C’est une chose terrible que la guerre ! Les générations qu’elle a épargnées, chez nous, depuis un demi-siècle, en prennent conscience en suivant à la télévision les ravages du conflit qui ensanglante l’Ukraine. Le pape, place Saint-Pierre dimanche, a parlé d’un flot de sang et de larmes. Même si notre pays ne participe pas directement à la guerre, le fait qu’elle se déroule en Europe et qu’elle a des implications internationales inextricables, nous rend particulièrement sensibles à la vue des villes détruites, des populations déplacées.
Face à une telle réalité, plusieurs réactions sont possibles. La première est d’ordre humanitaire, pour venir au secours de tant de malheurs. La Pologne se distingue par l’ampleur de l’accueil à un flot considérable de femmes et d’enfants contraints d’abandonner leurs foyers. Notre pays pourrait contribuer à ces opérations de sauvetage, grâce à un mouvement de solidarité qui s’affirme dans bien des régions. Il a commencé, d’ores et déjà, avec la collecte de biens de première nécessité par les divers organismes en charge de l’entraide internationale.
Dans le même esprit, François a lancé un appel solennel pour la création de couloirs humanitaires, vraiment sécurisés, avec possibilité d’atteindre les zones assiégées. À l’heure où nous écrivons, il semble que ces couloirs soient en voie de réalisation, en dépit d’énormes obstacles en terrain de combat.
Réflexion sur les causes
Une autre réaction est possible : c’est la nécessaire réflexion sur les causes prochaines et lointaines de ce conflit. Si l’on désire, en effet, rétablir la paix entre la Russie et l’Ukraine, il est indispensable de prendre une pleine conscience de toutes les dimensions historiques et géopolitiques qui expliquent l’évolution des relations entre Kiev et Moscou depuis la désintégration de l’empire soviétique. L’identité ukrainienne se trouve compliquée d’une parenté évidente avec la culture russe, du fait d’un passé commun. Comment concilier particularité et proximité ? Toutes les conditions d’une reconstruction des rapports intra-européens ont été loin d’être réunies après la chute du mur de Berlin, et nous payons cher l’incertitude quant à l’inorganisation de l’Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural. Les illusions nées de l’idée d’une sorte de fin de l’histoire nous ont conduits à l’impasse.
Dangereuse innocence
Reste que, devant la catastrophe actuelle, il convient de prendre résolument position. Certains, même parmi les chrétiens, ne craignent pas de prôner la continuation de la guerre au nom des idéaux d’une justice supérieure. Il faudrait que l’innocence en vienne à terrasser définitivement le coupable. Mais pareille conduite peut amener à une montée aux extrêmes, dont le peuple ukrainien subirait douloureusement le poids, en termes de véritables massacres. C’est pourquoi, là encore, il convient d’observer l’attitude du pape François qui implore que « les attaques armées cessent et que la négociation prévale ». Certes, une telle négociation, que l’on souhaite aussi à Paris, en laissant ouverte une fenêtre vers Moscou, se heurte à des exigences difficilement arbitrables. Mais c’est la seule voie envisageable vers le retour à la paix.