Euthanasie : l'orchestration - France Catholique
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Euthanasie : l’orchestration

Une nouvelle offensive des partisans de l’euthanasie se prépare au Sénat, où ils entendent franchir une étape supplémentaire. Décryptage d’une stratégie d’adaptation.
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Étape n°1 : Récupérer et détourner

Pour la seconde année consécutive, le 2 novembre a vu une étrange manifestation au parvis des Droits de l’Homme du Trocadéro. Une centaine de militants de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité se réunissait pour défendre un « droit de choisir sa mort », présenté comme « l’ultime liberté ».

Deux jours plus tôt, le quotidien Sud-Ouest, établi en terre radicale-socialiste, avait, lui aussi, choisi de détourner la fête chrétienne de la Toussaint pour rendre public un sondage commandité à l’IFOP sur l’euthanasie. Son résultat, stupéfiant, est repris dans tout l’Hexagone : 9 Français sur 10 y seraient favorables. Il faut décortiquer la question posée : on y présente l’euthanasie comme la façon d’échapper à des « souffrances insupportables » par une « mort sans souffrance ». Insupportable ? C’est-à-dire impossible à supporter. Le sondé est conduit tout droit à la réponse…
Quant à présenter l’euthanasie comme mort sans souffrance, c’est méconnaître la violence de cette mort programmée, comparable à celle du suicide, fût-il ou non « médicalement assisté ».

On reste donc dans la technique du choix truqué, comme s’il fallait se résoudre soit à l’acharnement thérapeutique, soit à l’euthanasie. L’idée est de mettre les politiques sous la pression, en leur faisant croire qu’ils sont insensibles à la vox populi. Mais les sondages la reflètent-ils ? En septembre 2009, l’un d’entre eux affirmait que 45% des catholiques pratiquants étaient favorables à l’euthanasie. Et voilà que le chiffre est « miraculeusement » passé à 82% dans le dernier sondage…

Au parasitage conjoncturel du Jour des morts s’ajoute la récupération structurelle des soins palliatifs. Les promoteurs de l’euthanasie affirment les soutenir, l’euthanasie étant à les entendre l’issue à offrir en cas d’échec des soins palliatifs. En réalité, comme la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) le confirme, l’euthanasie et les véritables soins palliatifs sont incompatibles. Selon l’adage « la mauvaise monnaie chasse la bonne », on ne voit pas pourquoi on dépenserait de l’énergie et de l’argent pour rester solidaires des vivants jusqu’au bout quand on peut les exclure si facilement.

Étape n°2 : Ratisser plus large

Échaudés par leur échec de no­vembre 2009 à l’Assemblée nationale où une proposition de loi socialiste avait été vite écartée, les partisans de l’euthanasie ont affiné leur stratégie. Comment obtenir une majorité ?
D’abord en utilisant la vieille ficelle qui consiste à renommer les choses pour dépoussiérer l’euthanasie de sa connotation péjorative : « aide active à mourir », ça fait solidaire… C’est la terminologie choisie par les auteurs d’une nouvelle proposition de loi socialiste, cette fois déposée au Sénat.
Ensuite en se coalisant : durant quelques jours on a cru que la proposition de loi PS allait être discutée mi-novembre 2010 dans l’espace réservé à l’opposition. Puis – coup de Jarnac ! – on apprenait que la centriste Muguette Dini, présidente de la Commission des affaires sociales du Sénat, avait arrangé une autre solution : mettre en commun le texte PS avec ceux déposés par d’autres partis, les communistes, les Verts… et surtout celui d’un sénateur UMP, Alain Fouché, qui a élaboré son propre texte. L’idée est de donner du temps au temps, pour aboutir à une discussion plus aboutie fin janvier 2011. Or, l’objectif avoué de Jean-Luc Romero est à l’image de ses mutations politiques : trouver une majorité transpartisane associant la totalité de la gauche à une portion importante de la droite. Le président de l’ADMD est lui-même passé de l’UMP au Modem puis au PS.

Et le temps semble favorable au Sénat : il n’y a pas de majorité dans la Haute assemblée, qui est même en passe de basculer à gauche ; certains de ses membres ont envie de se doter d’une image progressiste ; par ailleurs un vent de fronde parlementaire souffle dans la majorité présidentielle, à mesure que l’exécutif perd des points dans les sondages ; et puis la fraternelle parlementaire ne se cache pas de travailler la question de société qui a le vent en poupe. Certes, la mobilisation pour l’euthanasie est en réalité plus faible dans l’opinion que ne le prétendent les sondages, quand on regarde le nombre de personnes qu’un tel sujet peut effectivement mettre dans la rue… Au contraire, la résistance à une révolution susceptible de mettre à bas notre système de santé reste forte, à commencer par celle du monde médical… Mais l’ADMD table sur son harcèlement pour l’emporter. Ses leaders surfent sur la peur du vieillissement et de la dépendance et sur certaines expériences dramatiques : car ce sont les défaillances du système de santé qui alimentent son militantisme.

Étape n°3 : Embobiner

Puisqu’on ne peut passer en force, passons par le dialogue, mais sans rien lâcher. C’est en substance la tactique utilisée par la proposition de loi socialiste. La surenchère des précautions de langage laisse planer une impression de mesure et de prudence. On ne parle que d’euthanasie « d’exception », « solidement encadrée », avec toutes sortes de garde-fous juridiques permettant d’éviter les dérives. C’est presque trop pour être honnête. Et, effectivement, le cœur du texte révèle sa philosophie. On découvre que la prétendue « aide active à mourir » n’est pas réservée aux personnes en fin de vie, mais aussi à celles qui souffrent d’une maladie grave incurable, autrement dit certaines personnes très dépendantes ou handicapées. Le qualificatif « insupportable » constitue un critère manipulateur et invérifiable. D’autant qu’on entend l’appliquer non seulement à la douleur physique (qu’en réalité on peut toujours largement apaiser) mais aussi à la souffrance « psychique ». Autant dire qu’on veut établir un passeport pour le suicide assisté des grands désespérés…

D’ailleurs les exemples étrangers que ne cessent de mettre en exergue les promoteurs de l’euthanasie sont peu rassurants : pourquoi proposer comme modèle la Belgique, pays à la vie politique si chaotique ? L’euthanasie clandestine s’y est développée en même temps que l’euthanasie légale, et on y débat de celle des mineurs voire des enfants. Aux Pays-Bas, l’Onu s’inquiète aussi des dérives de l’euthanasie administrée, tandis que des personnes âgées apeurées ont commencé à migrer hors de Hollande vers les zones frontalières d’Allemagne. Quant aux abus qui se passent en Suisse avec les sinistres associations Dignitas ou Exit, ils défraient régulièrement la chronique : des centaines d’urnes funéraires immergées en catimini dans le lac Léman ; euthanasie de personnes dépressives ; voyages sordides où l’on découvre a posteriori des erreurs de diagnostic sans compter les souffrances physiques et morales des « touristes de la mort ». L’impression laissée aux proches est celle d’un immense gâchis comme le montre le témoignage bouleversant du comédien Daniel Grall : J’ai accompagné ma sœur.

Avec le titre de l’ouvrage de l’universitaire Robert Holcman, il nous faut donc revenir à la dure réalité : Euthanasie, l’ultime injustice (L’Harmattan). Car c’est le droit de donner la mort que contient en réalité l’euthanasie. Le droit de tuer ceux dont on prétendra la vie d’abord insupportable (non sans les avoir priés de le dire), ensuite inutile et enfin coûteuse. Car l’euthanasie, c’est l’avenir de l’économie avait pronostiqué Jacques Attali. « Dès qu’il dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société ; il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle ne se détériore progressivement » expliquait-il avant de conclure : « l’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement » (L’homme nomade, Le Livre de Poche, 2005).

Certains rêvent donc de l’injection létale pour combler le trou de la sécurité sociale, maîtriser le coût de la dépendance… Et pourquoi pas pour régler enfin le casse-tête des retraites ? Certaines sociétés esquimaudes ou océaniennes avaient bien su pousser leurs « bouches inutiles » vers la sortie… Sans mesurer la cruauté de leur culture.

Et si notre façon d’accompagner les membres de notre société jusqu’à la mort, sans se faire maîtres du temps de leur vie, permettait de mesurer notre degré d’humanité ? Tourné au Centre médical Jeanne Garnier, le film documentaire Les yeux ouverts qui vient de sortir dans les salles (cf France Catholique n° 3233) mérite d’être promu pour en prendre conscience.

Signez l’Appel : STOP à l’euthanasie ! (sur le site internet http://www.fautpaspousser.com/ ).