En attendant la fumée blanche - France Catholique
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La justice de Dieu
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En attendant la fumée blanche

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Jour d’élection si on peut dire. À moins que le Saint-Esprit n’accorde une perspicacité remarquable, nous ne devrions pas voir de la fumée blanche à la fin de cette journée ni un nouveau pape paraissant sur le balcon.

C’est le premier jour où le collège des cardinaux se réunissent dans le but de délibérer, pour ensuite parvenir à une décision, sur le successeur de Benoît XVI. Alors que le monde attend, notre cher Robert Royal fait des commentaires pour EWTN, tandis que les grands réseaux américains bénéficient de commentateurs lumineux comme George Weigel et le Père John Wauck.

Weigel et Wauck offrent le meilleur espoir de détourner les médias de la vulgarité ordinaire sur ces sujets, tant la plupart des vedettes médiatiques ont peu de compréhension de ce qu’est l’Église. Le cardinal Francis George, de Chicago, a noté, il y a quelques années, la tendance à rendre compte du Concile Vatican II comme s’il s’agissait d’une révolution au lieu de reformuler d’une manière différente d’un enseignement solidement en place. L’idée a été transmise, pensait-il, que les évêques étaient en mesure de « contrôler plutôt que de préserver la foi apostolique ».

Russell Hittinger a fait remarquer, il y a longtemps, dans cette même veine, que les Américains ont tellement absorbé un sentiment de « positivisme » dans les lois que même des catholiques en sont venus à voir l’Eglise à travers ce prisme. Ils pensent que les gens élevés à des postes d’autorité ont maintenant le pouvoir de remodeler le droit positif de l’Église — que le pape pourrait simplement instaurer, en un éclair, l’ordination des femmes. Ce que certaines personnes ont du mal à comprendre, c’est que le pape lui-même ne pense pas qu’il a ce pouvoir, car les doctrines sont ancrées dans des vérités qu’il n’a pas inventées et qu’il n’a pas le pouvoir de dissoudre.

On évoque la possibilité d’un pape américain. Robert Royal rapporte le sentiment que l’Amérique et sa culture fr sécularisation ont déjà une influence démesurée dans la formation de la culture du reste du monde. Et pourtant, cela peut faire tout l’attrait du choix d’un Américain qui aurait résisté, par l’étude et le bon esprit, contre les courants de relativisme

Si on nous le demandait, Robert Royal et moi-même avons à l’esprit un certain candidat. Je l’ai vu la première fois lors d’une rencontre des évêques, à Dallas, au début des années 1990. Je donnais une conférence, ce jeune évêque de Yakima passé à me poser une question pénétrante sur les perspectives que j’avais tirées d’Aristote et de Kant. Je devais savoir qui il était.

La surprise — et l’enchantement — ont été amplifiés quand j’ai découvert que cet homme, pas beaucoup plus âgé que moi, avec une boiterie persistante venue de la poliomyélite contractée dans son enfance, avait grandi dans cette « Scandiwegian » quartier où ma femme et moi étions allés à l’école secondaire à Chicago. Il s’agissait de Francis George.

Il a fait son chemin dans l’Eglise à travers les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Son parcours le mènera à Rome, en Amérique latine, dans l’exotique Canada, gagnant au long de ce parcours doctorats en philosophie et en théologie. Il allait devenir archevêque de Chicago en 1997. Les journalistes, cherchant à se rassurer, lui ont demandé s’il serait un archevêque dans le style de son prédécesseur, le cardinal Joseph Bernardin, libéral. « Eh bien voyez-vous dit-il, l’Église a une certaine aversion pour le clonage ».

Il nous a invités, ma femme et moi, à dîner quand j’ai finalement rejoint l’Église, il y a quelques années, et nous pouvions sentir combien il fallait de nerf et d’esprit au quotidien dans ce Chicago si radicalement différent de l’endroit où nous avions grandi. Il avait le maire Richard Daley, qui applaudit maintenant à la Gay Pride, et le président Obama, qui s’apprête à attaquer les enseignements de l’Église sur l’avortement. Il en connaissait un rayon sur la politique à Chicago et pouvait comprendre ce qui motivait le jeune maire Daley. Et pourtant, son talent a été d’insister sur l’enseignement moral de l’Église, pour traiter avec respect, mais de tenir fermement contre les courants tourbillonnants autour de lui.

Dans son livre « La Différence que Dieu fait », il avait une prise de position que j’ai particulièrement appréciée, car elle concernait une situation que j’avais rencontrée. Il se souvient d’une femme assise à côté de lui dans un avion, et qui lui demande comme à un évangélique sérieux, s’il avait été « sauvé ». Il écrivit plus tard : « Elle ne pouvait pas saisir la largeur, l’expansion, de l’acte de foi dans la l’Église catholique, qui est beaucoup plus large que de simplement croire que Jésus est notre sauveur personnel ».

Notre foi inclut également notre compréhension de l’Église elle-même comme faisant partie de la révélation divine. Il dit à la femme de l’avion qu’il avait bel et bien été sauvé, « mais dans un système sacramentel qui exige ma participation libre. »

Il a maintenant 76 ans, avec toujours un souci de santé, et peu de chances d’être élu. Mais si les cardinaux sont prêts à s’installer sur la plus solide des hommes, même sans promesse d’un long règne, il ne devrait pas être écarté. Pourtant, sa présence même, au cœur de ces débats est en elle-même un motif d’espoir que quelque chose de bon en sortira.

Et il y a une consolation : avec tous les commentaires que nous allons entendre, nous n’écouterons pas les pronostics de cette semaine sur l’équipe de football américain d’Ohio.

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/waiting-for-the-white-smoke.html

Photo : Le cardinal Francis George de Chicago.