La Cour Suprême va enfin entendre les arguments à propos des obligations relatives à la contraception imposées par le Ministère de la Santé et des affaires Sociales selon la loi « Obamacare » aux entreprises à but lucratif qui considèrent qu’une telle contrainte s’oppose indûment au libre exercie de leurs croyances religieuses.
Des douzaines de procédures sont engagées, à différents niveaux, contre l’obligation énoncée par le Ministère de la Santé, mais la Cour [Suprême] s’est penchée sur une question: les entreprises peuvent-elles être considérées comme des « personnes » ? Si oui, elles peuvent s’appuyer sur le Premier Amendement à la Constitution et un texte intitulé « Religious Freedom Restoration Act (RFRA) » 1, en particulier si les entreprises sont détenues à titre privé. Question complexe pour les catholiques, le débat étant porté vers la question de la liberté religieuse. Quelle que soit la sentence, elle pourrait n’être pas favorable aux croyants.
La Cour [Suprême] a reçu deux affaires. Dans « Conestoga Wood Specialties contre Sebelius » 2 la Cour du troisième Circuit estime que les employeurs n’ont pas les droits accordés par le Premier Amendement aux croyances religieuses des créateurs de l’entreprise. Et donc que de tels employeurs devaient être soumis à l’obligation relative à la contraception. La Cour estime qu’un seuil ne saurait être franchi, les entreprises à but lucratif, laïques, ne sauraient s’apppuyer sur la religion. Si des personnes religieuses décident de s’exprimer dans le domaine des affaires, leurs convictions religieuses ne sauraient les accompagner.
Pour la Cour du dixième Circuit, qui a entendu précédemment l’affaire « Sebelius v. Hobby Lobby Stores, Inc » la sentence a été inverse en faveur de « Hobby Lobby » et des employeurs de même catégorie dont les convictions religieuses étaient en conflit avec les obligations « Obamacare ». La Cour s’appuyant sur les règles de l’Acte « RFRA » a rejeté l’argumentaire gouvernemental faisant une distinction entre entreprises à but lucratif et entreprises charitables à but non lucratif. La Cour a jugé qu’un tel argumentaire ne pouvait aller contre le libre exercice garanti par le Premier Amendement ni s’articuler sur les règles des États ni la loi fiscale fédérale.
Il fallait s’y attendre, l’idée que des entreprises puissent s’appuyer sur des convictions religieuses a mis le feu parmi les élites de gauche. Emily Bazelon, rédactrice en chef de la revue internet « Slate » a récemment déclaré que dispenser certaines entreprises des obligations de Obamacare pourrait leur permettre un comportement de propagandistes religieux. Les entreprises devraient se contenter de faire des bénéfices, tel est le discours de nombreux gauchistes, point de vue tout-à-fait nouveau comme le remarque Tim Carney 3. Cette idée — qui aurait fait chaud au cœur des chefs d’entreprise au début du vingtième siècle — montre à quel point la gauche [US] s’est éloignée du mouvement pour l’égalité économique pour s’orienter vers une sorte d’impérialisme culturel, plus soucieuse de ses attitudes d’élite sociale que des questions économiques.
D’autre part, pour la plupart des conservateurs, le raisonnement de « Hobby Lobby » est plus cohérent. Les propriétaires de cette affaire familiale devraient pouvoir la mener en accord avec leurs principes religieux, quels qu’ils soient. Si l’État souhaite toucher à ces principes, il doit le faire en se soumettant aux contraintes constitutionnelles : le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales doit agir selon l’intérêt du gouvernement, et être aussi peu contraignant que possible en vue de cet intérêt.
Dans l’affaire « Hobby Lobby » la Cour a pris de court les maigres arguments du gouvernement prétendant que la santé et l’égalité des sexes étaient bien pris en compte. Puis la Cour a noté que, entre autres, le paternalisme des obligations de « Obamacare » accordant des exemptions à des employeurs de millions de personnes ne porterait nul préjudice aux intérêts du gouvernement, même en dépit des contraintes.
L’affaire soulève deux questions, pas vraiment légales, mais touchant les catholiques de la génération à venir, quel que soit le verdict de la Cour Suprême.
Primo, la nature de l’entreprise. Comme Michael Novak 4 et bien d’autres l’ont soutenu, l’entreprise peut être un rempart contre les assauts de l’état. Il soutient que les entreprises peuvent être un vecteur de rédemption… et de grâce divine. « Alors que l’entreprise est le lieu où de nombreuses personnes passent leur vie de travailleurs, une critique religieuse devrait pouvoir évoquer l’idée que dans l’entreprise se trouvent des « signes de grâce », tels que la créativité et la protection de la liberté. »
L’enseignement social de l’Église cite clairement l’entreprise comme lieu de rencontres. Cependant, la position de l’Église n’est pas nette quant à la perception de l’entreprise en tant que « personne ». L’Encyclique « Centesimus Annus » soutient l’idée que l’entreprise devrait mettre en avant d’autres valeurs que la recherche du profit. Formée d’individus dont l’épanouissement dépend de chacun de ceux qui travaillent ensemble à la réussite de tous, une entreprise doit aussi contribuer à l’authentique développement de chacun de ses membres participant à son activité.
S’il en est ainsi, une entreprise devrait être libre de donner en exemple les croyances religieuses de ses propriétaires, principalement si, étant une affaire privée, elle n’est pas tenue par des contraintes comme l’est une entreprise publique. Cependant une sentence en faveur de « Hobby Lobby » à l’encontre des obligations édictées par le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales pourrait favoriser l’émergence d’entreprises athéistes, dont le système de croyances serait neutre ou hostile à la religion. En d’autres termes, les obligations formulées par le Ministère de la Santé accentueront les divisions culturelles.
Plus gênant est l’encadrement par les règles du Ministère de la Santé de discussions pour exempter ou non les institutions religieuses de règles en principe applicables à tous. Sujet de réflexion pour combien d’Américains, même catholiques, restes d’une époque ou le pays était essentiellement chrétien, ou disposé favorablement envers la religion. Le problème avec cette façon de comprendre la question constitutionnelle réside dans l’hostilité à la foi religieuse affichée par l’État et certaines élites intellectuelles. Alors que l’interprétation antérieure promouvait la paix civique, on considère maintenant que l’État a les pleins pouvoirs, les groupes religieux étant alors réduits à mendier des concessions.
Tel n’est pas le point de vue traditionnel catholique sur la liberté religieuse, guère conforme non plus à l’héritage des « Pères Fondateurs ». Et donc, même une victoire de « Hobby Lobby » laisserait intacte l’idée que le gouvernement pourrait imposer des règles analogues aux obligations émises par le Ministère de la Santé pourvu qu’elles aient un « caractère de nécessité ».
Photo : La Cour Suprême à Washington.
http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/the-supremes-and-us.html
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