Nous n’en avons pas fini de débattre de la famille ! C’est autant le souci de l’Église universelle que celui des États et des sociétés. Je voudrais prendre aujourd’hui la question sous un angle bien particulier. J’entends, je lis partout qu’il y aurait un divorce de plus en plus grand entre la conception chrétienne du mariage et les réalités actuelles, à tel point que l’Église se trouverait complètement dépassée avec ses prescriptions désormais impraticables pour la plupart. Mon désaccord avec une telle interprétation est totale. Quitte à surprendre, voire à scandaliser, je prétends que c’est la conception chrétienne du mariage qui est à l’origine de nos difficultés présentes. Dans les sociétés traditionnelles, il n’y avait pas de problèmes (tels que nous les connaissons), parce que les unions étaient négociées dans le groupe ou la tribu. Ce n’est qu’à Rome que le mariage devient consensuel, c’est-à-dire qu’il repose sur le consentement des deux intéressés.
Le sacrement de mariage va venir se greffer sur ce consentement, à tel point que c’est le consentement qui est, en quelque sorte, le cœur du sacrement. D’où l’importance de l’amour réciproque des mariés. Amour qui ne consiste pas en coup de foudre ou en sentiment fugace mais se déploie dans la profondeur d’un engagement. Dans les sociétés traditionnelles, l’union d’amour se faisait contre les règles imposées. On enlevait sa femme à son environnement pour l’en affranchir. Parfois, c’était même le viol qui permettait l’arrachement. En mettant mariage et famille sous la loi supérieure du choix consenti et de l’amour, le christianisme a désintégré le lien social ancien au risque de favoriser l’individualisme, voire l’hyper-individualisme contemporain.
Il est extrêmement difficile hors de l’engagement sacramentel de construire une société équilibrée, la nôtre se défaisant sans cesse au risque de l’anomie, et de toutes les recompositions hasardeuses. C’est pourquoi, quoi qu’on en dise, l’Église a un rôle fondamental qui consiste à donner des directions de sagesse et de vie à l’encontre de tous les itinéraires labyrinthiques d’aujourd’hui. Alors pourquoi gémir, alors que l’avenir et l’espérance sont de son côté ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 octobre 2014.
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