Eglise du Vietnam : Résistance à la répression et renouveau - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Eglise du Vietnam : Résistance à la répression et renouveau

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Les catholiques vietnamiens se mobilisent pour défendre leur liberté et leur pays.

Fait nouveau, face à des attaques répétées contre les libertés et les biens de l’Eglise, ce sont les laïcs, en particulier les jeunes catholiques du Nord-Vietnam, qui se placent en première ligne, devant leur clergé. Cette application inattendue du concile Vatican II sur l’engagement de tous les croyants provoque des réactions hostiles du pouvoir.

La persécution contre les croyants n’a pas cessé au Vietnam : confiscations de biens et répression violente contre les protestataires se succèdent.
En octobre dernier, à Hanoï, la paroisse rédemptoriste de Thai Ha, déjà en conflit avec la municipalité, a appris des autorités de l’arrondissement de Dông Da que la station de traitement des eaux usées d’un hôpital voisin serait construite… sur le terrain de sa congrégation. Une rencontre entre l’administration de l’hôpital et l’équipe paroissiale ne permet aucune conciliation. Seize prêtres du doyenné manifestent leur solidarité avec le curé. Le supérieur des Rédemptoristes du Vietnam envoie un message de protestation, relayé par un « appel des pasteurs à la prière » publié le 17 octobre dernier.

Le 18 novembre dernier, prêtres et fidèles de la paroisse de Thai Ha et d’autres paroisses voisines ont manifesté dans les rues de la capitale du Nord-Vietnam : des centaines de personnes se sont rassemblées devant le siège du « Comité populaire » de Hanoï pour protester contre cette spoliation. Ensuite, un cortège s’est avancé derrière des banderoles portant ces inscriptions, « Lorsqu’on emprunte, il faut restituer ! », « Nous protestons contre les calomnies de la télévision ». D’après l’agence « Eglises d’Asie » des Missions étrangères de Paris, d’autres banderoles, sous le dessin d’une chapelle transformée en salle de fêtes pour cadres du Parti, portait ces mots : « Ne profanez pas les terrains et les propriétés religieuses ! ». Un calicot rappelait l’article 70 de la Constitution vietnamienne, « Les terrains des religions sont protégées par la loi ». Vers 9h du matin, des prêtres ont été invités à rencontrer les autorités, pour une discussion d’une demi-heure. Les autres manifestants ont pu se diriger jusqu’aux berges du grand lac du centre d’Hanoï, puis passer devant la cathédrale.

Deux jours avant, vers 22h, des miliciens accompagnés de chiens policiers étaient venus faciliter l’installation de bulldozers destinés aux travaux de terrassement nécessaires à la future station d’épuration… Ils étaient accompagnés de nombreux fonctionnaires du Parti, d’après un témoignage recueilli par Radio Free Asia.

Le 3 novembre, un groupe d’une centaine de gros bras encadré par des policiers en civil avait agressé physiquement des paroissiens, en proférant des injures avec un porte-voix et des menaces de mort. Des policiers ont photographié leurs victimes. Puis cette troupe s’est dispersée à l’arrivée d’une foule de fidèles alertés par la cloche de l’église.

Fin mai, début juin, les autorités locales avaient procédé à la démolition des bâtiments du Carmel de Hanoï, malgré deux plaintes de l’archevêque et des religieuses de la congrégation de Saint-Paul de Chartres. On a détruit un corps de bâtiment surmonté d’une croix : ce chantier de démolition bénéficie du prétexte de l’extension d’un hôpital voisin. Ces bâtiments étaient eux-mêmes des locaux hospitaliers sous la responsabilité des sœurs, jusqu’à leur confiscation par le régime de Hô Chi Minh en 1954, mais ils avaient continué à servir de centre de soins médicaux, en… gardant le nom d’hôpital Saint-Paul (Xanh Pôn) sous la tutelle publique.

A deux pas de Hanoï, l’an dernier, près de 800 policiers des forces armées, miliciens, troupes spéciales et agents de la Sécurité armés de fusils, de matraques et de grenades lacrymogènes, ont envahi les territoires des paroisses de Nghia Ai, Thuy Hiên et Dông Chiêm pendant la nuit : après avoir bloqué tous les chemins, ils ont gravi une colline proche d’une église, le Mont Thô, pour y détruire une croix en béton élevée à son sommet. Comme le rappelle Eglises d’Asie, cette colline est la propriété de la paroisse de Dông Chiêm depuis sa fondation il y a plus d’un siècle : c’est là qu’on enterrait les enfants morts en bas âge et les sans-abris.

Les fidèles de la paroisse ont tenté d’arrêter cette profanation : ils ont reçu une pluie de grenades lacrymogènes, puis subi de violents matraquages, avec deux blessés graves. L’après-midi, des centaines de catholiques des environs sont arrivés en renfort. Des paroissiens ont voulu ériger deux nouvelles croix en bambou pour remplacer le monument détruit. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés et retenus pour interrogatoire. La police a mis le village en état de siège pendant plusieurs jours, en barrant les routes.
Le lendemain, la paroisse de Ham Long, une grande communauté de Hanoï, a organisé un pèlerinage de solidarité de 2000 personnes sur les lieux : la police a confisqué les papiers de leurs véhicules, et bloqué le maximum de gens. Un journaliste catholique venu prendre des photos a été tabassé par des policiers, qui lui ont arraché son appareil. Deux mutilés de guerre ont été arrêtés brutalement.

En septembre 2009, l’aménagement d’une chapelle provisoire sur les lieux d’une ancienne église détruite en 1968 par des bombardements américains dans le diocèse de Vinh avait été violemment interrompu par les autorités, dans la ville de Dông Hoi, au bord de la mer.

Dans le centre du pays, près de Da Nang, un scandale a éclaté dans le village catholique de Côn Dâu, du fait d’un projet immobilier de création d’une zone « touristique écologique » de résidences de luxe : ce plan des cadres locaux du régime implique la destruction du village, de son église et de la rizière qui fait vivre les habitants. Devant le refus des villageois, la police a multiplié pressions et violences. Le 4 mai 2010, les policiers ont interrompu de force l’enterrement d’une vieille femme, après avoir empêché l’accès du cimetière : une bagarre générale a éclaté avec les habitants, mais la police leur a arraché le cercueil. 60 personnes ont été blessées et 72 personnes arrêtées. Convocations et interrogatoires ont suivi : un père de famille quadragénaire, Nguyen Than Nam, a été battu à mort à son domicile sous les yeux de sa famille. Deux autres personnes ont été condamnées respectivement à douze et neuf mois de prison ferme par le tribunal de Cam Lê. Une cinquantaine de paroissiens s’est réfugiée en Thaïlande.
L’an dernier, la mise à l’écart et le remplacement de l’archevêque de Hanoï, le quinquagénaire Mgr Ngô Quang Kiêt, ont provoqué une grande émotion chez ses fidèles. Auparavant, il avait fermement soutenu les fidèles qui protestaient dans les rues contre la transformation de l’ancienne Délégation apostolique en parking de supermarché. A cette époque, des veillées de prière publiques avaient été interrompues par la police, au prix de durs affrontements. Et l’ensemble du terrain disputé avait été transformé en jardin public.

Mgr Kiêt a été déclaré « persona non grata » par le régime… En avril 2010, c’est l’annonce de son remplacement par un prélat venu du Sud-Vietnam, de Dalat, Mgr Nguyen Van Nhon, âgé de 72 ans… Une foule de fidèles se rassemble devant la cathédrale de Hanoï avec des banderoles portant ces mots « Laissez-nous notre archevêque ! ».

Entretemps, le premier représentant officiel de Rome depuis 1975, Mgr Leopoldo Girelli, rencontre les 26 évêques du Vietnam, à Saigon : mais il n’a qu’un statut de non-résident, sans aucune autonomie de décision quant à ses séjours dans le pays…

Malgré le regain de répression, une nouvelle dynamique est lancée chez les catholiques vietnamiens. Depuis un an, une commission Justice et Paix a essaimé dans tout le pays pour défendre les droits de l’homme, avec des responsables laïcs dans les paroisses, sous la responsabilité de l’évêque dominicain du puissant diocèse de Vinh, Mgr Nguyen Thai Hop. Cette commission a pris des positions vigoureuses lors de récents procès où des dissidents, croyants ou incroyants, étaient mis en cause.

C’est au Nord-Vietnam que la situation de l’Eglise a évolué le plus, avec tant un renouveau surprenant qu’une répression accrue. Chaque année depuis 2001, un rassemblement des jeunes catholiques a lieu dans un diocèse différent du Nord-Vietnam. Il attire aujourd’hui des représentants de l’ensemble de la jeunesse. L’an dernier, à la mi-novembre, il a pu avoir lieu dans le centre culturel de la ville de Bac Ninh, localité de 150.000 au Nord-Est de Hanoï. En 2001, une première rencontre avait été organisée à Thai Binh à l’initiative de l’évêque du diocèse, s’inspirant de l’esprit des JMJ, avec la reprise de la tradition d’une croix transportée d’un lieu de ralliement à l’autre en passant par chaque paroisse. Depuis, ce type de rassemblement a fait tache d’huile, et a été largement pris en charge par les jeunes laïcs de plusieurs diocèses successifs. Chaque fois, des jeunes des diocèses voisins ont été invités, et viennent désormais en masse.

Désormais, ce congrès annuel est le rendez-vous de tous les jeunes catholiques du Nord. En 2005, à 300 kms au Sud de Hanoï, ils ont pu découvrir le village de Ba Lang, où en 1627, le Père Alexandre de Rhodes et le Père Marquez avaient débarqué comme missionnaires sur la route de la capitale.

En revanche, jusqu’à présent, les grandes régions ecclésiastiques de Saigon et de Hué n’ont pas été autorisées à tenir de tels rassemblements…
En outre, sur le plan patriotique, devant une actualité périlleuse, c’est toute l’Eglise du Vietnam – avec ses 7 millions de fidèles – qui s’est élevée contre les menaces et les agressions de la Chine sur les eaux territoriales du pays et contre ses empiètements sur les ressources de bauxite en montagne. Elle l’a montré en manifestant dans les rues d’Hanoï et de Saigon les quatre dimanches de juin dernier : ce faisant, elle prend toute sa place comme communauté de citoyens, aux côtés du régime… Celui-ci s’en inquiète dans sa volonté de maintenir son monopole dans la société, mais il ne peut pas empêcher ces manifestations populaires qui relayent ses propres préoccupations face aux Chinois. Il s’est contenté de procéder à l’arrestation de quelques responsables de sites Internet porteurs de « réseaux sociaux » indépendants, proches des catholiques.

Action contre la pauvreté et pour la santé publique, défense des droits de l’homme, engagement patriotique, tout cela forme un mouvement de fond de la société civile vietnamienne qui reprend la maîtrise d’elle-même en s’appuyant sur l’Eglise, redevenue une force avec laquelle on doit compter.
Ici, sur fond de combat commun, deux volontés s’opposent ces dernières semaines au Vietnam : d’une part le souci du régime de maintenir son contrôle exclusif sur la société, comme l’a montré le congrès du Parti communiste vietnamien en janvier dernier, avec un durcissement vis-à-vis des milieux religieux ; et d’autre part le désir de plus en plus fort des catholiques de participer à la vie sociale et même politique. A l’origine de ces manifestations patriotiques, on remarquait l’action de la paroisse Notre-Dame du Perpétuel Secours de Saïgon, et de la paroisse des Rédemptoristes de Thai Ha à Hanoï (qui a mobilisé 5000 personnes dont des non-catholiques), mais aussi le rôle du vivier du diocèse de Vinh, qui rassemble à lui seul 700.000 catholiques au centre du pays.

Ecrasée par la répression après avoir été laminée par un exode massif vers le Sud en 1954, l’Eglise du Nord-Vietnam, à travers tout le Tonkin depuis Hanoï, a accompli un redressement spectaculaire ces deux dernières décennies : auparavant, paradoxalement, la mainmise du système communiste sur l’ensemble du Vietnam en 1975 a permis des échanges fructueux entre catholiques nord-vietnamiens et sud-vietnamiens. Ces derniers ont révélé à leurs frères du Nord l’enseignement du concile Vatican II, avec le message vital de la nécessité de l’engagement des laïcs tant dans l’Eglise que dans la société, autant que faire se peut dans un contexte antireligieux…

Après l’unification forcée de 1975, surtout entre 1980 et les années 90, des catholiques du Nord-Vietnam, jusqu’alors privés d’accès à des séminaires tous fermés depuis 1954, sont venus au Sud-Vietnam, dans des « centres de formation » non officiels à Saigon devenue Hô Chi Minh-Ville, sous couvert d’études dans des universités d’Etat. Cela dans une grande discrétion, mais avec l’aboutissement au sacerdoce tant espéré, depuis de longues années pour certains…

Aujourd’hui, avec de nouvelles autorisations concédées par le pouvoir, des séminaires existent à nouveau au Nord-Vietnam, et ils sont aussi pleins qu’au Sud, souligne-t-on à l’Agence Eglises d’Asie…
Dans ce contexte très contrasté, en utilisant des sites Internet, les deux plus combatifs étant « Notre-Dame de la Justice » et le site officiel des Rédemptoristes toujours en pointe, les catholiques vietnamiens veulent faire entendre leur voix, tant dans la société que dans l’Eglise.