Nous comparerons d’abord les différents textes de loi : celui de la loi Veil en 1975, et celui de la loi qui l’a remplacée en 2001, et présenterons leurs différences.
Suivront :
– le texte de la déclaration de Simone Veil à l’Assemblée le 26 novembre 1974,
– la constatation de son silence devant la quasi suppression de sa loi,
– puis une réflexion sur les causes possibles de la surenchère de la législature précédente en faveur de l’avortement.
– Nous donnerons enfin des adresses pour l’écoute des femmes après avortement.
I – LOI VEIL, son évolution radicale.
La France s’est dotée en 25 ans de deux législations concernant l’avortement. (cf « Réflexions sur l’évolution des lois françaises sur l’Avortement de 1975 à 2007, par le Dr Michèle Guy, décembre 2007.)
– la première dite habituellement loi Veil, a été votée en deux temps, le 17 janvier 1975 pour cinq ans, Simone Veil étant alors ministre de la Santé, et le 31 décembre 1979 définitivement. Madame Pelletierqui était alors ministre de la Condition Féminine avait été chargée de préparer ce nouveau texte de la loi. On devrait donc dire « Loi Veil-Pelletier »
– la seconde est la loi actuelle, votée le 4 juillet 2001 préparée par la ministre Martine Aubry. Elle ne porte pas son nom, car le 4 juillet 2001, Martine Aubry n’était plus ministre. Cette seconde loi, censée n’apporter que quelques modifications à la première, témoigne en fait d’un profond changement dans l’esprit même de la loi.
Loi Veil du 17 janvier 1975 : la prévention de l’avortement est clairement l’un des buts de la loi. (voir plus bas le discours de Simone Veil au Parlement.) Cette loi est en fait la présentation des exceptions à une loi d’interdiction de l’avortement qui elle était maintenue. Dans cette logique la loi Veil interdit toute publicité en faveur de l’avortement appelé maintenant « interruption volontaire de grossesse (IVG) et elle garantit au personnel soignant « la clause de conscience » : « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse » « aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. »
Loi du 4 juillet 2001 : les modifications qu’elle apporte à la loi Veil font de l’avortement un droit, quand cette dernière voulait en faire une exception à ce qui restait encore légalement considéré comme un mal.
Cette transformation radicale de la loi Veil en 26 ans, transformation qui a continué régulièrement depuis 2001, peut trouver une explication dans l’évolution des mentalités, les lacunes dans l’application des conditions et limites à l’avortement de la loi Veil, et les actions menées dès 1975 pour la reconnaissance d’un droit à l’avortement non reconnu par la loi Veil.
Mais ce droit à l’avortement de la loi de 2001 ne paraît jamais suffisant aux promoteurs de l’avortement, qui ne cessent depuis cette date d’élargir, mesure après mesure, les possibilités d’avorter :
– disparition dans le dossier guide remis à la femme sur l’IVG, de la partie informant la femme des droits de la femme enceinte,
– suppression de la nécessité légale de l’entretien avant l’avortement, entretien qui permettait à la femme de prendre une distance par rapport à la décision qu’elle envisageait, ce qui a abouti à sa disparition.
– suppression du délai d’une semaine entre la première consultation et la date prévue de l’avortement,
– suppression de l’article qui interdisait la publicité pour l’avortement,
– création du « délit d’entrave à l’IVG » pour ceux qui aident la femme à garder son enfant, aide pourtant textuellement envisagée par la loi Veil dans la description des buts de l’entretien : « entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à la situation de l’intéressée (…) en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son enfant. A cette occasion lui sont communiqués les noms et les adresses des personnes et organismes susceptibles d’apporter une aide morale et matérielle aux femmes et aux couples confrontés aux problèmes de l’accueil à l’enfant. »
– introduction du « droit » à l’avortement, alors que la loi Veil en faisait une concession, droit qui devient même en 2014 un « droit fondamental »,
– aggravation du délit d’entrave à l’IVG, en pourchassant les sites d’internet qui osent offrir aux femmes les informations qu’elles demandent sur l’avortement.
Cette transformation en faveur de l’avortement est si radicale que : « si les propos de Simone Veil en 1974 étaient repris par n’importe quel quidam aujourd’hui, ils feraient de celui-ci une personne à poursuivre. » (courrier des lecteurs de La Croix,4.07.2017). Et considérer que : « l’avortement est toujours un échec quand il n’est pas un drame » comme l’a déclaré puis répété Simone Veil à la fin de son intervention à l’Assemblée le 26 novembre 1974 est une opinion désormais interdite, tout autant que des pans entiers de ce discours dont voici les plus significatifs :
II-Discours de Simone Veil au Parlement le 26 novembre 1974 avant le vote de la loi : extraits de « Les hommes aussi s’en souviennent » (Stock) livre de Simone Veil et Annick Cojean (interviewer).
P 30 Le médecin peut jouer ici un rôle capital, d’une part, en informant complétement la femme des risques médicaux de l’interruption de grossesse qui sont maintenant bien connus et tout spécialement des risques de prématurité des enfants futurs, et, d’autre part, en la sensibilisant au problème de la contraception.
P 31 Nous souhaitons que ces consultations soient le plus diversifiées possible et que, notamment, les organismes qui se sont spécialisés pour aider les jeunes femmes en difficulté puissent continuer à les accueillir et à leur apporter l’aide qui les incite à renoncer à leur projet. Tous ces entretiens auront naturellement lieu seul à seule, et il est bien évident que l’expérience et la psychologie des personnes appelées à accueillir les femmes en détresse pourront contribuer de façon non négligeable à leur apporter un soutien de nature à les faire changer d’avis.
P 32 Les deux entretiens qu’elle aura eus, ainsi que le délai de réflexion de huit jours qui lui sera imposé, ont paru indispensables pour faire prendre conscience à la femme de ce qu’il ne s’agit pas d’un acte normal ou banal, mais d’une décision grave qui ne peut être pris sans en avoir pesé les conséquences et qu’il convient d’éviter à tout prix.
P 33 L’interruption de grossesse ne peut être que précoce, parce que ses risques physiques et psychiques, qui ne sont jamais nuls, deviennent trop sérieux après la fin de la dixième semaine qui suit la conception pour que l’on permette aux femmes de s’y exposer.
P 40 Personne n’a jamais contesté et le ministre de la Santé moins que quiconque que l’avortement soit un échec quand il n’est pas un drame.
III-Le silence de Simone Veil.
Ce qui est surprenant après ce que nous venons de lire, c’est le silence de Simone Veil devant le démantèlement de sa loi par celle de juillet 2001 et la surenchère régulière des mesures pro avortement depuis cette date, si bien que ceux qui continuent à se référer à la « loi Veil », le font à une loi qui n’existe plus. Comment ne pas s’en étonner? Il est possible qu’elle ait réagi sans que nous le sachions. Il existe en effet des propos retrouvés de Madame Veil qui permettent de le penser.
En voici deux d’entre eux :
– Lors d’une émission de TV de Michel Fields consacrée ce soir-là, au début de l’année 2001, à la proposition de loi qui sera votée le 4 juillet suivant et en particulier à l’extension dans cette loi du délai légal d’IVG de 10 à 12 semaines de grossesse, Michel Fields demandait l’avis de ses invitées à ce sujet. Il avait réuni Madame Bachelot, Elisabeth Badinter, une médecin anesthésiste membre du parti socialiste, et Madame Veil.
Les deux premières étaient l’une et l’autre tout à fait favorables à cette extension, et pourquoi pas 4 mois, proposait l’une d’elles. Par contre la médecin anesthésiste déclarait que si une telle extension était votée, elle cesserait sa participation aux IVG dans l’hôpital où elle travaillait. En passant de 10 à 12 semaines de grossesse le crâne du fœtus double de volume, et l’avortement demande quelquefois à être pratiqué en plusieurs fois, traumatisant le personnel. Cela correspondait d’ailleurs au rapport du Pr NIisand de Strasbourg, après son tour de France des centres d’IVG réalisé à la demande de Martine Aubry, avant le vote de la loi du 4 juillet 2001. Ce rapport soulignait : « l’hostilité de la majorité du corps médical qui réalise les IVG » à l’allongement du délai, de même que « la lassitude considérable des praticiens dans les structures publiques, où parfois les internes évitent les services à forte prévalence d’IVG » (p.44).
Michel Fields s’étonna sur un ton de réprobation et répondit à cette femme médecin qu’elle se mettrait alors en contradiction avec la loi ?
C’est alors que Madame Veil assise à l’arrière, et qui n’avait pas encore dit un mot intervint d’une voix ferme : « Ignorez-vous, Mr Fields, qu’un médecin ne fait pas d’actes qui s’opposent à sa conscience. ? »
– Il est intéressant de constater que madame Veil a été la seule à défendre la médecin anesthésiste, avec la même opinion qu’elle exprimera en 2007 lors d’un reportage sur l’avortement à haut risque en Espagne. « L’avortement est une question éthique et pas seulement un geste médical. La seule chose que j’avais négociée avec l’Église était de ne pas contraindre les médecins. C’est un point à maintenir, car on ne peut obliger personne à aller contre ses convictions. Il est de plus en plus évident scientifiquement que dès la conception, il s’agit d’un être vivant. »
Ces quelques lignes sur le ferme attachement de Simone Veil à la clause de conscience et à son maintien ont toute leur importance, à l’heure actuelle, quand on sait que l’intention de certains de nos législateurs est de supprimer la clause de conscience.
Nous terminons ces quelques réflexions sur l’évolution de la loi VEIL et sur la pensée de madame VEIL elle-même, par un essai de compréhension de ce qui se passe.
IV- Que penser vraiment de cette surenchère ?
Le 23 novembre 2014, quelques jours avant que la résolution qui fait de l’avortement « un droit fondamental de la femme » ne soit adoptée par le Parlement, Mgr Guy de Kerimel, responsable au sein de la Conférence des Évêques de France d’un groupe de travail sur le phénomène social de l’Avortement, écrivait ceci :
« Cette surenchère pour imposer l’avortement comme un acte médical banal au service de la liberté des femmes dit la difficulté de fonder de manière solide ce « droit fondamental ». Un droit humain peut-il reposer sur la négation du droit à la vie d’autres êtres humains au tout début de leur existence et de leur croissance ? (…) Mais de quelle liberté parle-t-on ? Quand on lit le récit de bon nombre de femmes qui ont avorté, on entend leur angoisse, la pression de l’entourage, souvent du géniteur, et la souffrance qu’elles éprouvent durablement d’avoir été amenées à commettre un acte qu’elles ressentent comme grave.(…).
Cette surenchère législative n’est-elle pas en réalité le symptôme d’un profond malaise, celui d’une société qui sait au fond d’elle-même qu’elle est dans une impasse mais ne parvient pas à le reconnaître et à en tirer les conséquences ? Une société qui cultive le déni au lieu de résoudre les problèmes. Toute femme sait en effet que ce geste interrompt la vie qui se développe rapidement en elle. Un sentiment de malaise, de culpabilité, conscient ou non, immédiat ou plus tardif après l’avortement peut s’installer et la faire beaucoup souffrir. Or la culpabilité est mauvaise conseillère : elle entraine souvent un certain militantisme en faveur de l’avortement, « Si tout le monde pense ou fait comme moi, je ne suis pas coupable ». La libéralisation actuelle de la loi française, qui ne cesse de s’élargir, mesure après mesure pour rendre son accès plus facile et pour faire de l’avortement un droit « fondamental » (le simple « droit » ne suffisant pas), a quelque chose à voir avec cette culpabilité.
Cette culpabilité est bien difficile à gérer, alors on va la nier. Certaines femmes ne voient en effet que ce déni pour atténuer leur souffrance cachée, alors qu’un mal ne se soigne que s’il est reconnu. Et quand ces femmes sont au pouvoir, elles font tout pour « normaliser » ce geste en militant en sa faveur, alors que ce geste ne change pas de nature pour autant ! On assiste même en ce moment au déni, voire à l’interdit de la souffrance de la femme qui a avorté. Une de mes consultantes me raconte la réaction du médecin qui l’avait avortée et à qui elle disait sa souffrance : « On dirait, madame, que vous avez perdu un enfant ! ». Bien d’autres femmes dans la même situation souhaitent voir reconnue la douleur qui les habite.
V. L’écoute de cette douleur, mais aussi parfois de celle des pères (1), est la base de l’aide apportée par des organismes tels que AGAPA, ou Mère de Miséricorde, qui aident ces femmes à revivre.
Voici leurs coordonnées :
AGAPA,
42 rue Saint Lambert, 75015 PARIS. Tel : 01 40 45 06 36
contact@agapa.fr site : www.agapa.fr
MÈRE DE MISÉRICORDE
1 rue des Pénitents Blancs BP 71028 31010 Toulouse cedex 6
0800 746 966
contact@meredemisericorde.org
Ces organismes ont besoin de collaborateurs, et proposent une formation.
Les informations et la réflexion que nous venons de vous proposer vous inciteront, nous l’espérons à aider les femmes en difficulté après un avortement, mais cette aide est valable pour toute femme ayant perdu un enfant avant la naissance ou près de sa naissance.
(1) « Cet enfant qui m’a manqué » : Paroles d’hommes face à l’avortement, de Michel Hermenjat (Éd. Première partie 2012)
http://www.madmoizelle.com/lutte-anti-ivg-les-survivants-809089