L’écologie humaine, comme l’écologie proprement dite, est une discipline scientifique que le biologiste et philosophe allemand Ernst Haeckel (1834-1919) définit comme étant la partie de l’écologie qui étudie l’espèce humaine, son activité organisée, sociale et individuelle, et sa place dans la biosphère. Il existe même, en France, une Société d’écologie humaine, créée en 1987 à l’initiative de chercheurs et d’enseignants en sciences sociales et biologiques, convaincus des bienfaits de la pluridisciplinarité et ayant la volonté d’instaurer un lieu d’échange et une fonction de dialogue pour tous ceux qui s’intéressent à l’étude des relations des hommes et de leur milieu de vie.
Comme l’écologie, l’écologie humaine est entrée progressivement dans le champ politique. Alors que certains théoriciens ont conduit l’écologie à se penser en dehors de l’homme voire contre l’homme, l’écologie humaine, de par sa dénomination même, place l’homme au cœur de la réflexion. Toutefois, c’est sous la dénomination d’écologie humaniste que ce courant s’est d’abord manifesté, à partir des années 1970, en s’appuyant sur la philosophie de l’évolution et en prolongeant la tradition naturaliste des philosophes grecs antiques. Elle invite l’homme à une responsabilité éthique en interaction constructive avec son environnement évolutif afin d’optimiser la société humaine dans sa relation avec son biotope en vue de parvenir à un équilibre planétaire. Cette nécessité de solidarité de l’ensemble de l’espèce humaine, pour préserver son environnement et son meilleur développement, a inspiré une expression politique particulière d’écologie humaniste représentée notamment, dans les grandes assemblées des Nations unies, par le Président Jacques Chirac ou le Roi Mohammed VI.
En fait, il semble bien que ce soit le pape Benoît XVI qui, le premier, ait cité l’écologie humaine dans sa perspective globale. S’exprimant en juin 2011 devant les nouveaux ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, il déclarait : « L’homme, à qui Dieu a confié la bonne gestion de la nature, ne peut pas être dominé par la technique et devenir son sujet. L’écologie humaine est une nécessité impérative. Adopter en tout une manière de vivre respectueuse de l’environnement et soutenir la recherche et l’exploitation d’énergies propres qui sauvegardent le patrimoine de la création et sont sans danger pour l’homme, doivent être des priorités politiques et économiques. »
Toutefois, dans l’esprit du Pape, l’écologie humaine n’entend pas simplement introduire une pensée humaniste dans les questions écologiques. Comme l’a écrit Joël Sprung, en février 2012, elle est bien plus que cela. Elle est une écologie intégrale qui absorbe dans un même élan de communion la personne humaine avec tout son environnement naturel et social. Fondée théologiquement sur l’universalité du salut qui embrasse tous les êtres vivants de la Terre, l’écologie humaine est un appel adressé à chacun pour qu’il reprenne conscience de ses responsabilités à l’égard du monde qui l’entoure. Elle est un décentrement, une redécouverte de la liberté intérieure et de ses responsabilités comme citoyen, qui doit conduire chaque homme à un témoignage de pauvreté évangélique, à une sobriété choisie et vécue dans le partage, à une solidarité universelle en actes et en définitive à un amour inconditionnel de la vie, singulièrement celle des plus faibles. « Il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi » avait déclaré Benoît XVI devant le Bundestag en septembre 2011 sous les applaudissements des députés allemands.
C’est manifestement dans cette dimension que se situe notre ami Tugdual Derville, l’un des porte-parole des opposants au mariage pour tous, quand il déclare au quotidien La Croix le 16 janvier dernier : « Un mouvement d’écologie humaine est en train de se lever. Je vois des similitudes entre ce mouvement et la naissance de l’écologie politique il y a quelques décennies. […] Il est stupéfiant que ceux qui, actuellement, prétendent incarner l’écologie, aient oublié ce qui fait l’essence de l’humanité. »
L’écologie humaine est-elle ou non une idée neuve ? En tout cas, elle paraît bien partie pour durer.