Encyclique : Une ligne de vie - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Encyclique : Une ligne de vie

La nouvelle encyclique « sociale » du pape Benoît XVI intègre naturellement la question du respect de la vie à celle du développement des peuples.
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Dans son article 28, le Pape souligne d’abord que « l’ouverture à la vie est au centre du développement ». La formule vient comme en écho au passage de l’introduction de l’Évangile de la vie dans lequel son prédécesseur notait qu’on ne pouvait trouver le développement hors de la défense et du service de la vie. Comme son prédécesseur, Benoît XVI renouvelle ici les mises en garde contre les législations « contraires à la vie », l’action de « certaines organisations non gouvernementales » qui promeuvent l’avortement ou la stérilisation, parfois forcée, ainsi que la tendance à subordonner les aides au développement au « contrôle contraignant des naissances ». Et de montrer que ces dérives conduisent à une perte d’énergie vitale, et à un dessèchement « des autres formes d’accueil » au point que la question du respect de la vie conditionne finalement la qualité des relations de solidarité entre pays riches et pays pauvres.

Dans l’article 74 de l’encyclique, Benoît XVI évoque la bioéthique comme un lieu d’affrontement entre « la technique considérée comme un absolu » et « la responsabilité morale de l’homme ». Derrière cet affrontement, se dessine, précise-t-il, « la question fondamentale de savoir si l’homme s’est produit lui-même ou s’il dépend de Dieu ». On pense à la formule de Jean-Paul II reliant l’éclipse du sens de l’homme à celle du sens de Dieu. On pense aussi aux justifications « obscurantistes » avec lesquelles certains scientifiques tentent d’obtenir une chosification de l’embryon, telle la notion de projet parental, qui prétend donner aux parents le pouvoir de décréter l’humanité de leur enfant. En refusant sa dépendance vis-à-vis d’une entité créatrice, l’homme qui croit s’élever se ravale au rang d’animal. Est-ce une telle conception qui conduit le directeur général du WWF (fonds mondial pour la nature) à déplorer, dans l’hebdomadaire La Vie, « cette vision d’un être pensant surplombant le vivant » ? En réalité le fait de se considérer comme un animal a tôt fait de légitimer l’application pour l’homme de traitements réservés aux bêtes : reproduction artificielle, euthanasie, vivisection, eugénisme…

Pour adhérer au respect de la vie, Jean-Paul II affirmait : « La raison seule suffit, avec le secours secret de la grâce. » Benoît XVI précise ce point en distinguant deux formes de raison : « la raison ouverte à la transcendance » et « une raison close dans l’immanence technologique ». Cette raison-là, qu’il conteste, est d’ailleurs « irrationnelle » précise aussitôt le pape car « elle comporte le refus décisif du sens et de la valeur ». Benoît XVI montre alors la difficulté, quand on se ferme à la transcendance, de comprendre comment l’être humain peut surgir du néant et son intelligence émerger. Son explication : alors que la raison et la foi s’entraident, « la raison sans la foi est destinée à se perdre dans l’illusion de la toute-puissance ».
Au paragraphe 75, le pape montre ensuite que la question sociale, qui est au cœur de son encyclique, « est devenue radicalement anthropologique » du fait de cette toute-puissance de l’homme sur l’homme. Il cite les manipulations de la vie commençante comme signe d’un « désenchantement total qui croit avoir dissipé tous les mystères » et d’un « absolutisme de la technique ». Les mentalités abortives, eugénistes et euthanasiques, respectivement en place, en germe et en perspective, sont tour à tour dénoncées, comme dessinant autant de scénarios d’une « culture de mort » qui nie la dignité humaine. Pour Benoît XVI, il ne faut minimiser ni sa gravité, ni sa puissance. Le pape revient alors sur l’impact de ces dérives sur le développement. Il note une tendance à ce qu’on pourrait nommer en langage courant l’indignation sélective. Or, « le monde riche », s’il tolère les « injustices inouïes » que constituent les atteintes à la vie, risque de ne plus entendre le cri des pauvres qui « frappent aux portes de l’opulence ».

À l’image des deux mots-clés de l’encyclique amour et vérité, Benoît XVI nous emmène donc sur la ligne de crête que trace leur rencontre. C’est sur cette ligne que des sensibilités chrétiennes trop souvent distinctes (celle qui s’attache à lutter contre la misère matérielle et celle qui est plus mobilisée par la misère morale) pourront se réconcilier.

T. D.