À Bordeaux, un sapin de 11 mètres de haut, en acier et verre recyclés dont les différents niveaux s’emboîtent « comme un meuble Ikea », (sic), installé le 10 décembre à la place du traditionnel sapin sur la place de la mairie ; l’élu de la ville, écologiste, ayant décrété qu’il n’était plus possible de prendre un « arbre mort » pour fêter Noël… Raccourci ô combien symbolique d’une civilisation à la dérive…
Et encore ! Heureux s’il est fait mention de Noël plutôt que de l’expression insipide de « fêtes de fin d’année » ! La presse italienne s’est ainsi fait l’écho d’un récent document interne de la Commission européenne, qui sous prétexte d’inclusion, souhaitait bannir l’expression de la fête de Noël, au nom du respect des différentes religions. Certes, le projet a été prudemment ajourné, notamment face aux protestations du Vatican.
Mais ce qui est intéressant, c’est la vigueur du ton employé lors de cette intervention de la diplomatie du Saint-Siège, et de manière plutôt inhabituelle ces derniers temps. Son numéro 2, le cardinal Pietro Parolin, s’est ainsi élevé contre cette « annulation de nos racines » – autre façon, plus latine, de parler de la cancel culture –, niant ainsi la réalité et l’histoire du continent européen. « Effacer Noël n’est pas la [bonne] façon de lutter contre la discrimination », a souligné le secrétaire d’État du Vatican. « Nous ne pouvons pas oublier que l’une des principales contributions [de l’Europe], sinon la principale, a été le christianisme lui-même. » La France, qui s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne, devrait s’en souvenir si elle veut susciter un sursaut de sa civilisation, comme l’a affiché le chef de l’État lors de sa rencontre avec le Souverain pontife…
Cette intervention au plus haut niveau du Vatican montre aussi que l’enjeu, de plus en plus, réside en un choix clair entre la religion de l’homme – Babel, qui ne pourra se maintenir que par la contrainte, à commencer par celle du langage –, et celle de Dieu. En d’autres temps, face à l’effondrement de l’Empire romain, saint Augustin avait montré de façon magistrale combien la cité de Dieu constituait l’horizon ultime du chrétien, sans pour autant dénigrer les cités humaines. Mais aujourd’hui, il semble que le reniement de Dieu et le vide laissé dans nos sociétés créent une nouvelle urgence : faire comprendre à nos contemporains que l’on ne pourra sauver la cité terrestre sans Dieu !
Effacer ce qui fait la civilisation
Dans son message, le cardinal Parolin affirmait encore que la négation de ses racines chrétiennes par l’Europe conduirait à terme à une conséquence désastreuse : « détruire la personne » humaine, à rebours de la lutte menée depuis 2 000 ans par l’Église contre la soif de pouvoir et de domination qui conduit à l’asservissement : l’esclavage en est un bon exemple.
Il faut alors réentendre le fameux sermon du pape Léon le Grand à Noël, en un siècle, le Ve, réputé comme plus barbare que le nôtre : « Reconnais, ô chrétien, ta dignité. » Cette dignité considérée aujourd’hui comme inaliénable, mais bafouée dans les faits par les atteintes à la vie dans toutes ses dimensions, l’homme ne la tient pas de lui-même, affirmait alors le saint pape : il est rendu participant de la nature divine car il a été arraché à l’esclavage du démon par le sang du Christ. Cela seul permet de le tenir éloigné de sa déchéance passée. Seize siècles plus tard, il serait donc bien insensé celui qui prétendrait se passer de cette force de renouvellement de la vie : la religion de Dieu fait homme !