avant Le Roi des Rois et en ferait cent autres avant sa dernière apparition en tant qu’Amminadab dans le plus grand succès de DeMille, Les Dix Commandements (1956). On se souviendra probablement mieux de Warner que du drogué désemparé, M. Gower, dans La vie merveilleuse de Frank Capra (1948). Je crois que Warner est le meilleur Christ de l’histoire du cinéma et que Le Roi des Rois figure parmi les meilleures versions cinématographiques de la vie, de la mort et de la résurrection de notre Seigneur. Comme je l’ai déjà écrit, la meilleure représentation des Évangiles est la minisérie de Franco Zeffirelli, Jésus de Nazareth (1977). La performance de Robert Powell en tant que Jésus dans la série est excellente, tout comme Max von Sydow dans La Plus Grande Histoire Jamais Racontée (1965) et, bien sûr, Jim Caviezel dans La Passion du Christ (2004). Mais Warner est mon préféré à cause de son immobilité. Cela peut paraître un étrange qualificatif, mais son économie de mouvement et sa dignité inébranlable m’étonnent à chaque visionnage. La première fois que j’ai vu le film (lors d’un festival de films muets en 1974 à Columbus dans l’Ohio), je suis reparti ému par deux scènes : la guérison de la jeune fille aveugle et la rencontre de Thomas avec le Christ après la résurrection. Thomas (Sidney D’Albrook) tombe à genoux, touche les plaies des mains du Seigneur et, revenant aux acteurs de la scène, Warner ouvre son peignoir et D’Albrook place sa main à l’intérieur : « Mon Seigneur – et mon Dieu ! » Reconnaissance. Enfin, Thomas voit. Heureux nous qui avons cru sans avoir vu. Olcott, Niblo et DeMille nous aident à voir. Samedi 13 avril 2019 Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/13/faith-in-motion/