Émile Poulat à l'Élysée - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Émile Poulat à l’Élysée

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Il s’est produit hier à l’Élysée un événement assez singulier et très symbolique, dont Radio Notre-Dame se devait de rendre compte. Nous étions en effet le 9 décembre, qui est la date anniversaire de la fameuse loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Bien que ce fut un dimanche, le Président de la République avait tenu à remettre en ce jour précis les insignes d’officier de la Légion d’honneur à Émile Poulat, qui est le meilleur historien sur ce sujet et l’analyste le plus aigu du texte de la loi, de son élaboration et de toute la jurisprudence qui s’est développée jusqu’à nous. Que François Hollande ait voulu honorer cet universitaire, en se référant explicitement à son œuvre, est significatif d’une volonté de se réclamer d’une acception de la laïcité, qui va à l’encontre des idéologies de combat.

Émile Poulat a, en effet, montré que la loi de 1905 et les négociations qui avaient eu lieu entre le Saint-Siège et la IIIe République après la Première guerre mondiale, avaient marqué un tournant dans le sens de l’apaisement et d’une démarche pragmatique pour l’organisation des cultes en France. Après une période de tension extrême, on en était venu à une coexistence qui assurait la liberté des consciences et la négociation dans un espace de compréhension mutuelle. On pouvait donc parler de « notre laïcité publique », comme d’un bien où tous pouvaient se reconnaître très loin des querelles du passé.

Il me semble personnellement heureux que François Hollande se réclame précisément de la laïcité selon Émile Poulat. J’avais craint, au moment de la campagne présidentielle, qu’on ne reparte dans les conflits idéologiques et que le statut particulier de l’Alsace et de la Lorraine mosellane ne soient remis en question. C’était une hypothèse que rendait plausible le langage assez belliqueux de certains secteurs d’une gauche restée anti-cléricale. Je constate aujourd’hui qu’il n’en est rien et que le Président de la République entend énoncer clairement les règles du jeu dans le sens d’une démarche prudentielle. J’ajoute que cela ne nous épargnera pas des conflits d’ordre éthique, lorsque le consensus se trouvera à la peine dans des domaines où le pragmatisme se heurte à des désaccords philosophiques et anthropologiques. J’ose espérer que la volonté pacificatrice du Président s’opposera à la perspective d’une fracture morale du pays. François Mitterrand s’était trouvé devant un tel conflit de devoirs en 1984. La sagesse le décida à retirer la loi qui créait la division.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 10 décembre 2012.