La formidable révolution technologique qui a transformé radicalement nos modes de communication est irréversible. Il est proprement impensable que l’on revienne en arrière, en jetant nos portables au rebut, en cadenassant nos ordinateurs, en interdisant internet… que sais-je ? La communication s’est ouvert des champs d’exercice immenses, dont nous sommes tous tributaires… Il y a bien quelques réfractaires obstinés qu’il faut d’ailleurs saluer. Ce ne sont pas des réactionnaires obtus, ce sont des hommes libres qui entendent protéger leur vie intérieure pour mieux garantir l’essor de leur intelligence et de leur sensibilité. Je les envie un peu, sans pouvoir suivre leur exemple, étant assujetti aux contraintes inflexibles du métier, tel qu’il s’exerce aujourd’hui.
Je n’en ressens pas moins avec acuité certains défauts flagrants du système actuel, et j’ai réagi très fort à un tout récent article de mon ami Jean-Claude Guillebaud dans La Vie. Il faut, en effet, un certain cran, pour demander à la rédaction de votre journal de mettre fin aux commentaires qui suivent la version en ligne de votre bloc-notes. Non que Guillebaud conteste la légitimité des critiques qu’on lui oppose. Il s’insurge contre la pollution qui intervient souvent dans des commentaires inspirés par le ressentiment et qui n’hésitent pas à utiliser l’insulte. Il m’est souvent arrivé d’être proprement effaré par le contenu de certains sites, qui sont comme des déversoirs d’humeurs haineuses, des défouloirs. Certes, comme Jean-Claude Guillebaud, je ne veux pas généraliser. Il y a d’excellentes discussions ici ou là, souvent stimulantes, notamment à la suite de mes propres papiers. Mais les mauvais penchants, qui sévissent en beaucoup de lieux, mériteraient non pas une police de la pensée, toujours insupportable, mais des règles déontologiques. Elles sont difficiles à faire respecter ? Il faudrait des moyens coûteux pour arbitrer ce qui relève de la légitime controverse et ce qui s’assimile à de l’exécrable polémique. Alors, il faut suivre la suggestion de Jean-Claude Guillebaud : refusons l’anonymat des insulteurs et ouvrons nos espaces à ceux qui prennent la responsabilité de signer leurs interventions.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 décembre 2015.