Edmond Michelet - France Catholique
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Edmond Michelet

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A l’attention de Gérard Leclerc

Monsieur, je viens seulement de prendre connaissance de votre journal du
22 février 2006 et de ce que vous écrivez à propos d’Edmond Michelet qui
se termine par : « … il faudra que je me renseigne ».
Je vous prie de trouver ci-après une note sur Edmond Michelet, ministre
de la Justice en 1960 et 1961, elle fournit quelques éléments répondant
à votre intention de vous renseigner.

Je suis à votre disposition pour tenter de répondre à vos questions sur
le sujet.

Bien à vous

Bernard Zeller

Edmond Michelet

Ministre de la Justice et Président de France-Algérie

(15-11-2007)

1) Edmond Michelet, ministre de la justice (janvier 1959- août 1961)
Carrière ministérielle d’Edmond Michelet

11) Rétablissement de la peine de mort en matière politique
– ordonnance du 8 juin 1960
– commentaires d’Antonin Besson sur cette ordonnance
– annexe historique au rapport à l’Assemblée Nationale sur
l’abolition de la peine de mort (1981)
– commentaires de Maître Jean-Marc Varaut sur cette ordonnance

12) Application aux cas des officiers en révolte pour l’Algérie
Française
Le cas des généraux Challe et Zeller
– citation devant le Haut Tribunal Militaire
– demandes ministérielles au procureur général Besson avant le procès
– lettre d’Edmond Michelet au procureur général Besson
– réflexions du procureur général Besson sur l’application de la
peine de mort aux généraux Challe et Zeller
– réaction d’Edmond Michelet après la condamnation des généraux
Challe et Zeller

13) Actions d’Edmond Michelet en tant que ministre de la Justice selon
les ouvrages disponibles et dans la presse

2) L’association France-Algérie

21) Création en 1962-1963

22) Edmond Michelet citoyen d’honneur de la ville d’Alger en 1966

1) Edmond Michelet ministre de la justice

Carrière ministérielle d’Edmond Michelet

Edmond Michelet a été ministre des armées du 21 novembre 1945 au 15
décembre 1946, ministre des anciens combattants du 9 juin 1958 au 8
janvier 1959, Garde des Sceaux- ministre de la Justice du 9 janvier 1959 au
24 août 1961, ministre d’Etat chargé de la Fonction Publique du 8 avril
1967 au 30 mai 1968, ministre d’Etat sans portefeuille du 31 mai 1968 au
12 juillet 1968, ministre d’Etat chargé des Affaires culturelles du 22
juin 1969 à sa mort le 9 octobre 1970.
Le présent dossier a trait à des actes d’Edmond Michelet intervenus en
1960 et 1961 alors qu’il était Garde des Sceaux et en 1967 alors qu’il
était ministre de la Fonction publique.

Après l’Affaire des barricades d’Alger (24 janvier au 1er février
1960), Edmond Michelet se rend à Alger en compagnie du ministre de
l’intérieur, M. Chatenet, et du ministre des Armées M. Messmer, « en
vue d’étudier sur place diverses mesures de remise en ordre ». Cette
mission débouche, entre autres, sur le décret 60-118 du 12 février 1960,
cosigné par Edmond Michelet, « modifiant et codifiant les règles
relatives à la police judiciaire, à l’exercice de l’action publique,
à la compétence et au fonctionnement des tribunaux permanents des forces
armées ainsi que les pénalités applicables par ces juridictions dans les
départements algériens et ceux des Oasis et de la Saoura, en vue du
rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens
et de la sauvegarde du territoire ». Ce décret est modifié et complété
par le décret 60-505 du 30 mai 1960, également cosigné par Edmond
Michelet. Ces décrets et leur application ont été étudiés par Sylvie
Thénault (voir par exemple : Justice et politique en Algérie, 1954-1962,
Droit et Société, 34-1996, pp. 575-587)

11) Rétablissement de la peine de mort en matière politique

– Ordonnance 60-529 du 4 juin 1960, publiée au journal officiel du 8 juin
1960
Cette ordonnance modifie « certaines dispositions du code pénal, du code
de procédure pénale et des codes de justice militaire pour l’armée de
terre et pour l’armée de mer en vue de faciliter le maintien de
l’ordre, la sauvegarde de l’Etat et la pacification de l’Algérie
».
Elle est cosignée par Edmond Michelet. Dans sa partie relative à la
modification du code pénal, en son article 99, passé à peu près
inaperçu à l’époque, elle stipule : « Seront punis de la peine de
mort ceux qui auront dirigé ou organisé un mouvement insurrectionnel ou
qui lui auront sciemment et volontairement fourni ou procuré des armes,
munitions et instruments de crime, ou envoyé des substances ou qui auront,
de toute manière, pratiqué des intelligences avec les directeurs ou
commandants de mouvement ».

– Commentaires d’Antonin Besson
Pour un profane, cet article semble relativement « normal ». Pour les
juristes, il en est tout autrement, à commencer par Antonin Besson,
procureur général près la Cour de Cassation et procureur général lors
du procès des généraux Challe et Zeller (29 et 30 mai 1961). Celui-ci,
dans son ouvrage intitulé « Le Mythe de la Justice » (418 p. Editions
Plon, 1973), qualifie ainsi cet article 99 : « ..les crimes de
participation a un mouvement insurrectionnel sont maintenant punis de mort, alors que ces faits étaient auparavant réprimés par la loi du 24 mai
1834, laquelle prévoyait seulement une peine privative de liberté. Et la
notion de complicité prend des dimensions insoupçonnées jusqu’alors.
On ne se contente plus d’y comprendre les convoyeurs de subsistances
comme autrefois. On met dans le même sac tout envoi de subsistances.
C’est ainsi que le cuisinier peut signer son arrêt de mort en
ravitaillant non seulement des insurgés mais aussi des hommes faisant
partie de bandes armées. Jusqu’à la réforme du 4 juin 1960, seuls les
faits d’une extrême gravité étaient punis de la peine capitale. Il en
était spécialement ainsi lorsque des crimes de sang venaient ternir les
événements. Maintenant, c’est à tout moment que la mort revient en un
leitmotiv obsédant et tragique : tous les conjurés sont voués à la
mort… » (pp. 253-254).

Sur la méthode utilisée pour rétablir la peine de mort en matière
politique, Antonin Besson écrit : « Le procédé fut diabolique, qui
réussit à rétablir la peine de mort en matière politique sans avoir
l’air d’y toucher. » Et il explique la méthode utilisée, qu’il
qualifie de « manœuvre »: « Les atteintes à la sûreté intérieure de
l’Etat furent supprimées et traitées comme des atteintes à la sûreté
extérieure de l’Etat. Celles-ci seules étaient maintenues. Comme elles
restaient soumises aux pénalités qui leur étaient propres et qui
comportaient la peine de mort, il s’ensuivit que la peine de mort
devenait applicable à des infractions qui étaient antérieurement des
atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat et qui, à ce titre,
échappaient alors à la peine capitale » (p.252) ».

Antonin Besson n’est pas le seul à faire cette analyse de
l’ordonnance du 4 juin 1960.

– Annexe historique au rapport à l’Assemblée nationale sur
l’abolition de la peine de mort

L’annexe 1 au rapport présenté à l’assemblée nationale sur le
projet de loi sur l’abolition de la peine de mort (loi 81-908 du 9
octobre 1981) est un rappel historique du débat parlementaire sur
l’abolition de la peine de mort depuis 1791. Elle a été publiée au
journal officiel.

On y lit, pour la période 1830-1851 : « …En effet, deux jours après
la proclamation de la Deuxième République, un décret du gouvernement
provisoire abolit la peine de mort en matière politique ; l’Assemblée
se prononce quelques mois plus tard ; lors du débat constitutionnel, elle
adopte l’article 5 du projet de Préambule confirmant l’abolition en
matière politique ; » Plus loin, pour la période 1940-1960, on y lit :
« Si de nombreux cas nouveaux d’application de la peine de mort prévus
sous le régime de Vichy (vols et agressions nocturnes, incendies
volontaires de récoltes..) furent supprimés à la Libération, d’autres
furent cependant ajoutés plus tard : vol à main armée (loi du 23
novembre 1950), incendie volontaire ayant entraîné la mort ou des
infirmités graves (loi du 30 mai 1950), violences ou privations
d’aliments ou de soins à enfants ayant entraîné la mort ou avec
l’intention de la donner, crimes politiques (ordonnance du 4 juin 1960).
»

– Commentaires de Maître Jean-Marc Varaut
Enfin, on peut lire dans l’ouvrage de Maître Jean-Marc Varaut « Un
avocat pour l’Histoire, Mémoires interrompus 1933-2005 » (459 p.
Flammarion, 2007), à la page 110 : « Le procureur général Besson fut
convoqué, comme il m’en fit plus tard la confidence, avant le procès
(des généraux Challe et Zeller, NdR), devant une sorte de comité
ministériel. Il fut entrepris avec insistance ; il devait demander
l’application de la récente ordonnance du 4 juin 1960 rétablissant la
peine de mort en matière politique ; »

On peut donc affirmer sans erreur qu’Edmond Michelet, Garde des Sceaux,
a joué un rôle de premier plan, es fonction, dans le rétablissement en
France, en juin 1960, de la peine de mort en matière politique, peine
abolie pour ce motif depuis 1848 et non rétablie depuis lors, que ce soit
sous le 2ème Empire ou sous le régime de l’Etat Français. Il a apposé
sa signature, en tant que Garde des Sceaux à l’ordonnance 60-529 qui la
rétablissait.

Cette ordonnance, en son article 99, sera appliquée par la suite
uniquement aux militaires et civils français et qui se sont révoltés en
1961 et 1962 dans le but de maintenir la présence française en Algérie.

(suite dans courrier suivant)