Dans le flux des événements et même des révolutions, demeurent les certitudes de la foi. Il ne faut pas avoir peur de ce mot de certitudes, même s’il est souvent pris en mauvaise part, comme s’il était forcément vecteur d’intolérance et de mépris à l’égard des autres. Les certitudes flottantes n’assurent nullement la paix des cités, elles peuvent au contraire les déstabiliser par un manque de confiance dans ce qui fonde la dignité humaine.
Bien sûr, la croix n’est pas le terme ultime de ces quarante jours de cheminement spirituel et ascétique. Comme l’exprime le sublime chant pascal du Victimæ paschali laudes : « La mort et la vie ont combattu en un duel prodigieux, le maître de la vie mourut, vivant, il règne. […] J’ai vu le Christ vivant en son sépulcre et la gloire du Ressuscité. » Mais le Vendredi saint est le passage obligé vers Pâques, la Résurrection étant absolument inséparable d’une mort, ignominieuse aux regards du monde, mais où il y a déjà en promesse toute la gloire du salut.
Les chrétiens vont donc cheminer ensemble vers ce sommet de l’année liturgique et c’est leur démarche, même si elle est discrète, au cœur des sanctuaires, qui offrira le signe proposé à tous leurs contemporains. Le témoignage de la foi ne dépend pas d’une bonne politique de communication. Il s’exprime en son authenticité, dans ce que William Cavanaugh appelle « le corps eucharistique ». Comme le nom l’indique, ce corps vit d’abord du sacrifice offert à l’autel, mais il rayonne à partir de là dans une vie fraternelle, secourable à la misère des déshérités. C’est bien pourquoi le carême est l’occasion d’un vrai recentrage (au sens d’une identification du centre), où se reconnaît la grâce du Christ mort et ressuscité.