Ego Patricius, une critique de « Je suis Patrick » - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Ego Patricius, une critique de « Je suis Patrick »

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Y a-t-il un saint plus catholique que saint Patrick ? Pourtant, comme vous le savez probablement, le grand apôtre de l’Irlande (et l’un des patrons de cette nation) n’était pas du tout Irlandais, mais un Britannique romain, fils de décurion, le maire / percepteur des impôts de la ville (peut-être en Cumbria) où Patrick a vécu enfant. Son père était également diacre catholique.

Mais l’histoire – notamment la passion paradoxale des immigrants irlandais et de leurs ancêtres aux États-Unis – en a sans doute fait, après Paul et les évangélistes, parmi les saints les plus populaires de tous et pour tous : de nombreux catholiques mais aussi certains protestants, des juifs, et – pour autant que je sache – des musulmans et des athées mettront quelque chose de vert demain et essayeront de parler avec un accent irlandais.

Je ne le ferai pas parce que j’ai toujours trouvé la « Saint Paddy » comme à peu près le pire jour de l’année à New York – un évènement trop souvent insipide et alcoolisé. Mais c’est un sujet pour une autre chronique, une que j’espère ne jamais écrire.

Mais, comme le père George W. Rutler l’a écrit il y a quelques années, si Patrick devait assister au défilé de New York : [Il] se lierait plus instinctivement avec les martyrs décapités et crucifiés du Moyen-Orient et du Nigéria (dont le patron officiel est Patrick) qui répandent maintenant leur sang pour le Christ, qu’avec certains fêtards de la Cinquième Avenue qui caricaturent son nom tout en répandant de la bière. Il y a une différence entre les martyrs et les lutins.

Pendant ce temps, il y a un nouveau film à venir, appelé I Am Patrick, qui est remarquable en tant que bon drame et histoire fascinante – et parce qu’il est distribué par le Christian Broadcasting Network (« Réseau de diffusion chrétien », ndt). CBN, comme vous le savez peut-être, est une idée originale du prédicateur baptiste, de la personnalité de la télévision et parfois de l’espoir présidentiel, Pat Robertson.

Mais Je suis Patrick, qui (sur la présentation que j’ai regardée) est présenté par le fils de Pat, Gordon Robertson (producteur exécutif du film), est généralement excellent, le genre de docufiction destiné peut-être à une longue vie sur History Channel.

L’une de ses vertus est l’impartialité. Pourtant, cela me semblait un étrange choix de sujet pour un film CBN, et je me demandais si cela diminuerait le catholicisme de Patrick. Ce n’est pas le cas. Pas exactement. Tout drame a besoin d’une licence poétique.

Et c’est peut-être en fait un meilleur film parce que les protestants étaient aux commandes. Les fidèles catholiques auraient peut-être succombé à l’hagiographie, et – bien que je ne sache pas quel était le budget du film – une production catholique, en particulier une avec un financement somptueux, aurait pu être tentée d’abuser d’effets spéciaux.

Ou donnez-nous le Patrick mûr, habilement joué ici par John Rhys-Davies, l’acteur gallois vétéran (l’un des trois qui dépeignent le saint à différentes périodes de sa vie), brandissant son bâton de marche comme le Moïse de Charlton Heston et jetant une flopée de grouillante serpents numérisés dans la mer d’Irlande. Bien sûr, aussi drôle que cela puisse être de voir ça, Patrick n’a jamais rien fait de tel.

Gordon Robertson indique clairement que nous n’aurons pas de telles fantaisies dans le film, que ses sources se limitent aux écrits de Patrick : ses Confessions et sa Lettre aux soldats de Coroticus. C’est essentiellement vrai.

L’écrivain-réalisateur Jarrod Anderson entremêle les propres récits autobiographiques de Patrick – dépeints de façon spectaculaire – avec des « têtes parlantes », tous experts et, plus ou moins également répartis entre protestants et catholiques : le Dr Tim Campbell, directeur du Centre Saint Patrick à Downpatrick, Irlande du Nord ; les Drs Elva Johnston et Charles Doherty de University College, Dublin ; le Dr Elizabeth Dawson, de la Queen’s University de Belfast ; Le très révérend Henry Hull, doyen anglican de la cathédrale de Down ; le Dr Thomas O’Loughlin, de l’Université de Nottingham et auteur de Discovering Saint Patrick (« À la découverte de St Patrick »); et le révérend Dr. Billy Swan, prêtre catholique de la cathédrale St Aidan dans le comté de Wexford. C’est un groupe distingué et vivant.

Le Dr O’Loughlin dit : « De tous les nombreux esclaves qui ont été emmenés dans l’Empire romain, nous ne connaissons le nom que d’un seul qui a été emmené et s’est échappé : Patrick. »

Et c’est ainsi que le film commence – avec la capture de Patrick adolescent (Robert McCormack) par des pirates qui l’emmènent en Irlande et vendent le garçon aux païens, qui le mettent au travail comme berger. Six ans plus tard, et devenu un chrétien vraiment engagé (grâce à ses épreuves et ses prières, et à la grâce de Dieu), Patrick (maintenant joué par Seán T. Ó Meallaigh) s’échappe et retourne chez ses parents.

Malgré leurs objections, il se rend en France pour étudier en vue du sacerdoce. Finalement, il retourne hardiment au pays de sa captivité pour évangéliser les Irlandais. Comme le disent les notes de production du film :

[Il] a converti des milliers de personnes au christianisme. Il s’est opposé aux esclavagistes, aux rois irlandais et peut-être aux druides, mais ce ne fut rien comparé à l’hostilité à laquelle il fut confronté de la part de ses coreligionnaires chrétiens. Après qu’un ami proche eut dévoilé un sombre secret de Patrick [non expliqué par Patrick ni spéculé par les cinéastes], on pense qu’il a reçu l’ordre de quitter sa mission et de retourner en Grande-Bretagne. Patrick a dû choisir – obéir à Dieu ou obéir aux hommes ?

Une grande partie de l’histoire est racontée par des retours en arrière dans le temps : des souvenirs évoqués lorsque Patrick, en fin de vie, écrit ses Confessions, raconte ses aventures et défend son honneur et sa fidélité, qui ont été remis en question par des responsables de l’Église.

Il peut y avoir dans ces notes de production un peu de lecture de Luther dans Patrick – pour le traiter non seulement comme un homme pour tous les chrétiens mais peut-être comme un proto-protestant. Il est vrai qu’il est allé à l’encontre de la hiérarchie catholique à un moment donné, mais c’est vrai pour beaucoup d’hommes et de femmes canonisés par la suite par Rome.

Mais… on voit le jeune Patrick recevoir la sainte communion, on entend son prêtre parler latin et on observe des chrétiens fidèles faisant le signe de la croix. Comment pourrait-il en être autrement ? Le protestantisme date de dix siècles dans le futur.

I Am Patrick est une excellente et agréable introduction sur l’homme dont nous célébrons la fête demain.

CBN Films a sorti le film en DVD.

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[(À propos de l’auteur.

Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, maître de recherches au Faith & Reason Institute (l’« Institut Foi et Raison ») et secrétaire du conseil d’administration d’Aide à l’Église en Détresse USA. Il est un ancien rédacteur littéraire de National Review. Son dernier livre, Sons of St. Patrick, écrit avec George J. Marlin, est maintenant en vente. Son The Compleat Gentleman (« Le Gentleman accompli ») est disponible en audio.)]