« Soyez dans le monde sans être du monde. » Donc les catholiques sont appelés à vivre engagés dans des affaires terrestres sans être façonnés par elles. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? Et quel est « le monde » dont nous devons nous méfier ? Comment devrions-nous l’approcher ?
Ce commandement sur la façon de vivre vient de Jésus Lui-même lors de la Dernière Cène, quand Il fait référence au « monde » un nombre ahurissant de fois : trente-huit (Jean 14-17). Il fait parfois référence à la localisation physique, comme dans « je quitte ce monde et vais vers le Père ». Mais le plus souvent, il fait référence au « monde » comme à une force spirituelle qui est par nature en désaccord avec Lui et Sa mission. « Si le monde vous déteste, sachez qu’il m’a détesté avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ceux qui sont à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, que je vous ai choisis pour vous sortir du monde, le monde vous déteste ».
Le Christ nous a « sortis du monde », loin des gens et des esprits qui s’opposent à Lui, ayant pour but de nous transformer pour que nous soyons moins semblables au monde et plus semblables à Lui. Mais nous ne devons pas nous incruster sur le Mont Tabor. Jésus a également prié : « comme tu m’as envoyé dans le monde, semblablement je les ai envoyés dans le monde. Je me consacre pour eux afin qu’eux aussi soient consacrés dans la vérité ».
Cela a été le modèle de la formation presbytérale et religieuse durant des siècles : ceux qui sont appelés à servir quittent le monde – temporairement – pour le séminaire ou le cloître afin qu’ils soient formés et retournent ensuite vers le monde pour accomplir une mission : convertir « le monde » en combattant le mal avec l’aide de la grâce de Dieu.
Saint Paul, et la tradition chrétienne qui a suivi, ont compris « le monde » de la même manière – ce sont les forces qui nous éloignent de Dieu :
Si vous êtes morts avec le Christ aux puissances d’asservissement, pourquoi vivre comme si vous apparteniez toujours au monde ? … si vous avez été ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Gardez vos esprits fixés sur les biens d’en haut, non sur ceux de ce monde, car vous êtes morts avec le Christ et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ… Faites donc mourir tout ce qui en vous relève de ce monde : fornication, impureté, passions coupables, désirs mauvais et cette avidité qui est une forme d’idolâtrie. Pour cette raison, la colère de Dieu va venir sur ceux qui désobéissent. (Colossiens 2:20, 3:1-3 et 5)
« Les biens d’en haut » sont la force motrice de la vie chrétienne. Les obstacles aux biens célestes – surtout le péché – doivent être éliminés : « si ton œil droit te porte à pécher, arrache-le et jette-le au loin » (Matthieu 5:29). Au cours des siècles, des catholiques ont manifesté la prééminence du ciel sur la terre de différentes manières. Au niveau le plus radical, dans l’Eglise primitive, c’était par le martyre. Aux âges ultérieurs, c’était par l’ascétisme, le célibat et la vie monastique. Le principe, bien que vécu avec plus ou moins de ferveur, a perduré, comme on le voit par exemple au XVe siècle dans « L’imitation de Jésus-Christ » écrit par Thomas a Kempis : « la seule manière pour que votre âme trouve le repos est de vous tourner vers Dieu de tout votre cœur en abandonnant ce monde misérable ».
Cependant, la modernité a embrassé « le monde » comme son dieu, conséquence de sa répudiation des biens venus d’en haut. Le salut s’offre maintenant dans les séductions du monde et les causes politiques. Ce qui était jadis immoral est maintenant promu activement dans les écoles tandis que le mal a été réduit à des « injustices du système », fort éloignées de la vie quotidienne de la plupart des gens. Avec ce glissement fatal, de nombreux catholiques ont été absorbés par « le monde », si bien qu’il n’y a apparemment guère de différence entre leur façon de vivre et celle de n’importe qui d’autre.
Pour renverser ces priorités, nous avons besoin d’une réponse biblique. Premièrement, avec Notre Seigneur et Saint Paul, nous devons replacer les choses de Dieu à la première place et reconnaître « le monde » pour ce qu’il est – des forces qui nous éloignent de Dieu. Les idées et les pratiques qui contredisent la Bible doivent être condamnées comme mauvaises, peu importe leur degré de popularité.
Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là, argumentant contre le mal sans offrir en riposte un exposé de la vie vertueuse. Suivant Saint Paul, nous devons rendre attractif, rechercher pour nous-mêmes et vivre « le fruit de l’Esprit », qui est « amour, joie, paix, patience, bienveillance, bonté, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Galates 5:22)
Troisièmement, nous devons tous pratiquer régulièrement, dans la mesure de nos capacités, l’ascétisme chrétien, qui maîtrise les désirs de la chair et nous rappelle que les biens spirituels sont plus grands que les biens temporels. Nos sacrifices peuvent être aussi grands que donner la dîme ou aussi petits que renoncer au sel dans la nourriture. Renoncer par esprit de piété à un bien de ce monde est une expression profonde de notre amour pour Dieu.
Et enfin, nous devons sans cesse rendre grâce pour toutes les bonnes choses que nous apprécions dans la vie – la foi, la famille, le sport, les loisirs, la technique, l’art, la littérature – en les reconnaissant pour ce qu’elles sont en réalité : des cadeaux de Dieu. Inspiré par l’Esprit Saint, Saint Augustin enseigne que nous pouvons voir que « une chose est bonne parce qu’elle provient de Celui qui Est ». De cette manière, nous pouvons user des biens de la création ainsi que Dieu le désire et non ainsi que le monde nous l’impose.
Notre Seigneur savait qu’être dans le monde sans être du monde ne serait jamais facile. Il nous a donc préparé une issue, même si nous devons toujours nous battre durant la partie. « Dans ce monde, vous aurez à souffrir. Mais courage ! J’ai vaincu le monde » (Jean 16:33).