Enlevés du Cameroun, martyrs du Nigéria et vignerons homicides - France Catholique
Edit Template
La justice de Dieu
Edit Template

Enlevés du Cameroun, martyrs du Nigéria et vignerons homicides

Copier le lien

Ces jours derniers, et ce sera jusqu’au 19 mars, fête liturgique de saint Joseph, nous avons décidé, Natacha et moi, de répondre favorablement à la demande de prier pour la famille qui a été enlevée au Cameroun et peut-être transférée au Nigéria : d’autant plus volontiers qu’elle est de la famille d’un des frères de Saint Jean que j’avais rencontré lorsque je me suis voué, quatre années de suite1, à monter les spectacles sur la bienheureuse Jeanne-Marie de Maillé au prieuré du château des Roches à St-Quentin-sur-Indrois.

Ma crainte, dès le début, a été que ce soit un groupe de ces islamistes nigérians qui périodiquement incendient et font exploser des églises, assassinent par dizaines des chrétiens. Leur haine est arrivée à ce point de folie qu’on ne peut toujours qu’être inquiet sur le quotidien et le devenir de cette chrétienté, l’une des plus importantes d’Afrique. Une foule de martyrs l’a ensanglantée en même temps que vivifiée, eux qu’il nous faut reconnaître comme sanctifiés, rendus parfaitement purs par le sang versé et reçu dans les mains fermées en calice de Jésus, leur frère aîné.

Leur sang, non celui des autres, différence que l’on n’examine pas avec assez d’attention…

Plus que jamais, me semble-t-il, la prière est ici requise : qui donc, en dehors de Dieu, serait capable de venir au secours de ces père et mère, de leur quatre enfants ? Nous avons choisi de nous adresser à saint Joseph, « patron de l’Église, des familles et des travailleurs » en usant, tout en l’adaptant à la circonstance, du texte de saint François de Sales.

Au travers du signe que serait leur libération – la tentation est d’écrire « qui sera », car la volonté de Dieu ne dépend pas de nos désirs, même s’Il sait écouter nos cris, et ici c’est un cri seulement que peuvent pousser tous les pères et mères de France ! – toute l’Église qui est en ce monde saisirait concrètement qu’elle est toujours et en chacun des jours que nous vivons soutenue par Dieu, accompagnée en chacune de ses épreuves, vécues en vue du royaume, la demeure d’éternité du Père.

Cette Église du Nigéria fait partie de la « Vigne du Seigneur » : ravagée régulièrement par des terroristes islamiques qui croient servir Dieu en répandant la haine et la mort. Certes, Jésus, développant la parabole des vignerons homicides, à la fois si bref et riche d’une signification à multiples niveaux, s’adresse d’abord aux pharisiens dont Il connaît de l’intérieur le projet qu’ils nourrissent depuis déjà longtemps : L’éliminer !

Le symbole de la vigne est très explicite pour eux : je songe ici au sort du vigneron Naboth qui refusa obstinément de vendre sa vigne au roi Achab dont le désir de la posséder le rendit complice de ce que fit la reine Jézabel, meurtrière de Naboth. Claude-Henri Rocquet a écrit, à partir de ce qu’un homme d’aujourd’hui qualifierait de simple fait divers, une pièce admirable publiée chez Granit en 1994 : Jessica.2

La vigne de Naboth est son royaume, hérité de Dieu, d’abord, puis de ses ancêtres et en cela ne pouvant aucunement être l’objet d’une transaction commerciale : il aime sa vigne comme il aime ses enfants. Elle leur sera d’ailleurs transmise, pense Naboth, comme Israël doit transmettre, de génération en génération, la Parole divine qui lui a été confiée. Ainsi Dieu possède-t-Il une vigne qu’Il chérit particulièrement, et c’est Israël, le peuple qu’il a installé sur une terre qu’Il a choisi expressément pour lui.

La parabole des vignerons homicides exacerbe l’hostilité des pharisiens : comment ne se verraient-ils pas considérés ici comme les continuateurs d’Achab et de Jézabel ? Ils se souviennent, car leur mémoire est exercée, des paroles prononcées par le prophète Élie et qui annoncèrent avec justesse ce qu’il allait advenir d’Achab et de Jézabel : lire, dans 1 Rois, chapitre 21, cette terrible et exacte annonce faite au nom même de Dieu, le vigneron de la parabole…

Bien entendu, l’histoire de Naboth est en quelque sorte un précurseur : dans la métaphore dont se sert Jésus est introduite une nouveauté d’importance : le Père envoie à plusieurs reprises de nombreux serviteurs qui figurent les prophètes chargés des soins à donner à la vigne de Dieu et qui furent pour cela massacrés, avant de se décider à exposer son Fils même, assassiné de la même façon mais en aggravant leur cas : s’emparer pour toujours de la vigne afin d’en devenir les héritiers de fait. « Que fera le propriétaire de la vigne à ces vignerons », interroge Jésus ?

Pour les pharisiens la réponse qui ne peut que jaillir comme un cri de la poitrine des auditeurs présents est évidente : les vignerons seront balayés par la colère de Dieu, c’est-à-dire eux-mêmes, et la vigne qu’est Israël ira en toute légitimité à d’autres vignerons.

Jésus appuie fortement sur cette conclusion en faisant allusion à « la pierre angulaire », cette pierre d’abord rejetée par les premiers bâtisseurs et qui devient la principale de tout l’édifice : celui-là même qui sera élevé sur toute la terre après la mise à l’écart des vignerons assassins, une œuvre aussitôt qualifiée d’œuvre du Seigneur, « une merveille sous nos yeux ! ». (Saint Paul prie, et toute l’Église à sa suite, pour le retour sur lui-même du Peuple premier afin qu’il soit soudain éclairé à propos du Christ comme le fut d’un trait de lumière l’apôtre des Gentils.)

Alors la métaphore est levée pour faire place à ce qu’elle cachait jusqu’ici, le Royaume du Père qui sera « attribué à un autre peuple qui lui fera produire son fruit ». Mais cela ne saurait advenir avant le sacrifice du Fils : à la vérité premier « fruit » et définitif de la nouvelle vigne, du Royaume enfin quoiqu’invisiblement arrivé parmi nous, quoiqu’il ait pénétré invisiblement chacun de nous..

Ce fruit, porté par le peuple de la Première Alliance, toujours honorée dans la fidélité du Père, assurera, une fois jeté dans le Pressoir à olives3. du jardin de la Passion, le passage de ce premier peuple au second, notre Église, titulaire de l’Alliance définitive et pour cela déclarée éternelle.

Quels seront donc les fruits reliés à ce fruit unique ? Les frères de Joseph, préfigure du Christ, se résolvent à ne pas verser son sang : ainsi pourra-t-il assurer, l’heure venu, le salut temporaire de son peuple. Ce même peuple auquel Jésus enseigne une fois pour toutes que le Royaume est advenu et qu’il embrasse l’ensemble de tous les temps afin qu’ils soient introduits par le Seigneur au sein du Royaume éternel du Père.

Gageons que le simple « pape émérite » qu’est redevenu celui qui porta si haut la fonction de « lieutenant du Christ » ne cessera jamais de prier pour ce peuple afin qu’il produise toujours davantage de « fruit ».

  1. De 1997 à 2000.
  2. Comment ne pas recommander la lecture de cette œuvre ? Comment ne pas souhaiter qu’une troupe aguerrie – l’œuvre, très belle, est également complexe – s’en empare pour la monter sur scène ?
  3. Sens du mot Gethsémani
Type de contenu :
Articles
Numéros
Type de contenu :
Articles
Numéros