Entretien avec Brunor à propos de sa nouvelle Bande dessinée - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Entretien avec Brunor à propos de sa nouvelle Bande dessinée

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Votre nouvel album démarre par une énigme étonnante : des coquillages dans les montagnes ! Où allez-vous chercher tout ça ?

Brunor : Figurez-vous que je ne suis pas allé chercher cette histoire moi-même : elle est venue à ma rencontre par l’intermédiaire d’un lecteur de mes albums. Si je n’avais pas commencé à publier les premiers titres des « Indices pensables », avec le soutien de France Catholique, je n’aurais sans doute jamais connu cette affaire des coquillages, qui est un épisode étonnant dans la quête de la vérité. C’est en me remerciant pour cette série qu’un géologue m’a envoyé un texte inédit qu’il avait rédigé sur ce médecin du XVIIe siècle, Nicolas Sténon, généralement connu uniquement des étudiants en géologie, puisqu’il a découvert tout seul les grands principes des strates et des couches superposées qui permettent aux spécialistes de « lire » un paysage… Mais comme dit la chanson du regretté Guy Béart : « le premier qui dit la vérité doit être exécuté.» Sa découverte arrivait beaucoup trop tôt, et surtout : elle mettait en question des fausses croyances, ce qui est toujours assez insupportable. Heureusement, quelques siècles plus tard, son génie a fini par être reconnu, mais il est mort seul. Je me suis donc documenté sur ce héros de la recherche dont le parcours est passionnant : il a dialogué avec des personnages hauts en couleur comme Spinoza et Leibniz sans pour autant partager leurs opinions !

Donc je vais chercher «  tout ça », ou plutôt, tous ces indices, là où on les trouve : comme des fossiles marquant de leur empreinte l’histoire humaine de l’intelligence, lorsqu’elle s’applique à essayer d’y voir plus clair dans cet Univers.

Votre recherche d’indices est donc alimentée par les lecteurs eux-mêmes !

Cet exemple le montre, mais cela ne veut pas dire que mes personnages se lancent dans une enquête chaque fois qu’une information nouvelle est transmise par un lecteur ! De fait, ces échanges sont souvent fructueux comme cette autre fois, où grâce à une lectrice secrétaire d’une association, j’ai pu bénéficier de l’aide d’un grand physicien, spécialiste de ce qu’on appelle « l’entropie ». Apprenant que je préparais l’album 4 (La Lumière fatiguée) qui aborde ce thème, ce scientifique de haut niveau a aimablement proposé, juste avant le passage à l’imprimerie, d’en faire une relecture professionnelle. Il s’est ainsi porté garant des indices fournis dans cet album, ce qui est très réconfortant et reposant pour un auteur !

Surtout pour un auteur qui n’entend proposer que des indices… vérifiables.

C’est fondamental. Comment avancer dans une enquête, quelle qu’elle soit, sans nourrir la recherche d’informations exactes ? Dans ce domaine, l’intelligence refuse absolument de s’appuyer sur du falsifié. Il s’agit constamment de faire la part du vrai et du faux. Mais comment opérer ce discernement ? La seule méthode connue à ce jour est la vérification. C’est ainsi que les gens de la Bible savaient très bien distinguer les vrais prophètes des faux, des imposteurs : en vérifiant (voir Jérémie 28 et beaucoup d’autres passages !). Cette même exigence fait la force de ces enquêtes. Les lycéens ou étudiants que je rencontre deviennent détendus dès que je les invite à ne pas croire tout ce que je vais leur raconter, mais à vérifier par eux-mêmes les informations transmises. Il faut insister sur la non-confusion des domaines, de façon à éviter tout risque de concordisme ou toute forme de manipulation des auditeurs ou des lecteurs. D’une part, les faits scientifiques indiscutables et de l’autre, les interprétations philosophiques (ou religieuses) de ces faits qui sont toujours discutables par définition. Cet exercice de l’intelligence humaine capable de connaître Dieu est un des thèmes du nouvel album.

Mais la foi est un don…

Certainement. Pour ma part, c’est ainsi que je l’ai reçue à 21 ans, comme un cadeau. J’étais en recherche de réponses à ma question : « Quand je dis Notre Père… est-ce que quelqu’un entend réellement ma prière ? Un vrai Père ? » J’ai fait mienne la prière de Charles de Foucauld que je venais de trouver dans un petit livre : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse. »
La réponse est arrivée comme un cadeau difficile à décrire, « une grâce » comme on dit. Une rencontre du Christ, dans la tendresse du Père. C’était à Taizé, dans l’église de la Réconciliation vide, tandis qu’un Frère passait l’aspirateur… Depuis ce jour qui a changé ma vie, j’ai été conduit à me plonger dans des bouquins et des recherches pour travailler autant que possible des questions de théologie, afin d’essayer de mieux comprendre certains sujets délicats et d’essayer d’aider mes contemporains à réparer tous ces malentendus qui en conduisent tant à se détourner du Christ, en particulier les jeunes.

Des malentendus qui peuvent faire obstacle à la foi ?

Tant de personnes ont une peur de Dieu consciente ou inconsciente. À la question « Adam où es-tu ? » tant de personnes répondent : « J’ai eu peur et je me suis caché. » Exactement les mêmes mots que le serviteur de la parabole : « J’ai eu peur… et j’ai caché dans la terre ton talent » (Mat 25,25). Certes, nous savons que Jésus est sauveur, il est donc aimable, mais que dire du Père ? Même des chrétiens ont une idée inquiétante et confuse du Père. Il faut dire que depuis trois siècles les jansénistes lui ont fait jouer un si mauvais rôle… L’image qu’ils ont diffusée du Père n’est-elle pas celle de la parabole qui le décrit sous un jour détestable : « Je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui ramasses où tu n’as pas répandu… » (Mat 25,24). De fait, pour celui qui par fermeture, paresse ou aveuglement le voit ainsi, tout ce que dit et fait le Maître de la parabole est perçu à travers ce prisme déformant… Alors que le Christ dit : « Je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous ; car le Père lui-même vous aime… » (Jean 16, 26).

Comment éviter ces caricatures du Père ?

La réponse est sous nos yeux :

« Appliquez-vous à me connaître ! » ; « Mon peuple meurt faute de connaissance » (Osée 4, 6) ; 

« La connaissance de Dieu vaut mieux que tous les sacrifices et tous les holocaustes » (Osée6, 6)…

 « La vie éternelle c’est qu’ils te connaissent, toi le seul Dieu véritable et celui que tu as envoyé, Jésus le Messie-Christ » (Jean 17, 3)… La réponse est dans la Révélation : Dieu se donne à connaître, appliquons-nous à le connaître ! Les prophètes et le Christ le disent et le répètent. Et dans la tradition biblique, la foi est toujours reliée à la connaissance, à l’intelligence, au verbe comprendre… « Hommes sans intelligence, lents à comprendre ce qu’ont dit les prophètes… » (Luc 24, 25). La foi est un don de Dieu, certes, mais elle ne se reçoit pas de façon passive, pas plus que la vérité.

La vérité ne fait pas violence, elle ne s’impose pas, il faut aller à sa rencontre, il faut la chercher, il faut parfois accepter, comme l’a fait Abraham, de quitter ses habitudes, ses préjugés, ses fausses croyances auxquelles on est si attaché, même pour la « bonne cause » (en apparence)…
Comme à l’époque de Sténon, où l’on croyait que les coquillages sur les montagnes étaient la preuve du Déluge biblique. On croyait bien faire en enseignant cela.

Les erreurs d’interprétation de la Bible ont conduit à prendre au pied de la lettre certains épisodes qui avaient été écrits dans le registre des paraboles. Comme celles racontées par le Christ, ces paraboles pouvaient s’appuyer sur des faits plausibles : un père qui avait deux fils, ou un blessé sur la route ou encore un semeur qui est sorti pour semer… mais la fonction de ces récits imagés était d’illustrer un sujet, d’aider à le faire comprendre d’un large auditoire… Ils n’étaient pas « historiques » sans pour autant être faux. C’était des fictions illustrées…

Un peu comme… des bandes dessinées !

Mais oui ! Ou encore comme les Fables de La Fontaine dont le but n’était pas de nous mentir en nous racontant que les animaux parlaient au XVIIe siècle, mais dans le langage de la métaphore et de la fiction, il s’agissait de nous dire la vérité sur les relations humaines. L’auditoire des paraboles bibliques savait alors faire la différence, mais cette tradition a été perdue, ce qui a conduit, au XVIIe siècle, à croire que le Déluge avait vraiment recouvert toutes les montagnes, y compris les Alpes. On croyait d’ailleurs que les montagnes étaient une conséquence du péché originel, car elles étaient dangereuses. Si un prédicateur prétendait nous convaincre aujourd’hui que les montagnes sont « une des preuves du péché d’Adam », il travaillerait à vider les églises ! Il y aurait incompatibilité entre sa vision des choses et le réel. Puisque l’on sait que les montagnes existent depuis plusieurs milliards d’années, bien avant la présence de l’Homme sur Terre, bien avant qu’un péché originel ait pu être commis. En 2015, un enfant de 11 ans sait cela, ce qui n’était pas le cas des adultes au XVIIe siècle.

Ainsi, si l’on prend au pied de la lettre les « six jours de la Genèse » et si on l’enseigne aux enfants du catéchisme, lorsqu’ils deviendront adolescents, ces derniers vont constater que le Dieu de la Bible, avec sa semaine de Création, est en totale contradiction avec la réalité des étapes de la Création de l’Univers, depuis près de 14 milliards d’années ! Devenus grands, ces enfants vont quitter en masse l’Église en considérant qu’elle raconte des sornettes incompatibles avec la connaissance de l’Univers. Et ils auront raison de choisir la vérité plutôt qu’une fiction, même religieuse.

Mais si vous avez compris vous-même que la Bible, en parlant de six jours, parle en réalité de longues périodes et d’étapes progressives, alors vous transmettrez aux enfants des informations beaucoup plus compatibles avec le réel et qui deviennent des indices pour une enquête intelligente sur Dieu. Enquête que l’Église recommande d’ailleurs elle-même d’effectuer.


Comment l’Église invite-t-elle à exercer son intelligence pour connaître Dieu ?

Elle l’a toujours dit, elle l’a redit solennellement aux conciles Vatican I puis II : « Dieu, Principe et fin de toute chose, peut être connu avec certitude, par la lumière naturelle de la raison humaine, à partir des choses créées » (cf. CEC 36). Car si la foi est un don, comme nous l’avons dit, suffit-il d’attendre que les gens la reçoivent ? Si cela suffisait, pourquoi l’Église nous inviterait-elle à nous mettre en route pour contribuer à transmettre cette foi en évangélisant de différentes façons ? Pourquoi nous invite-t-elle à juste titre à ne pas rester passifs mais à devenir actifs à ce sujet ? En fait c’est une Alliance dont il est question. Dieu ne le fait pas « seul », l’homme ne le fait pas « seul » : la foi est un don que nos contemporains recevront si, comme saint Jean le Baptiste, nous faisons le travail de déblayer la route qui mène au Christ. « Préparez les chemins du Seigneur, aplanissez les sentiers, comblez les ravins » (Luc 3, 4)… et dégageons tous les arbres abattus par les tempêtes qui rendent impraticable cette route qui mène à la rencontre avec Dieu. Comment nos contemporains, en particulier les jeunes, oseraient-ils s’aventurer sur une route aussi encombrée d’obstacles, si nous ne donnons pas une réponse digne de ce nom à leurs questions sur Darwin, le Big-Bang, l’ADN, qui présentent souvent pour eux des contradictions insurmontables ? Car la foi semble trop souvent incompatible avec le réel tel que nous apprenons à le « lire » de mieux en mieux. Et si nous leur répondons que la foi est une connaissance plus sûre que les sciences, nous pouvons être à peu près certains d’avoir fabriqué des nouveaux athées.

Mais la science n’est pas toute-puissante  !

Sachons la remettre à sa place et la tenir pour ce qu’elle est : un instrument pour apprendre à lire le réel. La science, c’est une paire de lunettes qui permet d’observer le Monde, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, du microscope au télescope. Jamais ces lunettes ne nous feront voir le Créateur, mais leurs verres polis et leurs lentilles, quand elles sont bien employées, ont le mérite de nous libérer de fausses croyances qui caricaturaient le visage de Dieu, ou le tenaient caché à nos contemporains, en particulier les jeunes.

Ce que vous faites depuis que vous êtes « chargé de mission » ?

Depuis quatre ans, mes albums m’ont conduit à être « chargé de mission du diocèse de Paris » pour former des adultes, responsables de pastorale et de catéchèse sur ces questions autour de foi et raison.

En huit séances de deux heures chacune, nous avons pu aborder beaucoup de points qui sont précieux pour des adultes laïcs, séminaristes, religieuses ou prêtres et même des professeurs, qui sont venus nombreux car ils sont sans cesse confrontés aux questions des jeunes sur ces thèmes.
Ces 16 heures de formation annuelles ont donné à des diocèses de province l’idée d’organiser l’équivalent en regroupant ces formations sur des WE entiers (presque 16 heures aussi !) pour pouvoir offrir à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de mieux appréhender ces questions. Et ce n’est pas fini… De même, les responsables des Bernardins « jeune public » m’ont demandé d’assurer un parcours de formation tout au long de l’année dernière, sur les mêmes sujets, mais pour les « grands jeunes » cette fois. Je crois que cela porte pas mal de fruits. Pour moi en tout cas, c’est une source d’inspiration inépuisable…