Fabriquer de la perfection: Critique de “La rébellion cachée” - France Catholique
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Fabriquer de la perfection: Critique de “La rébellion cachée”

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La rébellion cachée est une docufiction produite et mise en scène par Daniel Rabourdin, et écrite par MM. Rabourdin et Matthew Donlan. Elle raconte l’histoire de la Guerre de Vendée, guerre qui a eu lieu en Vendée (prononcée von-DAY) et qui était une réaction contre l’anticléricalisme et le totalitarisme de la Révolution française.

La Vendée est un département du centre ouest de la France, et pendant la révolution (1789–1799) le sentiment général s’y est violemment retourné contre les intellectuels et les bureaucrates de Paris qui, dans leur désir de fabriquer de la perfection humaine, ont voulu mettre un terme à presque tous les aspects de la vie traditionnelle, et plus particulièrement au catholicisme.

Entre 1793 et 1796, les Vendéens se sont soulevés contre le gouvernement. Des affrontements d’une brutalité révoltante entre la population et l’armée française s’en sont ensuivis. La Rébellion cachée présente avec justesse –bien que d’un seul point de vue – l’histoire de ce soulèvement.

Mais selon la fameuse phrase de Barbara Tuchman (elle faisait référence de façon spécifique au 14° siècle) la guerre de Vendée est aussi « un lointain miroir ». Dans ce conflit historique, nous pouvons voir la préfiguration des batailles de notre temps. Les intellectuels Jacobins à Paris considéraient la religiosité de la population française sensiblement de la même façon que les intellectuels de Washington D.C. déprécient les croyants de nos jours.

Comme dans la plupart des docu-fictions, les témoignages d’historiens contemporains alternent avec des reconstitutions d’événements historiques. Le jeu des acteurs et la production sont honnêtes, mais je suis un spectateur de cinéma blasé, et l’impression donnée par les séquences dramatiques de la Rébellion cachée sont celles d’un projet de film d’un étudiant – non de NYU ou UCLA 1 mais peut-être d’une école secondaire catholique de premier ordre. En d’autres termes, bon, mais loin de pouvoir envisager de recevoir une récompense académique.

J’ai souvent émis des objections aux épisodes sanglants dans les films (voir « Burning men : Une critique du film Hacksaw Ridge »), mais La Rébellion cachée s’apparente aux films de la Production Codera dans lesquels un homme pourrait être transpercé par une épée sans qu’une goutte de sang ne soit versée. Dans ces films, il y avait en général un jeu passionné, alors que dans La Rébellion cachée, les gens qui font la queue pour la guillotine sont aussi animés que s’ils attendaient pour prendre leurs photos au photomaton.

Toutefois, ceci ne diminue en rien l’importance du film. Comment ne pas estimer un film qui détient parmi ses témoins historiques le grand Edmund Burke (172961797) ? Il est agréable de se souvenir que Burke n’a pas seulement assisté aux horreurs de la Révolution (ses Réflexions sur la révolution en France, acerbes, historiques, brillantes, ont été publiées en 1790 quand la Révolution française n’avait que quelques mois). Il était aussi favorable à une invasion britannique de la France pour chasser les jacobins du pouvoir. Et le soulèvement contrerévolutionnaire de Vendée lui avait semblé être l’occasion parfaite d’intervenir ; c’est ce qu’il a proposé au Premier ministre William Pitt (le jeune). Malheureusement, cela ne s’est pas réalisé.

Stéphane Courtois, éditeur du fameux Livre noir du communisme, et professeur à l’université de Vendée est l’expert principal de ce film. Et il fait ressortir comme tout le monde, la façon dont les intellectuels et les bureaucrates du 18° siècle, adeptes des soi-disant Lumières, quel qu’ait été l’idéalisme qui avait pu animer leurs sentiments révolutionnaires au début, se sont transformés en assassins de sang-froid décidés à éradiquer tout vestige de la tradition, pour poursuivre un nouvel âge de la raison où l’humanité serait «  perfectionnée ». Le professeur Siobhan Nash-Marshall du Collège de Manhattanville appelle cela « du terrorisme intellectuel » caractérisé par le fait que des bureaucrates décident « que la réalité doit se conformer à eux, au lieu d’essayer de comprendre ce qu’est la réalité ».

Un autre expert qui parle dans le film est Reynald Secher, dont le livre, Un génocide français : la Vendée a été une cause célèbre En français dans le texte en France (publié aux U.S. en 2003). Nombreux sont ceux qui ont mis en question sa représentation sélective des faits. Il est certain que les lettres républicaines et les ordres militaires cités dans le film sont meurtriers dans le ton et le contenu, mais seul ce côté de l’histoire est raconté. D’autres historiens affirment qu’il y a eu aussi des atrocités du côté vendéen.

Cependant, comme le remarque Secher, les documents montrent que la politique venant de Paris était très explicitement une politique d’extermination. On peut simplement penser qu’elle était plus proche des purges staliniennes que de la solution finale nazie, bien que la différence repose sur le fait de savoir si, parmi les causes des massacres, « l’opinion politique » devait ou non entrer dans la définition d’un génocide au même titre que l’origine ethnique et la religion.

Il est clair que les intellectuels vindicatifs de Paris ne cherchaient rien de moins que la destruction de la Vendée. Comme le dit le professeur Courtois, le gouvernement est passé des représailles contre des personnes pour ce qu’ils avaient fait, à l’assassinat des personnes parce qu’elles étaient là.

Le débat sur la Vendée est critique pour les Français parce qu’il met en lumière le cœur obscur de la Révolution elle-même. Si vous vous trouvez à Paris le Jour de la prise de la Bastille, vous remarquerez des similarités entre cette célébration et notre propre quatre Juillet, notamment la manière dont les vacances sont incorporées dans l’imagerie nationale. Pensez à La Marseillaise, hymne national émouvant, ou la phrase « liberté, égalité, fraternité », devise nationale française. Les deux sont issus de la Révolution.

Pourtant peu de Français sont à l’aise (et beaucoup y sont hostiles) face à tout révisionnisme qui transformerait leur révolte glorieuse contre la monarchie, en un avant-goût de l’hitlérisme ou du stalinisme. C’est ainsi que Ian Crowe du collège Brewton Parker parle du besoin qu’ont les intellectuels modernes d’aseptiser l’histoire ; de la fermer : « et avec ce système fermé, tout ce qui ne convient pas, tout ce qui ne peut pas être incorporé au langage que vous utilisez, au sens que vous donnez au langage, devient quelque chose qui doit être oblitéré. »

Les témoignages de Courtois, Marshall et Crowe sont d’une grande valeur et réussissent à placer la guerre de Vendée très fermement dans le contexte de la guerre occidentale actuelle contre le christianisme – et de suggérer pourquoi une sorte de contre-révolution contre nos philosophes contemporains est essentielle.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/02/06/fabricating-perfection-a-review-of-the-hidden-rebellion/

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  1. Universités de New York et de Los Angeles