Edgar Morin - France Catholique
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Edgar Morin

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CC by-sa : Fronteiras do Pensamento

Voilà bien longtemps que je lis Edgard Morin. J’ai toujours été séduit par le sociologue hors système, préoccupé de correspondre à la complexité du monde et de la nature humaine. Vraiment sa période marxiste ne pouvait se prolonger. Fondamentalement, le penseur était rebelle à l’idéologie, aux cadres qu’elle impose, au système qu’elle solidifie. Il y a toujours eu chez cet agnostique inquiet quelque chose de pascalien, et je dirais même de pré-augustinien, avec ce sens de l’inquiétude que tente de surmonter la confiance pour le meilleur en nous…

Si j’ai envie de reparler d’Edgard Morin ce matin, c’est que lui-même, dans une tribune publiée par le Monde, veut faire le point sur notre situation de terriens, en quelque sorte, d’habitants de ce qu’il appelle notre terre-patrie. Et dans son diagnostique, je retrouve le même couple antithétique inquiétude-confiance. Inquiet, notre sociologue l’est à un rare degré. Il faut dire que d’un point de vue écologiste, il a été un précurseur. Le souci de notre écosystème l’obsède depuis les années 60. Or les dernières nouvelles écologiques ne sont pas réjouissantes au lendemain de Copenhague. Edgard Morin là dessus se situe aux antipodes d’un Claude Allègre. Mais son regard embrasse plus largement que l’écologie. Je le cite: « Le système Terre est incapable de s’organiser pour traiter ses problèmes vitaux: périls nucléaires qui s’aggravent avec la dissémination et peut-être la privatisation de l’arme atomique; dégradation de la biosphère; économie mondiale sans vraie régulation; retour des famines; conflits ethno-politico-religieux tendant à se développer en guerres de civilisations. » (le Monde 10-11 janvier). Si on le prend à la lettre, on pourrait ranger Edgard Morin dans la mouvance des catastrophistes éclairés.

En effet, comme Jean-Pierre Dupuy qui est l’inventeur de cette expression de catastrophisme éclairé, Edgard Morin n’est pas loin de croire que nous sommes à quelques minutes de la catastrophe absolue, de la catastrophe terminale pour notre espèce. Mais en même temps, ce qu’il y a de confiant en lui dans le meilleur de notre nature humaine le porte à théoriser et à magnifier ce qu’il appelle une métamorphose. La métamorphose, c’est au fond la révolution sans ses dérives terroristes et totalitaires. Pour lui, elle est à la fois possible et indispensable. Et c’est elle, telle qu’il la conçoit dans les termes précis de notre situation épouvantable, qu’il tente de définir. Et pour ce faire, il revêt sa tunique de prophète. Notre histoire est épuisée, proclame-t-il, mais pas les capacités créatrices de l’humanité. Pour le coup nous retrouvons le fameux projet, un moment invoqué par Nicolas Sarkozy – le mot lui ayant été soufflé par Henry Guaino – d’une politique de civilisation. Car ce ne sont pas les mesures partielles, les réformes comme on dit, qui nous sauveront. C’est une entreprise mondiale qui associera tous les États-nations pour modifier complètement nos paramètres intellectuels. Vaste entreprise dont nous ne détaillerons pas aujourd’hui le programme mais dont l’urgence et la pertinence ne peuvent pas ne pas nous interroger.

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