Un prétoire, une église. Deux enceintes dans lesquelles se pose de manière particulièrement aiguë ces jours-ci, en une concomitance troublante, la question de l’islam dans notre pays. D’un côté, la justice des hommes, qui doit en juger les aspects les plus menaçants, avec le procès de l’assassinat d’un prêtre à Saint-Étienne-du-Rouvray, en juillet 2016… De l’autre, la question de la vérité du culte rendu à Dieu, avec la très surprenante réunion « Ensemble avec Marie » organisée à l’église Saint-Sulpice, où l’on a vu des musulmans déclamer des sourates du Coran dans un lieu sacré chrétien, au nom de la « fraternité ».
Face à ces menaces et à cette confusion, les attentes sont grandes d’une clarification, afin de faire la vérité sur le corpus idéologique islamique qui conduit tant de jeunes au fanatisme. Question hélas souvent tue, par naïveté, ignorance ou peur d’être taxé de « stigmatisation des musulmans » – ce qui serait confondre la religion et ses fidèles.
Culte de la facilité, du plaisir
Mais l’exigence de vérité concerne aussi l’Église, sa place dans la société et l’annonce de sa propre foi. Pour cela, la récente parution de textes inédits du philosophe Gustave Thibon tombe à pic1. Confrontée au début de ce qu’on appelle historiquement le « réveil religieux », marqué par la révolution iranienne de 1979 appelant l’islam à la guerre sainte, cette grande conscience du XXe siècle s’interrogeait sur les leçons à tirer pour les héritiers de la civilisation chrétienne. « Qu’avons-nous fait de notre religion ? », se demandait-il ainsi. « Jusqu’où donne-t-elle encore un sens et un but à notre vie », à la jeunesse de ce pays, et « qui d’entre nous serait prêt à mourir pour elle ? » Et on pourrait ajouter : est-il toujours certain pour nombre de catholiques qu’il ne peut y avoir d’autre Révélation divine après le Christ ?
L’interpellation du philosophe portait en particulier sur la liberté, sur son exaltation démesurée issue de la Révolution française. Au risque de devenir son tombeau, car « nous l’avons laissée [la liberté] se décomposer en culte de la facilité, du confort et du plaisir… ». Là encore, est-il permis de parler d’une certaine décadence de notre société, dont la pornographie est le symptôme et le symbole ?
S’il est certain que cette poussée de l’islamisme est une réaction contre le matérialisme ambiant et la religion de l’homme, sans autre horizon que lui-même, il faudra bien que nos dirigeants osent opérer un discernement courageux entre les religions, ne serait-ce que du point de vue de la sécurité publique. Car la religion, disait encore Thibon, peut être la meilleure ou la pire des choses, qui fait les saints et les martyrs mais aussi les fanatiques et les bourreaux, « selon qu’elle élève l’homme vers Dieu ou qu’elle prostitue Dieu à l’homme ».
Ainsi proposait-il un critère de discernement, toujours valable car issu de l’Évangile : « Vous reconnaîtrez l’arbre à ses fruits. » Que vaut en effet un culte qui se dégrade en haine aveugle de l’infidèle ? Et que vaut, en sens inverse, une religion qui a produit depuis des siècles tant de dévouements et de charité au service de tous, de la part de religieux, de religieuses dont le seul but était d’amener les âmes vers Dieu ? De la réponse à ces questions dépend l’avenir de notre société.
Pour aller plus loin :
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- La République laïque et la prévention de l’enrôlement des jeunes par l’État islamique - sommes-nous démunis ? Plaidoyer pour une laïcité distincte
- La Sainte Trinité est-elle Allah ?
- Les deux faces de la religion dans le Coran