Que l’épiscopat français ait choisi le Collège des Bernardins comme scène officielle d’expression publique constitue en soi un symbole. Le cardinal Lustiger avait voulu que l’Église se réapproprie ce haut lieu monastique pour lui rendre sa vocation au service de la culture chrétienne. C’est dans cet esprit qu’il avait été inauguré par Benoît XVI, qui y prononça un mémorable discours restituant au Collège ce qu’il y avait de plus vivant et de plus actuel dans son passé et son présent : « Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. » Cette vocation, le Collège s’y est montré fidèle depuis sa réouverture. Mais avec la rencontre du 9 avril il acquiert une dimension supplémentaire : montrer à la nation tout entière la réalité d’une Église au cœur de son temps avec sa mission de service.
L’association de la mémoire et de la modernité rend compte de la nature d’une institution associée au destin du pays depuis ses origines et assumant aujourd’hui pleinement ses tâches évangéliques. Une discussion s’est développée à propos de l’analogie possible de cet événement inédit avec le dîner annuel du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) qui réunit aussi les responsables politiques autour du chef de l’État et tout ce qui concerne les instances économiques, sociales et culturelles. Serait-ce à dire que l’Église catholique prend acte de son statut minoritaire et s’insère dans la logique des identités en s’affirmant sur le mode communautariste ? À dire vrai ce n’est pas une véritable objection. Il est parfaitement légitime de permettre la libre expression d’une institution sui generis qui doit assumer sa pleine visibilité dans les conditions précises qu’exige l’authenticité de sa nature. Donner d’abord la parole aux personnes en situation de fragilité correspond exactement à cet objectif, de même que le buffet préparé par la Table de Cana, association de réinsertion des chômeurs.
L’échange auquel ont donné lieu le discours de Mgr Pontier, président de la Conférence des évêques de France et celui d’Emmanuel Macron est significatif des relations de l’Église catholique et de l’État en régime de laïcité à la française. À diverses reprises, le président de la République a manifesté sa volonté de prendre ses distances avec une laïcité idéologique pour reconnaître le rôle indispensable des convictions spirituelles dans la vie de la nation. Une semblable évolution devrait aboutir à des changements d’habitudes et à de nouvelles initiatives aptes à promouvoir la coopération sur le terrain. Demeure la question épineuse des réformes dites sociétales qui ont une dimension anthropologique sérieuse. L’événement des Bernardins permettra-t-il que la voix des chrétiens soit entendue au-delà des pressions idéologiques qui assaillent l’État ? On le souhaite ardemment, sans être sûr que tel sera le cas.
Pour aller plus loin :
- 3132-La visite du Pape en France (synthèse)
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- 7 - La vocation sacerdotale
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