États-Unis : une autre élection – un autre peuple - France Catholique
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États-Unis : une autre élection – un autre peuple

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Dans l’air vivifiant d’octobre, elle est très nettement dans l’air la question de savoir si les gens en parlent ou non : Les élections qui approchent pèsent sur tout.

On le dit depuis des années, du coup cela paraît surfait de le redire : Ce pourrait être la plus importante élection de cette génération, un véritable tournant. Mais en fait, c’est le cas.

Le « tournant » ressemble à un véritable changement de régime – dans notre compréhension des justes intentions d’un gouvernement, la concentration et les usages du pouvoir politique, et les critères sur lesquels sont établis les principes dont nous vivons ensemble en tant que peuple.
Sur les questions d’avortement et de mariage, je n’ai pas besoin de déranger nos lecteurs en redisant ce que je leur ai donné à lire depuis des années : Sauf que certaines choses ont besoin d’être répétées régulièrement.
Notre administration est marquée par les idées du chef de l’exécutif qui ne voudrait pas protéger un enfant qui survivrait à un avortement, à moins que la protection d’un enfant né vivant ne remette en cause tout l’ensemble des « droits à l’avortement ».

Cette manière d’envisager les choses domine son administration et trouve son expression dans les règlements qu’elle délivre régulièrement dans ses rapports avec les hôpitaux, les assurances et les soins médicaux.

Si Monsieur Obama a un ou deux rendez-vous avec la Cour Suprême, ce n’est pas simplement parce que le mariage homosexuel est virtuellement certain d’être imposé ou que l’avortement devient de plus en plus fermement établi comme « part de l’ordre établi », bien à l’abri de tout défi. Mais plutôt parce que ces « droits » à l’avortement et au mariage homosexuel vont devenir une partie de la nouvelle orthodoxie qui sera imposée, comme exigence morale, aux institutions et aux personnes privées et publiques.

Aucune des organisations que réfute la justesse de ces choses ne sera considérée comme une organisation « légitime ». Les hôpitaux catholiques qui refuseront d’abriter des avortements chirurgicaux ; le médecins ou les infirmières qui ne voudront pas participer au « processus » ; les agences d’adoption qui refuseront de confier des enfants à des couples de même sexe ; les officiers municipaux qui refuseront de célébrer des mariages homosexuels ; les photographes qui refuseront de prendre des photos à ce type d’évènements – tous peuvent être soumis à des sanctions variées, comme de perdre leurs autorisations ou se voir imposer des amendes.
Dans son fameux discours à l’Union Cooper à New York, en février 1860, Lincoln notait la forte insistance morale des partisans de l’esclavage. Le simple fait d’acquiescer en y ayant recours n’était pas suffisant. « Le silence, disait-il, ne sera pas toléré – nous devons nous déclarer ouvertement pour eux ».

Qu’est-ce qui les rassurera et leur permettra de se sentir en sécurité ? « Ceci, et ceci seulement : cessez de dire que l’esclavage est mal, et rejoignez-les en disant que c’est bien. Et il faut le faire franchement – en actions pas seulement en paroles. » D’où la demande qu’une nouvelle « loi dissidente soit émise et exigée, qui supprime toute les déclarations comme quoi l’esclavage serait mal, que ce soit dans la presse, à la chaire, ou en privé. »

En d’autres termes, nous avons déjà vu tout ceci. C’est le travail d’une passion morale qui insiste pour être reconnue partout, sans aucun souci de savoir si elle s’inspire d’un jugement moral juste, et qui recommande de faire le bien, et le condamne.

Pendant le 2° débat présidentiel, on a demandé à Monsieur Romney son opinion sur la contraception. Il a fait la remarque que les femmes devraient pouvoir prendre leurs décisions sans que leur employeur soit impliqué.
On ne peut pas s’attendre à ce qu’il saisisse cette occasion pour soulever des questions éthiques sur la contraception, mais j’aurais aimé l’entendre dire quelque chose comme ceci :

Les femmes et les hommes peuvent acheter des contraceptifs personnellement, moins chers dans les magasins que par l’intermédiaire de la sécurité sociale ; et l’unique raison pour laquelle on a imposé le fait qu’ils doivent passer par leurs employeurs est que les gens qui ont des réserves morales en ce qui concerne la contraception, sont obligés de cette manière de formuler des paroles qui renient leurs propres convictions. Ce sont des paroles qui remplacent leurs convictions par la nouvelle orthodoxie de la gauche.

L’historien J.G. Randall s’est plaint il y a des années de ce que Lincoln et Stephen Douglas avaient parcouru l’Illinois pour leurs fameux débats, dérangeant l’environnement, et qu’au lieu de se focaliser sur ce qu’il considérait comme les vrais problèmes — problèmes tels que l’ouverture des terres de l’ouest ou l’amélioration des conditions de vie des usines — ces deux politiciens avaient agité les environs avec le problème moral de l’esclavage. Et tout le monde savait qu’il n’y a pas de réponse aux questions morales.

Monsieur Romney, pendant ce deuxième débat, a regardé la caméra, et a dit honnêtement que de redresser l’économie et d’améliorer les conditions de vie des classes moyennes « étaient tout ce que visait cette élection ». Mais bien sûr il doit savoir — et il a nettement suggéré qu’il le savait — que cette élection a bien d’autres enjeux.

Et pourtant à chaque élection, nous entendons dire avec la voix de J.G. Randall, que « l’économie » dépasse l’enjeu. La classe politique croit que l’économie est le moteur de tout, ou alors que c’est ce qui intéresse le plus le peuple.

Les experts en sont convaincus alors même que bien des électeurs montrent qu’au fond ils se préoccupent de bien autre chose. Mais il fut un temps où les hommes politiques semblaient capables de parler de questions qui concernaient la racine des choses, et trouvaient un public qui considérait comme un réel enjeu les critères sur lesquels était établis les principes de leur vie en tant que peuple.

Et la question qui me hante est : quand avons-nous cessé d’être ce peuple ?


Hadley Arkes est le nouveau professeur de jurisprudence du Collège Amherst et directeur du centre de Claremont pour la jurisprudence et la loi naturelle de Washington D.C.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/another-election-and-another-people.html

photo : Lincoln en 1860, par Matthew Brady.