Maintenant que nous disposons de la traduction anglaise officielle du rapport final du Synode extraordinaire sur la famille, il vaut peut-être la peine de tenter une fois de plus de comprendre ce qui s’est passé le mois dernier.
Le Synode sur la famille a produit un rapport intérimaire imparfait à bien des égards, la relatio post disceptationem, à l’issue de la première semaine de débats. La teneur de ce document, réclamant une évaluation positive de divers comportements pécheurs, a choqué de très nombreuses personnes. Il n’aurait jamais dû être rendu public.
Les interventions des pères synodaux n’ont pas été communiquées, apparemment pour permettre des débats libres et ouverts, parce qu’à l’abri des réactions du public. En toute logique, le rapport intérimaire aurait dû lui aussi rester confidentiel.
Fait plus important encore, les déclarations auparavant inimaginables qui figurent dans la relatio sur la cohabitation, le mariage civil, l’accès à la communion des divorcés remariés civilement et des gens entretenant des relations homosexuelles ne pouvaient manquer d’être interprétées par les médias du monde entier comme un premier pas vers la modification d’enseignements catholiques sans ambiguïté.
Ce qui s’est effectivement produit, à la consternation de plusieurs pères synodaux qui ont été informés de l’existence du rapport intérimaire par les médias, lesquels l’avaient obtenu avant les membres du synode.
Et était-ce une synthèse exacte des travaux du synode jusqu’à cette étape ? Nous savons par les rapports sur les débats en petits groupes pendant la deuxième semaine que la relatio a suscité un vaste mécontentement, et pourtant nous n’avons pu lire les rapports de ces petits groupes qu’après qu’un certain nombre de pères synodaux eurent exprimé à haute voix leur refus du projet de garder ces rapports confidentiels.
Les directeurs du synode ont cédé, et les rapports des petits groupes ont été mis sur le site web du Vatican (sans traduction, hélas). Mais nous disposons au moins des contributions effectives des pères synodaux.
Athanasius Schneider, évêque auxiliaire du diocèse de Sainte Marie au Kazakhstan, a récemment fourni ce commentaire :
Pendant le synode, il y a eu par moments des manipulations évidentes de la part de certains membres du clergé occupant des positions éminentes dans la structure éditoriale et administrative du synode. Le rapport intérimaire… était de toute évidence un texte fabriqué à l’avance sans relation avec les déclarations concrètes des pères synodaux.
Cela semble plausible.
Vu que la relation post disceptationem, un texte relativement long (58 paragraphes) a paru à la fois en italien et en anglais le jour où elle a été rendue publique, alors que le rapport final, la relatio synodi (62 paragraphes) n’a été publié qu’en italien. La version anglaise n’est sortie que deux semaines plus tard.
Cette trajectoire traduit de la part du Secrétariat général du Synode une approche très erronée du rôle tant des pères synodaux que des fidèles du monde entier dans la prise en compte des nombreux défis auxquels se heurte la famille à l’époque actuelle.
Rappelez-vous que le Secrétariat général du Synode avait envoyé un questionnaire préliminaire pour recueillir les témoignages d’une vaste gamme de catholiques et pas seulement des évêques. Il a ensuite publié le document de travail, le Instrumentum laboris, censé aider les pères à préparer leurs interventions écrites (qui devaient être envoyées un mois avant le début du synode).
D’ailleurs, il aurait été utile de poster ces interventions écrites sur le site web du Vatican dès l’ouverture du synode.
Pendant la période préparatoire, le cardinal Walter Kasper s’est lancé dans une offensive médiatique pour imposer sa proposition d’autoriser les divorcés remariés (leur second mariage étant par conséquent invalide) à recevoir la sainte communion. Cette initiative a provoqué quelques excellentes réfutations : l’ouvrage publié par Ignatius Press Remaining in the Truth of Christ ; un numéro spécial de Communio ; et un article collectif dans Nova et Vetera.
Des débats ouverts s’en sont suivis, et l’incompatibilité entre la proposition du cardinal Kasper et la doctrine et la pratique catholique a été amplement démontrée. Nul ne saurait prétendre qu’il n’a pas eu l’occasion de parler ou de se faire entendre.
Mais la situation est devenue opaque à l’ouverture du Synode. Les exposés oraux des évêques n’ont pas été publiés. Le cardinal Gerhard Müeller a objecté que les fidèles avaient le droit de savoir ce que disaient leurs évêques. Seul le rapport intérimaire a été rendu public. Si un bon nombre d’évêques ne s’étaient pas opposés à la décision de ne pas publier les rapports sur les débats en petits groupes, les personnes extérieures n’auraient eu aucun moyen de vérifier si le rapport final exprimait exactement ce que les petits groupes avaient dit au sujet du rapport intérimaire.
Cela dit, le rapport final inclut trois paragraphes qui ont été rejetés (le paragraphe 52 qui demande d’approfondir la proposition du cardinal Kasper et les paragraphes 53 et 55).
Le rapport donne le décompte des votes pour chaque paragraphe, mais n’indique jamais que l’approbation de chaque paragraphe était soumise à la majorité des deux tiers des voix – ni que, par conséquent, les trois paragraphes rejetés ne font pas partie du rapport final, mais y figurent à titre d’information.
L’affirmation de l’évêque Schneider quant à la manipulation du déroulement du synode semble justifiée. Quelle bonne raison peut expliquer pourquoi les débats n’ont pas été publiés dans leur intégralité ? D’habitude, plus on ne sait, mieux c’est, témoin le fait que le Secrétariat général du Synode a voulu recueillir des contributions aux débats grâce au questionnaire. Est-ce que les débats eux-mêmes du Synode n’auraient pas dû être accessibles aux fidèles ?
L’argument selon lequel toute absence de publicité les rendrait plus libres et ouverts n’est pas du tout évident. Le huis clos visait probablement à promouvoir les intérêts de ceux qui ont établi ce rapport intérimaire suspect et ont ensuite voulu garder confidentielles les séances des petits groupes.
Loués soient les père synodaux qui ont réclamé la fin de cette manipulation et ont ainsi déclenché la publication des rapports des petits groupes qui contredisaient formellement le rapport intérimaire.
Il est déjà regrettable de proposer des « solutions » totalement imparfaites, comme l’a fait le cardinal Kasper. Mais ce qu’il faudrait surtout éviter lors du Synode ordinaire des évêques sur la famille prévu l’an prochain, c’est de recommencer à accorder une sanction officielle à des déclarations inacceptables en les présentant comme la pensée collective des pères synodaux.
Ces manœuvres de nature parlementaire ont fait peser une chape de silence sur les pères synodaux et ont permis les aberrations et les remous provoqués ensuite par le rapport intérimaire qui n’ont été que partiellement corrigés par les initiatives ultérieures des pères synodaux. Il y a là des leçons très claires à tirer pour que cette mainmise malencontreuse sur l’information ne se répète pas en octobre 2015.
Samedi 8 novembre 2014
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/reading-the-synods-final-report.html
Photographie. Sous la statue de Pierre : les évêques du Synode réunis sur la place du Vatican (Gregorio Borgia/AP)
Le père Gerald E. Murray, docteur en droit canon, est le curé de l’église Holy Family à New York (N.Y.) et un juriste en droit canon.
Pour aller plus loin :
- Conclusions Synode pour l'Afrique
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Liberté et synodalité, le défi de l’assemblée « extraordinaire » sur la famille « Cum Petro et sub Petro »
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ