Equilibrisme social et course contre la montre en politique : c’est à ce double exercice, à ce double péril que se livre désormais Jean-Marc Ayrault, Premier ministre en sursis du régime fiscal-socialiste exposé au désaveu populaire et aux jacqueries.
En décidant d’un seul coup d’effectuer une tentative de réforme fiscale dans cette foire d’empoigne entre catégories socio-professionnelles qu’est devenue la France, tenant ainsi enfin une promesse électorale du Président « normal », le n°2 actuel de l’Etat-PS, le Premier ministre Ayrault s’est aventuré dans une jungle redoutable. Est-ce une fuite en avant ?
Probablement… Embourbé dans la même fondrière d’impopularité que François Hollande avec 15% de réserve d’oxygène au-dessus de la boue des invectives, seul un sursaut de desperado pouvait le tirer – momentanément – d’affaire. Et voilà donc notre Ayrault national parti pour la chasse au trésor de la justice sociale parfaite, de l’égalité de tous devant l’impôt et de la vie en rose.
Mais, remplie de pièges, de gouffres insondables, de trappes ubuesques, d’insécurité sociale et de contradictions fracassantes, la jungle fiscale abrite une faune d’interlocuteurs féroces ou en état de légitime défense: leurs exigences divergentes peuvent se heurter avec une violence dont la capacité d’annihilation est, au mieux paralysante, au pire meurtrière. Les vieux crocodiles staliniens de la CGT refusent toute réduction des dépenses publiques et veulent encore faire cracher les riches. Toutes griffes dehors, FO veut augmenter l’impôt sur les sociétés. Les patrons du Medef rugissent au contraire pour qu’on rogne sur le budget de l’Etat et qu’on baisse les prélèvements sur les entreprises. Sommeillant entre les herbes, la CFDT siffle encore l’air d’une « fiscalité verte ». Mais personne ne prononce plus le mot tabou « écotaxe »… Déjà saignées à blanc, les PME hurlent d’une voix tragique que cessent les prédations des « mesures rétroactives ». Les artisans décimés demandent à retrouver les aides à l’apprentissage, cette pédagogie professionnelle proscrite par l’idéologie socialiste. Les chômeurs se taisent mais attendent peut-être leur heure. A l’encontre du PS, les syndicats refusent de laisser fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu, afin de continuer à l’utiliser pour alimenter le « trou de la Sécu », un des abîmes les plus profonds de la jungle française.
Ainsi, la consultation de tous ces « partenaires sociaux » risque d’être passablement compliquée, confuse et contradictoire. On souhaite un courage de funambule à Jean-Marc Ayrault, qui, lui, avant de se lancer dans cette mêlée, n’a pas… consulté ni prévenu son ministre de l’Economie et des Finances, le subtil Pierre Moscovici qui mettait en garde dès la fin août contre un « ras-le-bol fiscal ».
Et hélas, dans l’espace du petit quinquennat amputé des dix-huit premiers mois d’immobilisme entêté façon Hollande, le temps lui est compté, à notre Ayrault. Il parle de « remise à plat » de la fiscalité. Mais que trouvera-t-il sur ce chemin pavé de bonnes intentions ?
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