Je sors à peine de la lecture d’Evangelii Gaudium, que je suis très loin d’avoir pleinement intégré, et je suis très impressionné. Il s’agit du premier texte de grande ampleur publié par le Saint-Père, et je mesure sa force, sa densité, son équilibre profond. Depuis le début de son pontificat, nous avions pris l’habitude de ses interventions souvent incisives, de ses improvisations parfois enflammées, de ses gestes significatifs de bon pasteur attentif à toutes ses brebis, et singulièrement les plus délaissées. Mais voilà un texte extrêmement construit, un texte de synthèse où la pensée peut se déployer en un ensemble où tout est pris en compte de la mission de l’Église, de son insertion dans les réalités de notre temps. Et on peut constater à quel point ce pape domine son sujet sans trahir la complexité des choses, sans ignorer les contradictions de l’humanité, ses faiblesses et ses richesses.
C’est en fait un véritable plan de bataille qui se trouve ainsi dressé. Un plan de bataille spirituelle bien sûr, attentif en tout à l’esprit de l’Évangile. Un Évangile qui est au diapason de l’amour que Dieu porte à l’humanité ainsi qu’à l’ambition d’un salut universel. Toutes les idées approximatives sur la personnalité et la pensée de François s’en trouvent balayées et le petit jeu qui consiste à l’enfermer dans des catégories revêtues d’étiquettes du style conservateur, progressiste, devient dérisoire. Sur le fond, ce pape serait presque d’une exigence inflexible, ce qui ne l’empêche pas de prôner, en parole et en acte, une pastorale de l’accueil, de la proximité, de l’écoute, de la compréhension.
C’est cela que j’appelle son équilibre. Sur le fond impossible de le mettre en contradiction avec l’enseignement de ses prédécesseurs qui est d’ailleurs rappelé explicitement. Mais cet enseignement doit pénétrer les cœurs et doit s’accompagner d’une conversion de tous et de chacun pour être digne messager de la Bonne Nouvelle.