Edmund Pellegrino s’est éteint paisiblement dans son sommeil le 13 juin. Une mort paisible – une fin douce pour une vie d’une générosité inébranlable, au service des autres et du bien commun – semble un départ approprié pour l’un des meilleurs médecins et bioéthiciens, catholique ou non, du dernier demi-siècle.
Il y aurait beaucoup à dire sur sa vie riche et pleine, qui a pris fin à quelques jours de son quatre-vingt-treizième anniversaire. Bien qu’il soit impossible de narrer toutes ses réalisations, il faut en partager quelques-unes avec le lecteur. Il a eu pour tâche la présidence de l’Université Catholique d’Amérique et a écrit plus de vingt livres et plus de 600 articles érudits (une bonne introduction à sa pensée est The Philosophy of Medicine Reborn : An Edmund Pellegrino Reader). Il était un médecin dévoué, profondément attaché à ses patients, à leur service durant plus de cinquante ans. Comme vous pouvez le déduire de ce bref aperçu, il a manifestement influencé des centaines et même des milliers de personnes.
Je suis l’une d’entre elles.
Je l’ai rencontré pour la première fois lors d’un pèlerinage en Terre Sainte avec la Société John Carroll. Comme adulte converti au catholicisme, je recherchais des modèles pour être à la fois bon professionnel, bon catholique et bon citoyen. Et j’ai trouvé en Ed un tel modèle – un homme chez qui il n’y avait pas de conflit entre sa science et sa foi, un homme dont la foi dirigeait l’existence et approfondissait la connaissance acquise par la science et l’expérience.
Je l’accompagnai lors d’un pèlerinage ultérieur – en Sicile cette fois – quand le président George Bush annonça sa décision concernant le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires (limitant ce financement aux lignées de cellules créées avant le 10 août 2001). A cette époque, j’avais fait du bon travail sur cette question. Et j’ai rejoint Ed dans un comité hâtivement convoqué pour discuter la décision de Bush, un comité que nous avons par la suite renouvelé à Visitation School, à Washington. J’étais honoré d’en faire partie, mais je ne le méritais pas. Ecouter Ed aurait été plus que suffisant. Après tout, n’était-il pas connu par beaucoup, dans ce pays et dans bien d’autres, comme le « père de la bioéthique » ?
Vous pouvez vous faire une idée du rôle important qu’il a joué dans le champ de la bioéthique rien qu’en considérant les faits suivants : il a été de nombreuses années directeur de l’école d’éthique Kennedy de Georgetown, il a succédé à Leon Kass à la chaire de président du conseil de bioéthique et en 2004, il était membre du comité de bioéthique de l’UNESCO.
Mais il y a une autre responsabilité qui illustre mieux l’approche personnelle de la bioéthique qui était la sienne : il a fondé le centre de bioéthique médicale à l’école de médecine de Georgetown. Une bioéthique médicale, une bioéthique au chevet du patient, c’était là-dessus qu’Ed se focalisait. Il était d’abord et principalement un médecin, comme il le soulignait lui-même. Et les médecins ont des patients. Prendre soin des patients est leur première responsabilité. Les décisions doivent être prise dans le contexte difficile, complexe, confus du patient souffrant. Ed ressentait, alors même que beaucoup ne comprennent plus l’importance de prendre des décisions respectant la sensibilité du patient, que les médecins tout particulièrement étaient en train de perdre cette compétence, cette sensibilité. Le centre de bioéthique a été créé dans ce sens.
De temps en temps, depuis que je suis avocat, Ed m’a demandé de le rejoindre alors qu’il travaillait sur des hypothèses basées sur les faits avec les résidents se formant à l’hôpital. Je peux vous assurer que ce fut instructif autant pour moi que pour eux. C’était un homme très à l’écoute des nuances éthiques de chaque situation de soin. Quel que soit le poste qu’il occupa alors, à Georgetown ou ailleurs, son travail était imprégné d’une pleine compréhension catholique de l’éthique de la vie.
Souvent, un décès apporte des regrets aux vivants. Nous voudrions avoir pris l’opportunité de manifester au défunt combien il ou elle comptait pour nous. Dans le cas de Ed, je suis content de noter que deux événements des derniers mois écoulés lui ont montré combien il comptait pour les autres.
D’abord, en mars, Georgetown a tenu un « symposium Pellegrino » durant lequel sa vie et son oeuvre ont été célébrées, un portrait spécial dévoilé, et cela en présence d’une bonne part des milliers de gens qu’il a marqué de son influence.
Ensuite, il y a juste quelques semaines, l’école d’éthique Kennedy a tenu son célébre stage intensif de bioéthique. A la toute fin, Ed est retourné enseigner la vertu dans sa classe principale. A tous égards, c’était un numéro de bravoure. Quelques jours plus tard, il est mort.
Un grand homme, un savant, un médecin, un catholique, un gentleman, Ed Pellegrino était tout cela, et plus encore. Il va profondément manquer à tous ceux qui le connaissaient.
William Saunders est vice-président des affaires juridiques à Americans United for Life (Américains Unis pour la Vie). Diplômé de l’école juridique d’Harvard, il écrit fréquemment sur un large éventail de questions juridiques et poliltiques.
Ilkustration : Edmund Pellegrini, par James Crowley
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