Dans le climat fiévreux d’une campagne électorale et des résultats désastreux qui en résultent pour le pouvoir en place, il est difficile de poser des questions qui ne relèvent pas de la passion partisane et des luttes fratricides. Il y aurait d’ailleurs danger à vouloir prendre trop de distances par rapport aux réalités instituées pour s’évader dans un empyrée d’outre-monde. En même temps, il n’est pas sans intérêt de prêter l’oreille à certaines interrogations radicales qui ont le mérite de mettre en évidence des principes et des repères cardinaux. Par exemple, à l’heure où l’on compare les performances des différents partis organisés aux municipales, s’interroger sur le rôle et la légitimité de ces formations liées à l’exercice du régime représentatif peut mettre en situation des contradictions et des perversions qui sont peut-être d’ordre structurel.
Jacques Julliard, dans un court essai stimulant intitulé Le choc Simone Weil 1 rappelle l’opposition résolue de la philosophe à l’existence même des partis. C’est elle qui écrivait : « Les partis sont des organisations publiquement, officiellement constituées de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice. » Il fallait le sens de l’absolu de cette Antigone moderne pour oser pareille provocation, dont il ne faut pas déformer la signification, comme si elle appelait de ses vœux un régime dictatorial. Bien au contraire, Simone Weil est la première à rejeter tout ce qui s’apparente à la domination de la force brute. Ce qu’elle désigne dans la pathologie partisane, Julliard le définit en trois termes : « Qu’est-ce donc pour Simone Weil qu’un parti ? D’abord une machine à fabriquer de la passion collective. Ensuite une organisation destinée à faire pression sur la pensée de ses membres. Enfin un appareil exclusivement préoccupé de sa propre croissance, sans aucune limite. »
Comment nier qu’il y a dans cette analyse acérée une vraie lucidité ? Mais par ailleurs, on voit mal comment notre régime pourrait se passer de la médiation de formations politiques organisées. La Constitution de la Ve République, conçue pour lutter contre ce que de Gaulle appelait « le régime des partis » n’en reconnaît pas moins pour la première fois leur rôle nécessaire dans les institutions. Le regard critique permet néanmoins de comprendre qu’ils doivent être sans cesse interrogés quant à leur capacité de dépasser leurs pulsions élémentaires pour s’accorder aux exigences supérieures du bien public, au service de la population. Mais cela exige aussi une véritable philosophie politique qui met en rapport tous les éléments du dialogue entre l’autorité, le consentement et la légitimité.
Pour aller plus loin :
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