Le décès de la sociologue Évelyne Sullerot est l’occasion de rendre hommage à une femme de conviction, dont la trajectoire intellectuelle et militante se révèle pleine d’enseignements. D’une certaine façon, elle est à l’origine d’un militantisme féministe d’autant plus efficace qu’il ne se contentait pas de grandes proclamations idéologiques à la Simone de Beauvoir. Elle était sur le terrain, elle-même mère de famille, cherchant concrètement à faire progresser la condition féminine. C’est ainsi qu’elle fonda le Planning familial et se préoccupa d’orientation professionnelle. Mais c’était aussi une universitaire, auteur de nombreux livres, avec la capacité de faire évoluer l’opinion publique.
J’ai souvenir de propos assez abrupts d’Évelyne Sullerot, d’éducation protestante, qui s’en prenait au Vatican, comme on pouvait s’en prendre autrefois au Kremlin. Mais la crise des années soixante allait déterminer chez elle une évolution intellectuelle, à rebrousse-poil des courants libertaires et de tout ce qui s’en est ensuivi jusqu’à nos jours. N’écrivait-elle pas dans un de ses derniers ouvrages : « La révolution sexuelle au lieu de renforcer le couple, l’a fragilisé. Le culte du plaisir immédiat l’a emporté sur le désir d’avenir et d’accomplissement par les enfants. Le Planning familial a dérapé vers la guerre des sexes entraînant la négation du couple et l’élimination des pères. » À propos de l’avortement – elle s’était battue pour sa dépénalisation – elle précisait : « J’étais contre le fait d’en faire un droit (…) or aujourd’hui l’avortement est devenu une contraception bis et même un droit à détruire. » Très inquiète pour le sort des pères, elle dénonçait l’abolition de leur mission spécifique.
Libération tord visiblement la bouche, lorsque le journal post soixante-huitard rappelle l’hostilité d’Évelyne Sullerot à la PMA et à la GPA : « Quand on veut jouer au grand artificier, écrit-elle dans un livre testament qui sort ces jours-ci, on risque de déséquilibrer et de brouiller la trame des générations. Pour moi, le père est à la fois le père biologique et le père éducateur, la mère est à la fois la mère biologique et la mère éducatrice. Si on les sépare, on tue l’un des deux et on casse la famille, ce qui perturbera la société. » Cette lucidité montrait toute la différence entre le féminisme idéologique et le véritable amour de la femme, de sa vocation et de son épanouissement.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 5 avril 2017.
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