Excelsior, frères et soeurs - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Excelsior, frères et soeurs

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Ce samedi c’était le cinquantième anniversaire de la mort de Sir Winston Churchill. L’homme providentiel, qui plus que quiconque, empêcha que l’aventure du troisième Reich hitlérien se prolonge et qu’elle soit encore plus meurtrière. Il fut aussi, à l’occasion d’une fameuse allocution à Fulton, Missouri, le premier qui cita le « rideau de fer » et la « guerre froide ». Nous avons longtemps manqué de dirigeants faisant preuve d’un tel courage et d’une telle clarté.

Mais, il existe des raisons plus profondes de se souvenir de Churchill. J’en veux pour preuve cette conférence jeudi dernier donnée par mon ami Léon Kass. Un physicien et éthicien aussi bien que professeur de longue date à l’université de Chicago (ancien directeur de la commission de bioéthique du Président US). Léon Kass expose une lecture fascinante d’Ethique à Nicomaque d’Aristote, plaidant en faveur de Churchill vers qui l’on pourrait bien se tourner si l’on recherchait un candidat digne d’être l’homme de grande âme d’Aristote.

Cette notion, dans son ensemble, que l’on puisse posséder une grande âme rencontre des oppositions considérables qui sont évidentes dans notre culture. Ceci est dû au fait que nous croyons peu en l’âme et peut-être encore moins en la grandeur. Un des arguments essentiels de Léon Kass est que les démocraties qui précieuses, comme elles le sont parfois, sont enclines à dénigrer l’idée que quiconque puisse être meilleur que qui que ce soit d’autre, et que cette jalousie démocratique, pour lui donner son juste nom, est dévastatrice pour nos âmes.

L’éthique d’Aristote ainsi que la tradition sur la vertu qu’il a aidé à développer, ont longtemps modelé le discours moral au sein de l’église et dans le monde occidental (et via Moïse Maimonides et Abunaser al-Farabi, chez les Juifs et les Musulmans) ; le commentaire de l’Ethique par Saint thomas d’Aquin amenant les traditions païennes et Catholiques à une splendide harmonie. Mais peu lui sont familiers aujourd’hui. C’est pour cette raison, que l’on soit Chrétien ou non, qu’il n’y a rien d’étonnant que nous ayons rarement les aspirations à la grandeur d’Aristote et de Churchill.

Il est vrai que les Chrétiens regardent souvent de telles aspirations avec méfiance. Certains en raison d’une fausse humilité (que le païen qu’était Aristote considérait déjà comme un vice), pensent que faire de grandes choses ne devrait pas être un but pour les disciples de Jésus (qui fit nombre de grandes choses). Il en résulte une démission presque automatique de ceux qui aspirent aux grandes choses, que ce soit en politique, dans le monde des affaires ou dans l’art.

Cette démission découle d’une confusion subtile : que le Christianisme étant au dessus de telles choses, les Chrétiens devraient donc se tenir humblement au dessous d’elles, comme si le monde n’avait aucune place dans la vie Chrétienne.

Mais chaque Chrétien devrait chercher à faire de grandes choses, car nous sommes appelés à suivre un grand chemin. C’était Saint Jean-Paul II – aussi un homme de grande âme- qui a souvent incité les jeunes gens à ne pas se contenter de la médiocrité. Mais de façon constructive : un Chrétien doit rechercher, non pas une piètre passivité, mais des choses encore plus grandes que celles faites par d’autres, même dans ce monde qui est le notre.

Nous entendons souvent aujourd’hui, même de la part du clergé, que « Dieu nous aime tel nous sommes ». C’est une vérité centrale du Christianisme, qui signifie que même si étions (sommes) pêcheurs, Christ vint pour nous sauver.

Mais cela ne signifie à l’évidence pas que Dieu apprécie la manière dont nous nous comportons. N’importe qui disposant d’une once de connaissance de soi-même et de capacité à réfléchir sait cela. Il faut bien dire que nous recevons un enseignement par je ne sais qu’elle école diabolique de sophisme qui est nouveau dans toute l’histoire du monde : que nous sommes très bien tel que nous sommes (excepté les hommes d’affaires et ceux qui sont de droite bien sûr).

C’est là que des personnages comme Churchill –sans oublier les saints et les sages- nous sont utiles. Ils ont presque tous été des hommes et des femmes investis aussi bien dans d’importantes actions concrètes que dans la contemplation. Voici ce que dit G. K. Chesterton au sujet de Saint François d’assises :

Si nous désignons ce qui est concret par ce qui est immédiatement réalisable, alors nous parlons simplement de ce qui est le plus facile. Dans ce sens Saint François n’était pas très concret et ses buts ultimes étaient très détachés de ce monde. Mais si par concret nous désignons une préférence pour des efforts rapides et l’énergie pour surmonter le doute et la procrastination alors Saint François était tout à fait concret.

Ce sens de l’urgence concrète qu’ont les grandes âmes nous est complètement étranger aujourd’hui si l’on se réfère à nos activités quotidiennes superficielles.

Churchill était un grand homme d’action. Il occupa plusieurs postes élevés au gouvernement de la Grande Bretagne avant de devenir premier ministre. Dans presque tous les cas, grâce à un travail acharné et une méticuleuse attention pour les détails, il s’est attaqué à des bureaucraties apathiques et les fit servir des objectifs supérieurs. Sa gestion en temps de guerre fut sans égale dans les temps modernes, en partie parce qu’il croyait si passionnément en ce qu’il faisait et qu’il savait que transformer cela en réalité nécessitant des efforts humains et du courage.

Cet état d’esprit transparaissait dans les expressions qui nous sont aujourd’hui si familières tirées de ses grands discours. Qui n’aurait pas été secoué par cela juste après l’effondrement de la France : « Préparons nous donc à faire notre devoir et n’oublions pas que si l’Empire britannique et son Commonwealth perdurent pendant 1000 ans les hommes diront, c’était leur heure de gloire !». Rien d’aussi héroïque dans l’histoire anglaise ne s’est produit depuis le jour de la Saint Crispin dans Henri V de W. Shakespeare.

Oui Churchill était aussi un penseur et un écrivain extraordinaire : sa magnifique histoire de la seconde guerre mondiale est presque deux fois plus longue que celle du déclin et de la chute de l’empire Romain écrite par Edward Gibbon. Sans compter plusieurs milliers d’articles, 500 discours au parlement, il écrivit plus de 40 bons livres (son roman « Savrola » sera bientôt réédité, annoté par Patrick Powers).Voilà qui serait considérable pour quiconque, sans oublier qu’il investit tant de temps et d’énergie aux service public et militaire. 

Quoiqu’il fit, Churchill fut un travailleur infatigable malgré des accès de dépression, étrange combinaison qu’il semble avoir partagée avec mère Thérésa. Il possédait une extraordinaire capacité à reconnaître ses propres erreurs, échecs et faiblesses sans s’appesantir sur celles-ci. Bien au contraire, il passait rapidement au défi prochain avec énergie et un grand sens de l’humour. On raconte qu’il termina sa vie aussi paisiblement qu’un être humain peut le faire. Comme il le dit une fois, « ne jamais reculer, ne jamais faiblir, ne jamais désespérer. »

Croyez bien qu’il y a des vertus élevées. La grandeur d’âme dépasse largement notre sort mortel. La plupart d’entre nous feraient bien de se réveiller et d’aspirer à la grandeur d’âme, quitte à ne recevoir qu’une petite part d’une si grande chose.


Robert est le rédacteur en chef de « The Catholic Thing », et président de l’institut Faith & Reason à Washington D.C.. Son dernier livre est The God That Did Not Fail: How Religion Built and Sustains the West, disponible en livre de poche chez Encounter books.

Illustration : Churchill et son chien photographiés par Mark Kauffman, 1950 [Time-Life/Getty Images]

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/01/26/excelsior-brothers-sisters/