Faire semblant d'écouter le pape - France Catholique
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La justice de Dieu
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Faire semblant d’écouter le pape

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Il nous est à tous arrivé d’éprouver ce qu’on appelle parfois « Écoute sélective ».

Une maman dit à son enfant: « Tu ne dois jamais traverser la rue sans me donner la main.» Le petit entend cet ordre comme une sorte de douce recommandation : « Ce serait mieux de ne pas faire comme ça. » Autre exemple: la maman suggère à l’aîné: « Ce serait gentil de partager ta glace avec ton petit frère. » Le petit frère entend : « Partage ta glace avec ton petit frère — et ne discute pas ! Tout de suite ! » On entend assez fréquemment ce qu’on souhaite entendre, et rarement ce qu’on ne veut pas saisir.

Malheureusement ce genre d’ « Écoute sélective » existe avec l’enseignement pontifical. Le pape (quel qu’il soit) pourra dire quelques mots à une personne croisée dans un couloir, ou au téléphone, et ce sera interprété comme une directive incontournable de l’Église. Alors qu’en d’autres occasions le pape dira et redira encore et encore quelque chose dont les gens diront que la position de l’Église n’est pas bien nette — tout reste sujet à interprétation et à discussion. Que peut faire une mère, en particulier quand cette « mère » est notre Sainte Mère l’glise? Lever les yeux au ciel et prier, à mon avis.

Retenons qu’il y a diverses façons de préciser quel degré d’obligation est mis sur les divers textes diffusés par le Vatican. Dans la Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen gentium) de Vatican II, section 25, on lit :

« Cet assentiment religieux de la volonté et de l’intelligence est dû, à un titre singulier, au Souverain Pontife en son magistère authentique, même lorsqu’il ne parle pas ex cathedra [avec infaillibilité], ce qui implique la reconnaissance respectueuse de son suprême magistère, et l’adhésion sincère à ses affirmations, en conformité à ce qu’il manifeste de sa pensée et de sa volonté et que l’on peut déduire en particulier du caractère des documents, ou de l’insistance à proposer une certaine doctrine, ou de la manière même de s’exprimer. »

Notre pensée et notre volonté devraient s’accorder à sa pensée et sa volonté afin de ne pas considérer les commandements divins comme de simples recommandations, et que nous ne prenions pas des commentaires pour la volonté divine.

Comment donc saisir sa pensée et sa volonté ? Comme « Lumen Gentium » l’explique, le premier indice est la nature du document. L’Église a mis au point une hiérarchie très nette des différents types de communications, indiquant le niveau de l’autorité chargée de leur proclamation. Au sommet se trouvent les « Déclarations » et « Décrets » (par exemple la « Déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae) » de Vatican II, ainsi que les « Exhortations Apostoliques ».

Descendant l’échelle nous trouvons diverses « lettres » officielles à des personnalités, ou des « adresses » officielles à des auditoires importants. Ces documents peuvent avoir intérêt et importance, mais n’ont pas le statut officiel de, disons, « constitution dogmatique », et aucun pape ne l’a jamais entendu ainsi.
Quant aux déclarations d’un Officiel du Vatican publiées par les médias ou un article de l’Osservatore Romano, on n’y trouvera nulle valeur de Magistère — de même que ce que vous pouvez entendre d’un secrétaire dans la chancellerie de l’évéché ne peut être pris pour une directive officielle, si ce n’est un « enseignement » d’un évêque. Le personnel y accomplit un travail important. Certains sont meilleurs que d’autres. Mais en tout cas leurs paroles n’ont pas plus de valeur autorisée que les miennes, et il va sans dire que mes paroles ne portent absolument aucune « autorité officielle » quelles qu’elles soient.

Cependant en tant que professeur de théologie, je suis investi d’un mandat. Ou plutôt d’une mission, enseigner avec authenticité, et non pas la permission de dire « officiellement » quoi que ce soit. Mais je raconte parfois à mes étudiants qu’ayant un « mandatum » j’ai officiellement le droit de doubler mes honoraires. Deux fois zéro égale zéro, pas de souci.

Quant à la « répétition fréquente de la même doctrine » et à la « façon de l’exprimer », prenez l’exemple dans l’Encyclique du pape St. Jean-Paul II « Evangelium Vitae » où il dit en mots d’une grande clarté:

« Par conséquent, avec l’autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses Successeurs, en communion avec tous les évêques de l’Eglise catholique, — qui à diverses occasions ont condamné l’avortement et ….dans le monde entier ont unanimement approuvé cette doctrine — je confirme que tuer directement et volontairement un être humain innocent est toujours gravement immoral. Cette doctrine, fondée sur la loi non écrite que tout homme découvre dans son cœur à la lumière de la raison (cf. Rm 2, 14-15), est réaffirmée par la Sainte Ecriture, transmise par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel.»

Ces mots sont exprimés à dessein dans la langue de l’infaillible, inaltérable doctrine. De plus, le pape déclare très clairement que, compte-tenu de la totale unanimité dans la tradition doctrinale et disciplinaire de l’Église, « cette tradition ne change pas, et elle est immuable.» Il n’empêche qu’on trouve encore des politiciens catholiques qui prétendent que l’Église n’a pas encore fermé la porte à l’avortement.

Quand les mêmes catholiques déclarent haut et fort qu’ils se sentent « en union » avec S.S. François en n’insistant « pas trop » sur les sujets « litigieux » tels que l’avortement ou l’euthanasie car ils ont interprété certaines de ses paroles, sachez bien que ces gens pratiquent « l’écoute sélective ». Ils ne sont pas disposés à entendre l’enseignement de ceux qui ont reçu une forme de charisme de la part de l’Esprit Saint. Tels des gamins ils interprètent les paroles pour obtenir ce qu’ils désirent.

Il y a un mot pour qualifier cette tendance : le « pharisaïsme ». Le Christ en a montré les dangers. À nous de faire attention à cette tentation.

Traduction de Ignoring a Pope While Pretending to Listen

Tableau : « Malheur à vous, scribes et pharisiens » James JJ Tissot, vers 1890.