Mardi 9 décembre, l’alerte enlèvement a retentit sur les ondes. Et une nouvelle fois, un bébé sera retrouvé chez une femme en mal d’enfant. Son histoire est stupéfiante puisque, à quarante-huit ans, et déjà mère de six enfants de deux compagnons successifs, Dominique D. semble avoir prémédité ce « vol » d’un nouveau-né de deux jours dans une maternité d’Orthez. Depuis cinq mois, elle prétendait à son entourage qu’elle était enceinte. Malgré une stérilité avérée à la suite d’une opération gynécologique et son âge déjà avancé, elle avait pu cacher la supercherie sous son embonpoint.
Pourquoi voulait-elle encore un enfant ? Parce qu’elle ne se résignait pas à ne plus enfanter, et pour le donner à son nouveau compagnon, de douze ans son cadet. Comme si l’enfant devait être l’indispensable gage d’une relation amoureuse. Reconnaissons que nous ne sommes pas loin des errances régressives des légendes d’antan, voire d’épisodes bibliques comme celui de Sara et Agar ou du jugement de Salomon. La technologie n’a pas forcément fait évoluer les élans compulsifs.
Bien sûr, en présence d’un geste qui confine à la folie, c’est une levée de bouclier unanime. Et ce sont d’ailleurs les frères de cette femme en plein délire qui ont décidé d’alerter la police, et permis à la vraie mère de récupérer son bébé. Dominique D. a, quant à elle, été mise sous contrôle judiciaire et conduite dans un établissement psychiatrique avec « obligation de soins sous le régime de l’hospitalisation compte tenu de ses difficultés psychologiques ».
Certains désirs se font si tyranniques, provoquent de telles souffrances, qu’ils semblent anesthésier les consciences et provoquer des actes transgressifs jusqu’à la mort. Echapper au malheur : n’est-ce pas ainsi qu’on peut expliquer beaucoup de suicides ?
Le même jour que le fait divers de la ravisseuse, on apprenait que deux femmes, une mère et sa fille, s’étaient jetées ensemble sous un TGV à Toulon, à l’endroit même où une autre jeune fille de la même famille avait mis fin à ses jours quelque temps plus tôt !
Et le même jour encore était acquittée en France une femme qui avait empoisonné son mari hémiplégique, par désespoir, tandis qu’en Grande-Bretagne, les téléspectateurs assistaient au suicide d’un homme souffrant de la maladie de Charcot.
Dans son encyclique l’Évangile de la vie, Jean-Paul II écrivait : « Parents, enseignez à vos enfants le véritable sens de la souffrance et de la mort ». Un conseil dont il a donné jusqu’au bout l’exemple paternel en acceptant de se montrer, dépendant et presque mourant, à sa fenêtre de la place Saint Pierre. Le Pape n’a-t-il pas témoigné à ce moment-là plus fortement que jamais de la vérité de son message en faveur de la dignité de toute personne, alors qu’il était pratiquement réduit au silence ? « Ce que je suis crie plus fort que ce que je dis », soulignent les formateurs en communication. On rapporte qu’une personne qui ne sortait plus de chez elle à cause des effets de la maladie de Parkinson a décidé, en contemplant le pape moribond, d’oser se montrer à nouveau. Sa peur avait été vaincue par la force de l’impuissance.
Derrière tous les drames contemporains de la désespérance, nous pouvons déceler à quel point l’homme se perd dans une abusive toute-puissance. Ce constat est évident pour tous, lorsqu’une femme vole un bébé. Mais que dire de celle qui croit devoir sceller le sort de celui qu’elle attend lorsqu’elle découvre qu’il est porteur d’une anomalie ? N’est-ce pas la tyrannie du désir et celle de la souffrance qui étouffent l’amour qu’elle était prête à donner ? Que dire également des couples éprouvés par l’interminable attente du bébé qui ne vient pas ou par la révélation brutale d’une infertilité ? Ceux qui envisagent la fécondation in vitro sont tentés de fermer les yeux sur son coût en vies humaines conçues puis détruites…
Entre les transgressions que la loi réprime et celles qu’elle avalise, voire subventionne, quelle différence ? Cette remarque nous conduit à éprouver de la miséricorde pour ceux qui violent nos lois démocratiquement votées, autant que pour ceux qui transgressent la loi naturelle inscrite au plus profond des cœurs, lorsque la panique, la peine ou le désir irrépressible les a envahis. Cela nous invite également à alerter la société.
On vient de condamner un jeune homme qui avait fourni à une adolescente la recette du suicide qu’elle projetait. Il est effectivement criminel de proposer à certaines personnes, au motif qu’elles sont dépendantes, malades ou désespérées, de quoi passer à l’acte. N’est-il pas tout aussi absurde d’orienter les femmes enceintes en difficulté vers l’avortement ?