Trois mois après la mort de Chantal Sébire, une brutale polémique, révélée par l’hebdomadaire catholique La Vie, enfle par médias interposés. Elle oppose Gilles Antonowicz à Jean-Luc Romero qui a pris la présidence de l’ADMD il y a un an. Désaccord idéologique, affirme le premier. Il accuse Romero de prôner le suicide assisté, c’est-à-dire la possibilité pour toute personne désirant mourir, même si elle est en bonne santé, d’obtenir une assistance médicale pour le faire « proprement ».
Selon maître Antonowicz l’ADMD aurait ainsi basculé dans l’extrémisme. Il cite le cas de Mirelle Jospin. La mère de l’ancien Premier ministre, adhérente de l’association, avait mis fin à ses jours parce qu’elle se sentait trop âgée. Gilles Antonowicz préférerait une loi « à la Belge », réservée aux malades incurables en fin de vie. « Tous ces arguments sont faux », rétorque Jean-Luc Romero qui avance une explication sonnante et trébuchante : Antonowicz aurait réclamé 5 000 € d’honoraires pour son « assistance » à Chantal Sébire. Le président de l’ADMD se serait fait tirer l’oreille pour débourser cette somme, estimant que son vice-président « devrait travailler sous la forme du bénévolat ». Et Romero, qu’Antonowicz accuse d’être « là où le vent tourne » pour « ratisser large » de nier soutenir les promoteurs du suicide assisté sans condition.
Autre motif public de discorde, le soutien accordé par le président de l’ADMD à l’association suisse Dignitas. Antonowicz se dit choqué par les affaires d’asphyxie par des sacs remplis d’hélium qui ont récemment défrayé la chronique, tandis que Romero assure n’être déterminé qu’à « éclaircir » ces accusations en soulignant : « Nous n’avons jamais eu de retour négatif sur leur pratique. »
A première vue, cette fracture dont on ne sait si elle sépare deux égos surdimensionnés ou deux positions inconciliables fragilise à nouveau le puissant lobby de l’euthanasie. L’ancien sénateur Henri Cavaillet, son leader historique, en a déjà démissionné en juin 2007, au moment du scandale qui a provoqué le départ de sa directrice : l’AMDM a, depuis, porté plainte contre Catherine Leguay pour détournement de fonds. Marie Humbert avait, elle aussi, confié son malaise, plusieurs mois après la mort de son fils, s’estimant victime d’une instrumentalisation. l’ADMD est jugée plus radicale que ses amis de l’association « Faut qu’on s’active ! », proche avec son président Vincent Léna, du Parti socialiste.
Plus récemment, c’est le médecin personnel de Chantal Sébire qui a critiqué l’ADMD, expliquant à Marc Payet, du Parisien, avoir été « un peu mal à l’aise avec le militantisme de certains, qui étaient un peu trop passionnel. Ils disaient qu’il n’y avait qu’une solution : légaliser l’euthanasie ! » Or, le docteur Payet met Jean-Luc Romero et Gilles Antonowicz, dans le même sac. Il raconte que lorsque tous deux se sont rendus, « avec une femme blonde » auprès de sa patiente, dans les jours précédant sa mort, il aurait préféré voir Chantal Sébire seule.
Que les anciens amis s’accusent d’extrémisme, d’âpreté au gain, d’opportunisme, d’utopisme et de mensonge devrait faire réfléchir. Ce qu’on découvre derrière l’unanimisme compassionnel laisse imaginer bien des manipulations à l’envers du décor.
On ne sait pas, pour le moment, la posture de Marie Humbert qui plaide, quant à elle, pour un « droit opposable à mourir dans la dignité » qui sonne très « communication politique ».
Giles Antonowicz récent auteur de plusieurs ouvrages engagés, serait-il en quête de leadership ? L’avocat s’en défend : s’il appelle de ses vœux un nouveau mouvement qu’il dénomme « Mouvement pour la légalisation de l’Euthanasie et de Développement des soins palliatifs », il n’entend pas le fonder.
Pour les opposants résolus à l’euthanasie, ce nouveau front, qui se présente comme modéré, est dangereux. Sans compter qu’ils risquent d’être oubliés par des médias se focalisant sur les deux factions rivales. Multiplier les angles d’attaque peut ainsi marginaliser l’autre camp.
Déjà, Gilles Antonowicz, stigmatise, dans Le Figaro « ces gens qui rêvent à cette espèce de monde imaginaire où, quand on serait vieux et un peu malade, on irait chercher une pilule pour mourir tranquillement ». Il se pose en recours « raisonnable » capable de mettre les plaideurs d’accord. Romero rétorque aussitôt que cette association existe déjà : c’est l’ADMD. En tout cas, l’avocat dit avoir été payé. Mais il n’est pas certain que les frères désormais ennemis puissent se tirer de l’affaire Sébire sans autre dommage.
Le parquet de Dijon vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour provocation au suicide. Les témoignages de plusieurs proches de Chantal Sébire, l’estiment victime d’un abus de faiblesse. La révélation de la disparition de scellés sur des pièces à conviction au CHU de Dijon ajoute un élément de plus à la confusion.
Du côté de l’Elysée qui n’a pas oublié que Jean-Luc Romero a louvoyé du côté de l’UMP, avant de rompre avec éclat, il paraît qu’on veut que le processus judiciaire aille « jusqu’au bout ».