Édouard de Castelnau à l’origine de la victoire remportée par le général Pétain - France Catholique
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Funérailles catholiques : un temps de conversion
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Édouard de Castelnau à l’origine de la victoire remportée par le général Pétain

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A la mi-février 1916, Castelnau est, depuis quelques semaines, chef d’état-major général et donc n° 2 de l’armée française. Dès la fin du mois de janvier, sur la foi de renseignements convergents, il est conforté dans son opinion que les Allemands vont attaquer à Verdun. Malgré les doutes de Joffre, il obtient de se rendre sur place et il en revient encore plus convaincu, mais inquiet par les insuffisances constatées sur le terrain. On apprend que six corps d’armée, sous les ordres du Kronprinz de Prusse, sont arrivés devant Verdun.

Au matin du 21 février, par un temps splendide, le bombardement allemand se déclenche. Il va continuer, intense, jusqu’en milieu d’après-midi. Puis les soldats du général von Falkenhayn progressent vivement entre la Meuse et les Ornes malgré la neige, qui tombe en tempête.

La bataille de Verdun commence. Le 22 et le 23 février, les Allemands enlèvent les premières lignes des Français, dont la défense fléchit.

Puis les Allemands se heurtent à une ligne de résistance que Castelnau appelle « la ligne intermédiaire ». À Chantilly, on commence à s’inquiéter. Le communiqué est difficile à rédiger, car on veut éviter le mot « recul »
Dans la soirée du 24, les mauvaises nouvelles tombent en rafale : les troupes du général Herr se replient en désordre sous la violence du bombardement allemand et le général de Langle, commandant du Groupe d’Armées du Centre, téléphone à Joffre (Castelnau est à l’écouteur) pour dire que la rive droite de la Meuse — celle qui est du côté des Allemands mais qu’occupent encore les Français — est dans une situation dangereuse : la région de la Woëvre est menacée. Il informe le généralissime qu’il donne, sous son entière responsabilité, l’ordre de repli et de l’évacuation de la Woëvre sur les hauts de Meuse. Joffre admet qu’étant sur les lieux, de Langle est mieux à même que n’importe qui de savoir ce qu’il y a à faire… En cette circonstance gravissime, Fernand de Langle de Cary se montre un chef responsable : sachant que sa décision d’évacuation de la Woëvre pourra être sévèrement critiquée, il la prend cependant en toute connaissance de cause et en toute bonne foi, prêt à en assumer les conséquences, qui vont être réelles.

Vers 20h30, Castelnau revient voir Joffre chez lui et le trouve la tête dans les mains, effondré. Discussion avec les majors-généraux Pellé et Janin et le colonel Renouard : il n’est pas question d’évacuer la rive droite de la Meuse et il y a des réserves pour contenir l’assaut allemand. C’est alors — vers 21h30 — que Castelnau propose d’envoyer à Verdun le général Pétain (dont il connaît le sang-froid et les qualités de chef) avec l’état-major de la 2e armée, pour prendre en main les troupes de la rive gauche et interdire aux Allemands le franchissement de la Meuse. Joffre accepte sa proposition et fait avertir Pétain de se présenter à Chantilly le lendemain matin à 8h.

Castelnau est maintenant seul dans son bureau, dans la modeste villa qu’il occupe non loin de l’hôtel du Grand Condé, siège du GQG. Il avertit au téléphone l’état-major de la 2e armée et regarde ses cartes, ce qui le persuade qu’on ne peut vraiment se rendre compte qu’en allant voir sur place. Il téléphone au commandant de Galbert pour qu’il réveille le généralissime car celui-ci dort et on ne doit pas le réveiller. Castelnau arrive et demande au grand chef l’autorisation de partir. Joffre accepte, lui fait passer sous la porte de sa chambre un papier lui donnant les « pleins pouvoirs » et… il se rendort ! Dans la tourmente de neige, le général de Castelnau part en automobile, seulement accompagné du lieutenant Laguionie, qui à tout hasard avait préparé un départ rapide et qui conduit, et des commandants de Bary et Camus. Il est minuit et demi.

Le 25 février, à 4h du matin, après une route épouvantable, Castelnau arrive à Avize, son ancien PC devenu celui du général de Langle qui vient de revenir de Dugny, PC de son subordonné, le général Herr. Il a interdit qu’on fasse passer des troupes, dont le 20e corps d’armée du général Balfourier, sur la rive droite, ce qui signifierait l’abandonner à elle-même.

à l’arrivée de Castelnau, il rapporte cependant cet ordre. Long entretien alors, entre Castelnau et de Langle. Le premier a le sentiment que son interlocuteur est persuadé que l’affaire est perdue. L’évacuation de la Woëvre et de la rive gauche de la Meuse serait cependant à ses yeux un péril mortel. Muni des pleins pouvoirs, Castelnau décide alors de prendre personnellement les choses en main et, à 5h45, il donne par téléphone l’ordre suivant : « Comme confirmation des ordres du général en chef, le général de Castelnau prescrit de la façon la plus formelle que le front nord de Verdun, entre Douaumont et Meuse, et le front Est, sur la ligne des hauts de Meuse, devront être tenus coûte que coûte et par tous les moyens dont vous disposez. La défense de la Meuse se fait sur la rive droite. Il ne peut donc être question que d’arrêter l’ennemi à tout prix sur cette rive. »

Castelnau reste encore une heure à Avize, avec son ancien d’une année à Saint-Cyr et pour lequel il a estime et amitié. Il l’appelle, dans ses lettres « le Bayard moderne ». Mais, de ce jour, ces liens se rompent, de Langle estimant que Castelnau l’a dessaisi de son commandement sans délicatesse comme il l’écrira avec beaucoup de dignité dans ses Souvenirs de commandement  : « Le changement de commandement s’effectuant sans un mot à mon adresse, ni du général en chef ni de son représentant le général de Castelnau, j’ai le droit d’être surpris, et j’ose dire blessé d’un pareil manque d’égards ». Il est vrai que le chef d’état-major a agi vivement, sèchement même, sans précautions oratoires. Et peut-être Castelnau a-t-il dans l’esprit les propos de Jacquand qui, s’il adule son « patron », n’est peut-être pas très aimable à l’égard de Langle !

À 7 heures, Castelnau repart pour Dugny en passant par Verdun même. On possède son témoignage personnel rapporté par Victor Giraud. « Lorsque le 25 février, au petit jour, je parvins aux abords du camp retranché de Verdun, je vis, sous un ciel bas et noir, un sol couvert de neige ; la Meuse lugubrement déversait sur toute la surface de la vallée les méandres de son cours ; les passerelles étaient rompues ; les ponts, menacés par les eaux, étaient sous le bombardement ; la rive droite se trouvait comme isolée du reste du monde et en particulier de la rive gauche, d’où lui parvenaient les secours en vivres et en munitions, pour alimenter la bataille et la population. Celle-ci, sous la froidure d’une pluie glacée, entremêlée de flocons de neige, fuyait en désordre, chargée des objets précieux qu’elle croyait menacés du pillage ; elle piétinait dans la boue, s’acharnait à se frayer un passage sur les routes déjà encombrées de charrettes, de blessés et de convois » (Giraud, p. 84-85).
Dans la foule, un large chapeau ecclésiastique s’est cependant agité : celui de Mgr Charles Ginisty, un homme du Causse, un presque « pays », ordonné à Rodez et ancien curé doyen de Saint-Affrique, aujourd’hui charismatique évêque de Verdun, qui lui crie : « Merci, mon général de venir sauver Verdun ! » 

L’historien Louis Madelin, qui est alors affecté au GQG, relate ainsi l’arrivée de Castelnau à Dugny : « Nous vîmes, dans une petite tempête de neige, arriver le général de Castelnau. La seule présence du grand chef apaisait les fièvres et rassurait les inquiétudes. Il fit son enquête rapidement mais à fond, se rendit compte des réalités, calma les trop grandes inquiétudes, discerna ce qu’il y avait à faire pour arrêter la démoralisation, seul danger qui fût absolument mortel. »

Castelnau trouve le général Frédéric Herr, d’habitude si maître de lui, bouleversé. Son état-major est épuisé et déprimé, ne pouvant plus articuler les renforts qui arrivent (trois corps d’armée et de l’artillerie lourde) et assurer le ravitaillement et les liaisons. Si Herr n’est plus capable de créer une nouvelle et solide ligne de défense, il faut un autre chef. Or Pétain est en route pour prendre le commandement des troupes de la rive gauche. Castelnau décide donc, en pleine bataille, de changer sa mission et de lui donner aussi le commandement de toutes les troupes françaises, celles de la rive gauche et de la rive droite.

C’est une véritable substitution de commandement. Mais Castelnau a confiance en Pétain et dans « son » équipe de l’état-major de la 2e armée, celui qu’il a formé lui-même et qui est encore peuplé d’officiers qu’il connaît bien.

À 15h30, il avise donc par téléphone le général Joffre qu’il veut donner au général Pétain (alors en route pour Bar-le-Duc) le commandement de l’ensemble de la Région fortifiée de Verdun et des troupes qui arrivent. Herr sera son adjoint et l’état-major de la RFV est fondu dans celui de la 2e armée. En même temps, il avise le général Pétain de venir directement à Souilly recevoir ses ordres.

À 16h50, Joffre approuve toutes les décisions prises par Castelnau. L’ordre est dactylographié et signé par Castelnau.

Prochaine étape : Verdun. Pour y voir le général Balfourier qui commande le 20e CA et qui téléphone à ses généraux en disant : « Le général de Castelnau, qui est ici à côté de moi, donne l’ordre de tenir coûte que coûte sur les positions actuelles. »

Dugny à nouveau, puis Souilly, QG replié de la Région fortifiée de Verdun, où Castelnau a convoqué Pétain. Celui-ci, au téléphone, a dit :

— Bien, je viendrai demain !

Il s’est attiré cette réplique :

— Non, vous viendrez ce soir à 8 heures !

Dès que Pétain arrive, il voit Castelnau qui l’informe qu’il lui donne l’ordre de prendre le commandement de toutes les forces des deux rives et donc de la RFV. Et cela à minuit, ce 25 février. Pétain voudrait attendre quelques heures, mais Castelnau lui réplique encore une fois :  

— Non, à minuit !

Le général Pétain lui-même rapportera la circonstance : « à 11 heures du soir, dès mon retour à Souilly, le général de Castelnau transcrivait mon ordre de mission sur une feuille de son calepin de poche, la détachait et me la passait « pour exécution immédiate ». À 11 heures, je prenais donc la direction de la défense de Verdun, déjà responsable de tout et n’ayant encore aucun moyen d’action. »

Témoignage du capitaine de Belussière, officier de liaison : « Les Allemands avançaient avec une force irrésistible, nos troupes étaient en pleine retraite : le général de Castelnau est arrivé, les Allemands ont été arrêtés. »

Autre témoignage, très émouvant : celui d’un jeune officier, Jean Tocaben. En 1920, il publie un livre de souvenirs intitulé Virilité, préfacé par André Tardieu, qui sera un jour président du Conseil. Cet ouvrage contient une page vécue qui démontre bien l’image dont bénéficiait le général de Castelnau dans la troupe, chez les soldats du front : « Nous montions à Verdun. Nous pataugions dans les flaques de la route, lamentable troupeau. Une auto corne derrière nous, auto d’état-major, évidemment, limousine bien close où quelque officier fringant des bureaux va nous jeter à la face l’insulte des paquets de boue… Or il advint une chose insolite : la voiture, au lieu de rouler en trombe en nous éclaboussant, tardait à nous dépasser… Derrière moi, au lieu du piétinement mou de la horde, je percevais subitement comme l’ébauche d’une cadence. Qu’y avait-il donc ? Comme je tournais la tête, la voiture arrivait près de moi, roulant avec une lenteur inattendue, et, dans cette voiture, il y avait, debout, penché vers la portière ouverte, un général, la main au droit du képi à feuilles d’or, et surtout, la figure apitoyée, ses yeux portant sur nous un regard d’une tristesse infinie !… C’était le chef suprême après Joffre, Castelnau, le général aux trois fils morts, combattants comme nous, qui, de toute son âme, nous saluait… Je compris pourquoi mes hommes, d’eux-mêmes, rectifiaient l’allure et marquaient le pas. »

L’auteur le dédicacera à Castelnau : « Au général de Castelnau, hommage reconnaissant pour le « geste de légende » que j’ai tenté de conter au chapitre I de ce livre. »

Retour à Bar-le-Duc, par un verglas terriblement glissant : 35 km en 3 heures ! Nuit à Marbeaumont, propriété de Madame Varin-Bernier, veuve du banquier lorrain (aujourd’hui médiathèque de la ville).

Le 26 février, nouveau passage à Verdun. Le fort de Douaumont a été pris par les Allemands. Castelnau ordonne de le reprendre. Pétain arrive. Il est maintenant le chef et donne les ordres en conséquence : « Si nous arrivons à nous maintenir dans la situation actuelle pendant deux jours, Verdun est sauvé », dit-il à Castelnau. Celui-ci s’occupe personnellement des transports, dans le plus grand désordre et qui sont d’autant plus indispensables dans une région où il y a peu de routes.

Le 29 février, Castelnau repart pour Chantilly en passant par Avize où il déjeune avec le colonel Jacquand et le général de Langle, ulcéré par ce qu’il estime être une injustice car il s’est senti écarté.
En fin de journée, Castelnau est de retour au GQG. Il a fait son devoir de chef, de grand chef.

Sans Castelnau, Verdun ne ferait pas partie de la légende glorieuse de Philippe Pétain, que ce dernier va malheureusement ternir pendant la Seconde Guerre mondiale. Castelnau, lui, restera inébranlable, indépendant et libre jusqu’à sa mort, en 1944, transmettant le flambeau à ses descendants, sans avoir jamais revu son subordonné.

Patrick de Gmeline


Pour en savoir plus sur le général de Caltelnau :

http://www.charles-herissey.fr/index.php/ouvrages-histoire/histoire/le-general-de-castelnau

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