Et si on faisait du droit ? - France Catholique
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Et si on faisait du droit ?

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Si l’on met de côté l’aspect moral de ce que l’on appelle l’affaire Fillon, car chacun peut penser ce qu’il veut des conditions légales d’emploi et de rémunération de Mme Fillon, il faut s’attacher à l’autre volet du dossier celui qui concerne le droit. En effet qui peut juger à part son patron et qui peut jeter la première pierre ? N’y a-t-il pas du travail au noir, des revenus en espèces et pas déclarés, quelques triches avec les notes de frais, enfin tout ce qui fait le « charme de l’existence » et qui ne nous paraît pas être une fraude car les montants sont minimes. Certains sont maximalistes et je ne sais pas jusqu’où il faut aller. M. Bayrou dont le parcours sous des airs vertueux s’apparente à de l’opportunisme, sinueux car une fois à droite (en acceptant l’aide de M. Juppé pour conquérir la mairie de Pau, puis une fois à gauche, puis une fois pour lui-même, accuse M. Fillon d’être sous domination des puissances d’argent pour avoir eu une société de conseil qui recevait des honoraires, conseillait une compagnie d’assurance et des chefs d’entreprise riches. Tous les consultants professions libérales, avocats d’affaire – y compris ceux qui le sont comme M. Sarkozy, M. Montebourg, M. Strauss-Kahn doivent se retourner et bondir de leurs profonds fauteuils. Je ne parle même pas de M. Macron conseil en fusion-acquisition de la banque Rothschild. L’argument de M. Bayrou est nul et médiocre et peut être devrait-il se regarder dans la glace, lui qui est un professionnel de la politique qui pourrait détailler son patrimoine, composé a priori d’une maison, d’un tracteur et de bêtes ? Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre, de celui qui profite de quelques occasions, légales de préférence bien sûr. Ii serait naturellement hautement souhaitable qu’un candidat à une fonction publique très importante, même pas celle de président de la république, prouve qu’il est sans tache – qu’il n’a pas hérité de fortune ou de biens par exemple – et que son parcours a été immaculée pendant des années. Car avant d’être candidat à la présidentielle, il a fallu exister pendant des dizaines d’années, aller de victoires en défaites, vivre professionnellement ; assurer son avenir et celui de sa famille comme tout quidam.

Faudrait-il n’avoir comme candidat qu’un « pauvre », célibataire, sans enfant, sans animaux, sans logement, sans voiture de fonction, sans diplôme qui lui permet d’avoir de confortables revenus, sans expérience parlementaire, étatique, de hauts fonctionnaires ou d’entreprise, sans rien connaître du pouvoir ou des pouvoirs qu’il doit dominer ? Cela n’excuse évidemment pas tout dérapage ou abus mais dès l’instant que c’est légal et que seules les conditions d’application sont moralement contestables et encore faut il le démontrer – il faut savoir ce que l’on veut ?

Imagine-t-on que l’on aura des candidats députés ou sénateurs qui répondront à un zéro faute ou a l’absence de tout reproche possible, y compris sur les mœurs, l’origine, la religion, les idées : on ouvre la boîte de pandore si tel est le cas.La démocratie est un régime fragile et d’équilibre où l’éthique est au centre des débats mais où l’exagération et la démagogie devraient être bannies. Que l’on se rappelle que dans les pays où il y a une police de la pensée ou un ministère du vice et de la vertu, ou des interdictions diverses, c’est le totalitarisme qui règne et les libertés de tous sont en cause. Je ne veux pas de big brother en France, ni de journalistes qui lavent plus blanc que blanc, en étant à l’abri de toutes poursuites avec l’exigence de transparence qui conduit au lynchage ou à la lapidation et à la dénonciation publique.

La moralité est à géométrie variable et elle est très personnelle. Ce que d’aucuns estiment être le mal, est le bien pour l’autre ou l’acceptable. On ne vicie pas une élection démocratique majeure à partir d’arguments filandreux qui ne correspondent d’ailleurs pas au droit qu’il va bien falloir aborder. Et on ne doit pas instrumentaliser la justice pour éliminer un candidat qui représente l’espoir de millions de français. L’erreur de M. Fillon et il s’en est excusé – même si cela peut sembler court – mais il ne va pas se pendre en direct à la télévision alors qu’il sait avoir respecté la loi – est d’avoir cru que puisqu’il avait le droit d’employer ses proches (hautement diplômés) le niveau de rémunération – certes élevé par rapport aux normes des travailleurs actuels – était de sa responsabilité, d’autant plus qu’il ne dépensait pas toute l’enveloppe qu’il recevait comme les autres parlementaires. Bien sûr chacun d’entre nous souhaiterait pouvoir employer son fils ou sa fille comme stagiaire en étant très bien payé ou sa femme comme collaboratrice avec un salaire important. Certains peuvent le faire (par exemple dans leur entreprise) mais ce n’est pas une raison pour accabler M. Fillon. La comparaison n’est pas un délit et regretter ce qui est légal non plus. En revanche si la loi est injuste et conduit à des excès il faut la changer , et peut être ne pas demander aux parlementaires d’être juges et parties. La cour des comptes qui vient encore de dénoncer diverses anomalies d’utilisation légale de l’argent public, pourrait être compétente à ce sujet ? Sortons donc de l’indignation, de l’émotion, de pseudos révélations qui n’ont qu’un but, empêcher M. Fillon d’être candidat à l’élection présidentielle et examinons le droit qui est neutre, avec des règles objectives pour tous, sauf si des juges l’interprètent dans un sens orienté ce que je ne peux imaginer ! même s’il ne faut jamais être naïf. Faisons maintenant du droit.

Je suis conseiller prud’homme depuis des années dans la section encadrement et je juge fréquemment des conséquences d’un licenciement c’est-à-dire la fin d’un contrat de travail de droit privé, ce qui est le cas pour Mme Fillon même si elle a été payée par des fonds publics. Puisqu’il n’y a pas de convention collective nationale du travail à l’Assemblée c’est le droit du travail qui s’applique. Le salarié en fin de contrat (un CDD ou un CDI), sauf faute grave ou lourde, a droit à des indemnités de préavis, congés payés, ancienneté qui sont variables en fonction du salaire. Plus celui-ci est élevé plus le total est lourd. C’est un calcul mathématique fait par l’employeur en l’espèce l’Assemblée nationale. Il n’y a pas de triche, c’est le droit. Quand il y a un procès et que le conseil de prud’homme juge qu’il n’y a pas de cause réelle et sérieuse il accorde en plus des dommages intérêts qui peuvent être conséquents, (tous les employeurs le déplorent) même si le salarié a retrouvé un travail dès le lendemain de son licenciement y compris avec un nouveau travail mieux payé. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation. Que Mme Fillon ait reçu des indemnités de licenciement est la simple application du droit. Les journalistes qui bénéficient en matière de travail d’un statut (un peu) favorable, et dérogatoire avec une clause de conscience (article L.7112-15 du code du travail) qui leur permet de démissionner en touchant des indemnités devraient être plus justes et modestes en rappelant ces faits. Que par ailleurs Mme Fillon ait « cumulé » paraît-il quelques mois deux emplois est une question d’organisation, car le travail intellectuel et de conseil n’est pas la mine ou la chaîne et de nombreuses personnalités comme des ministres y compris actuels le sont à 100 % jour et nuit et y ajoutent leur présence dans leur circonscription dans la semaine et le week-end. Qui le leur reproche ?

Imposer la durée maximale de 48 heures par semaine ne correspond à rien dans certaines activités. Seul M. Hamon qui propose les 32 heures et le revenu universel pourrait émettre cette critique. Je plaisante bien sûr s’il est permis de sourire tant les reproches contre M. Fillon sont détachés de toute réalité.

Après un moment de sidération où M. Fillon a été sonné par l’attaque brutale du Canard enchaîné et la curée médiatique, ce que l’on comprend, et a répondu évasivement car il ne comprenait pas le procès en sorcellerie qui lui était intenté et la distinction entre le légal et la décence c’est-à-dire le niveau des salaires versés dans un pays qui souffre du manque de travail et de salaires trop bas pour la plupart des travailleurs – travailleuses, comme le disait Arlette Laguiller, ainsi que le rapport ambigu que les français ont avec l’argent des autres, M. Hollande ayant décrété que l’ennemi c’est la Finance ! Il a décidé par ses brillants avocats de s’intéresser à la compétence du parquet financier national qui avait été plus rapide que l’éclair à s’autosaisir à partir d’une simple publication de presse, sans plainte de quiconque, sans que l’Assemblée nationale ne réagisse, sans que le fisc prétende que les impôts sur salaires n’avaient pas été payés ou les organismes sociaux ne s’estiment floués… Il est possible que l’Assemblée ou son bureau auraient dû être préalablement saisis pour une enquête interne, une décision de déposer plainte pour emploi fictif, et qu’ensuite et seulement ensuite le parquet national financier soit saisi et ouvre une enquête ? Ce serait un cas de nullité de l’enquête.

On peut envisager aussi que le délit de détournement de fonds publics ne s’applique pas à un parlementaire, comme certains professeurs de droit pénal le soutiennent.

On entend des détracteurs dirent que puisque M. Fillon commence à « ergoter » en droit, sur la procédure et les éléments constitutifs des délits visés, alors qu’il est présumé innocent, c’est qu’il est coupable ! C’est un comble car chaque individu dans notre état de droit pour un litige banal, peut contester devant les juridictions compétentes les incriminations qui lui sont faites et obtenir satisfaction : il ne suffit pas de prétendre, d’accuser, de fournir des éléments orientés pour avoir raison et de se laisser condamner pour faire profil bas. L’accusation doit prouver les délits c’est une règle de droit pénal de base, et le justiciable n’est pas là pour faire plaisir aux juges, même s’ils les respectent cela va sans dire. Le combat judiciaire commence donc et sauf éléments que je ne connais pas – puisque comme beaucoup je commente sans avoir accès au dossier et je ne suis informé que par les déclarations des uns et des autres. Je ne pense pas que M. Fillon puisse être mis en examen avant l’élection présidentielle. D’abord il serait antirépublicain de saisir maintenant dans le contexte électoral un juge d’instruction qui se précipiterait pour mettre en examen M. Fillon pour l’éliminer d’office car il tiendrait sa parole ! Ce serait suspect et une véritable immixtion de l’autorité judiciaire dans un scrutin majeur démocratique. D’autant plus qu’il n’y a aucune urgence puisque les faits sont anciens, voire prescrits, n’ont jamais été contestés par aucune autorité à ce jour, ne posent pas de problèmes de droit puisque la légalité a été respectée. M. Fillon pourrait exercer des recours en appel et en cassation on ne peut lui retirer les droits de la défense . Ensuite je crois qu’il doit y avoir un classement sans suite puisqu’il ne suffit pas non plus de « démontrer », comment d’ailleurs ? qu’il n’y a eu aucun travail tangible de Mme Fillon ; seul son employeur le sait et peut s’en plaindre puisqu’il est le donneur d’ordre et peut le prouver, et un travail auprès de M. Fillon qui est un homme politique par son épouse et ses enfants ne se mesure pas comme pour un salarié classique. On l’a assez dit, surtout ses collègues parlementaires – y compris de gauche – qui ont utilisé la même méthode et les mêmes opportunités. S’il faut changer la loi faisons le mais que les parlementaires ne soient pas juges et parties. Qu’un corps, indépendant des assemblées vérifie les contrats, la réalité du travail et lève tout doute. Je ne doute pas que M. FILLON élu président s’attachera à cette réforme qui rassurera les Français.

Se pose aussi le problème des médias. J’ai entendu sur BFM mardi 7 février mon excellent et talentueux confrère Dupond-Moretti – qui n’est pas l’avocat de la famille Fillon – rappeler des évidences en droit, accuser des journalistes du Monde d’avoir reçu des PV de l’enquête pénale et s’interroger pour savoir qui les leur avaient remis ; les enquêteurs, le parquet, un fantôme, qui ? sachant qu’à ce stade de la procédure les avocats de M. Fillon ne possèdent pas de copies pénales. Certes les journalistes bénéficient de la protection des sources et peuvent attaquer ou dénoncer en nouveaux justiciers ou procureurs que certains sont devenus, en toute impunité. Mais ils doivent être aussi irréprochables puisqu’ils font la leçon aux autres. Le parquet ouvrira peut-être une information pour violation du secret de l’enquête et savoir d’où vient la fuite. Tout ceci ne crédibilise pas l’accusation.

Si on raisonne en droit il n’y a rien à voir ni à attendre. M. Fillon sera candidat, est candidat de la droite républicaine qui triomphera en mai.
Cessons la chasse à l’homme qui devient indécente et retrouvons notre sérénité. Nous avons besoin d’un vrai débat d’idées, d’explications – je récuse le terme promesses qui ne sont pas souvent tenues ou alors pour notre malheur – pour bâtir une France qui gagne pour tous, pour sortir de cette défiance généralisée, pour unir tous ceux qui veulent s’en sortir, faire la grandeur et rendre sa fierté à la France , et ne pas laisser à nos enfants des dettes encore plus importantes. Abordons donc la politique, du choix entre les hommes et les programmes pour notre avenir commun qui n’est pas fictif.

Seule cette exigence démocratique compte. Profitons-en pour parler de la justice, de sa place, de ses moyens, pour qu’elle devienne insoupçonnable. Mais qu’elle ne soit pas dans l’histoire, à parti d’un dossier monté de toutes pièces bancal et inconsistant en droit celle qui aura fait manquer son destin aux français. J’ai confiance dans les juges qui sont républicains et ont le sens de leur responsabilité. Il sera temps après l’élection si c’est nécessaire, de revenir sur des règles devenues obsolètes et qui ne sont plus acceptées. Mais que la morale pèse de ce qu’elle représente : une théorie de l’action humaine en tant qu’elle est soumise au devoir et a pour but le bien. Ce n’est pas un bulletin de vote stricto sensu, sinon on a des surprises.