Qui s’indigne aujourd’hui publiquement contre le matérialisme ambiant et ce qu’il appelle carrément « un effondrement de la spiritualité » ? Eh bien, c’est Michel Onfray, auteur d’un traité d’athéologie qui fut un best-seller et dont le propos est de penser de façon cohérente l’absence de Dieu en ce monde. Bien sûr, il peut y avoir des spiritualités de type humaniste. Albert Camus, dont Michel Onfray est l’ardent admirateur, est sans doute un modèle en ce sens là. Mais on ne trouve pas chez l’auteur de L’homme révolté la charge anti-chrétienne à laquelle Michel Onfray nous avait habitués. Il ne faut d’ailleurs pas exclure la possibilité d’une évolution intellectuelle de sa part, lui dont le positionnement idéologique a considérablement bougé ces derniers temps.
Toujours est-il que dans un débat publié au Figaro d’hier, Michel Onfray s’oppose à Luc Ferry à propos de notre modèle de civilisation. Luc Ferry se range du côté d’un progressisme libéral, qui escompte le meilleur possible des transformations actuelles, à condition que l’État joue à plein son rôle régulateur. Michel Onfray, lui, est en réaction contre ce progressisme, dont il dénonce les effets destructeurs. Là encore il se rapprocherait de Camus qui déclarait, à Stockholm, qu’il préférait conserver notre capital d’humanité plutôt que de se lancer dans une entreprise révolutionnaire.
Le débat est heureusement équilibré, chacun répondant courtoisement à l’autre. Luc Ferry rappelle les bienfaits d’un système qui concilie liberté et protection sociale. Michel Onfray est beaucoup plus sensible aux effets négatifs d’une mondialisation économique. Mais surtout il insiste : « Le frigidaire, la télévision, l’ordinateur et le portable sont-ils vraiment les instruments de mesure d’une civilisation ? À l’heure du consumérisme généralisé, on constate un effondrement de la spiritualité parce que le marché fait la loi, toute la loi. » On pourrait ajouter que c’est notre vieille Europe qui connaît aujourd’hui dans le monde le plus grand recul religieux. Une enquête d’un institut américain citée par La Croix fait état d’une progression spectaculaire de l’islam à l’horizon 2050 et d’une progression plus modérée du christianisme à l’échelle mondiale. C’est donc que la spiritualité est une donnée du présent et du futur. Pourquoi l’Europe se distingue-t-elle par un pareil effondrement spirituel ?