Exit le Cavaliere ! Berlusconi s’est bel et bien envolé. L’homme fort de l’Italie a quitté ses fonctions sous les huées du public. Place à son successeur Mario Monti, ancien commissaire européen, qui s’emploie à créer une équipe ministérielle « à 100% technique ». C’est que les technocrates succèdent aux politiques, aussi bien à Rome qu’à Athènes. Voilà qui n’est pas sans poser bien des problèmes. L’ampleur de la crise économique et financière qui secoue la zone euro semble exiger cet appel à des professionnels qui sont chargés d’obtempérer de la façon la plus rigoureuse aux recommandations du Fonds Monétaire International, de l’Europe, et de tous ceux qui représentent les marchés financiers. N’y a-t-il pas danger à séparer ainsi la gestion de la politique, la technocratie étant sans vraie délégation populaire. Peut-on gouverner sans les peuples, au risque de gouverner contre eux ?
Une autre observation me vient aussi en tête à propos de Silvio Berlusconi. Ce personnage, qui anime la scène italienne depuis une vingtaine années, doit son « leadership » à une rupture profonde : celle qui a déterminé successivement la disparition de la démocratie chrétienne qui avait gouverné le pays depuis la guerre, puis celle de la gauche qui ne s’est jamais remise de l’effondrement du puissant parti communiste italien. L’avènement d’un homme d’affaire et d’un aventurier comme Berlusconi tient très largement à l’effacement des idéologies et des familles politiques marquées par une forte tradition intellectuelle. En France, un Bernard Tapie, s’il n’avait pas été victime de lui-même, aurait pu prétendre à un destin analogue à celui du Cavaliere. François Mitterrand l’avait distingué et promu, après qu’il ait été contraint à abandonner ce qui faisait la différence patrimoniale du socialisme.
Il n’était plus question à la fin des années 80 de combattre le capitalisme. Il fallait se plier à ses règles. L’apparition des Berlusconi et Tapie s’expliquait par le déclin des idéologies. Nous sommes parvenu à une nouvelle phase qui confie le pouvoir aux technocrates.
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Chronique à Radio Notre Dame, 14 Novembre 2011.