Échos d'Europe - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Échos d’Europe

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Regardant un match ou une compétition d’athlétisme à la télévision, vous voyez fréquemment tel ou tel participant faire le signe de croix avant ou après une action particulière. Ou bien qui porte une médaille religieuse, ou un crucifix. À tout coup, ils sont originaires d’Amérique latine, ou d’Europe de l’Est, parfois espagnols, italiens, rarement français, allemands ou anglais. Une telle remarque donne du grain à moudre à ceux qui sont persuadés que l’Europe occidentale est perdue pour le christianisme ou, au mieux, devenue une terre de mission, comme, semble-t-il, même Benoît XVI serait enclin à le penser.

Je compte parmi les quelques entêtés accrochés à la conviction que la situation n’est pas aussi désespérée. La carte de la chrétienté occidentale est une mosaïque complexe, avec des ilots d’espérance.Très peu s’en aperçoivent, mais, débarquant sur le vieux continent, on est accueilli par un flot généreux de publications et d’ouvrages de grande qualité et de profonde signification.

À retenir, juste deux ou trois ouvrages récents.

Par Mathias Matussek, Das katholische Abenteuer. Eine Provokation. « L’aventure catholique » de cette « provocation » a bondi immédiatement en tête des « meilleures ventes » en Allemagne. Rien de surprenant. Matussek est un jeune reporter agressif, au style familier et dynamique, qui ne retient pas ses coups.

Quand il manie le sarcasme, on dirait Anne Coulter [NDT: commentatrice politique américaine célèbre, à l’esprit caustique, proche du parti Républicain (droite)]. Il peut aussi bien se montrer sincèrement ému, par exemple en évoquant son enfance catholique — les jours joyeux, pieux, joueurs, dans une fratrie de cinq garçons d’une famille de la minorité catholique de Hambourg. Et il est autant capable d’écrire des pages éclatantes, triomphantes, dédiées au grand Jean-Paul II. Ou des tableaux émouvants de la vie de l’église à São Paulo au Brésil, ou dans les communautés Baptistes de Harlem.

Comme on peut l’attendre de quelqu’un ayant travaillé à l’hebdomadaire ultra-gauchiste Der Spiegel Matussek n’est pas spécialement conservateur. (Berlusconi est sa cible préférée lorsqu’il traite des sept péchés capitaux dans la société contemporaine). Mais ses attaques sont sans indulgence contre ceux qui proposent de transformer la tradition catholique en une variante du protestantisme. Son livre est vivant, désordonné, construit d’éléments hétérogènes, plaqué d’anecdotes pleines d’humour et d’envolées lyriques.

Néammoins un argumentaire cohérent jaillit de ce chaos inspiré, semblant proche de la pensée de Chesterton [NDT: célèbre écrivain britannique du début du XXème siècle]. Matussek ose proclamer qu’être religieux, chrétien, catholique, donne un immense plaisir, est une source de vitalité et de joie, et que la substance humaine est gravement appauvrie chez celui à qui manque une de ces épithètes. Selon Matussek, être catholique signifie être un aventurier, et il prend la défense des vieilles vérités à l’aide d’une sorte de langage « moderne » ou « des cités ».

Matussek cite souvent, avec approbation et respect, un auteur plus sobre et consciencieux, le romancier Martin Mosebach. C’est un écrivain solide, et récompensé. J’ai lu avec plaisir et intérêt — je les recommande — deux de ses œuvres de fiction, la longue saga Ruppertshain et le bref et percutant Der Mond und das Madchen (« La lune et la fille »). Mosebach a aussi publié L’hérésie du rite informe (Häresie der Formlosigkeit), une courageuse et inflexible stigmatisation des fades liturgies actuelles, pour un rétablissement des rites d’adoration Tridentins. Il apprécie spécialement et décrit merveilleusement la pratique des moines bénédictins de l’Abbaye de Fontgombault en France. L’incontournable maison d’édition Ignatius a promptement traduit ce livre, qui malheureusement n’a pas encore eu en Amérique l’écho mérité.

Provocation par Matussek, tentative de réconciliation par Denis Tillinac. Son style sobre semble prendre racine dans un élan affectueux envers Dieu, la nature, et la culture, et ne dénote aucune agressivité ou crainte. Le Dictionnaire amoureux du catholicisme est le plus récent de plusieurs de ses ouvrages apologétiques — parmi plusieurs douzaines de livres publiés par des éditeurs français prestigieux tels que Gallimard, Laffont, Flammarion, et autres.

Ses livres (romans, essais, pamphlets, à votre choix) ont reçu une demi-douzaine de prix. Tillinac a lui-même dirigé des maisons d’édition, des groupes de réflexion, des périodiques, et des campagnes politiques. La grande honte en Amérique est de l’ignorer. Le Dictionnaire amoureux est un lexique alphabétique comprenant environ 112 entrées, parmi lesquelles Pascal, Saint Thomas More, et Don Quichotte. Il traite, entre autres nombreux sujets, de reliques, de l’humilité, du péché, et de Tintin, le héros de bande dessinée. Tillinac nous entraîne en une douce promenade agréable et tranquille parmi les charmes pleins de tendresse d’un mode de vie catholique bien remplie, autonome et modestement satisfaite.

Il est tout-à-fait à l’aise quant au passé du catholicisme, et persuadé de sa pérennité. À une époque où les catholiques semblent assaillis de toutes parts, Tillinac n’éprouve nulle anxiété. Il semble au contraire serein et comblé, tentant de nous aider à comprendre comment la vraie charité et la tendresse n’ont leurs racines que dans la vraie beauté et les vraies valeurs. Pour lui, notre civilisation est solidement ancrée au « Rocher » de sa foi et de son amour.

Le Dictionnaire de Tillinac connaîtra-t-il le succès auprès des lecteurs américains? Difficile à prévoir. Mais les ouvrages cités ici, choix restreint parmi bien d’autres titres, donnent l’espoir que l’esprit catholique est toujours vivant sous diverses formes — même en Europe, de réputation laïque.

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Virgil Nemoianu, professeur de littérature et de philosophie à l’Université catholique d’Amérique (Washington, DC).


http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/strong-voices-from-europe.html