Le Vatican a récemment recruté un journaliste professionnel, Greg Burke, qui possède ses entrées dans le monde catholique comme laïc, pour servir de consultant en communication. Rome, après plusieurs faux-pas et maints ratés au cours des dernières années, avait fini par prendre conscience de la nécessité d’une approche nettement différente des réseaux mondiaux de communication moderne.
Que s’est-il donc passé après les violences en Libye ? Le mercredi (12 septembre), alors que les faits principaux étaient connus, le P. Federico Lombardi, directeur du service de presse, avait publié le communiqué suivant :
« Le respect profond pour les croyances, les textes, les grands personnages et les symboles des différentes religions est une condition essentielle pour la coexistence pacifique entre les peuples. Les conséquences gravissimes de ces offenses injustifiées et de ces provocations à la sensibilité des croyants musulmans sont une fois encore évidentes, dans les réactions qu’elles suscitent avec des implications tragiques, qui à leur tour aggravent la tension et la haine et déclenchent une violence inacceptable. Le message de dialogue et de respect pour tous les croyants que le Saint Père portera lors de son prochain voyage au Liban indique la voie que tous doivent prendre pour construire ensemble la coexistence des religions et des peuples dans la paix. »Rien sur les quatre Américains tués, et une condamnation a minima, selon les standards moraux en vigueur, de la violence : « inacceptable » (par qui ?) Le lendemain, après de vives critiques, le P. Lombardi a publié un nouveau texte :
« Le très grave attentat organisé contre la représentation diplomatique américaine en Libye avec la mort de l’Ambassadeur lui-même et d’autres fonctionnaires, mérite la plus ferme condamnation de la part du Saint-Siège. Rien ne peut justifier en effet l’activité des organisations terroristes et la violence homicide. Avec notre tristesse, nos condoléances et nos prières pour les victimes, nous exprimons le souhait renouvelé que, malgré ce nouvel événement tragique, la communauté internationale puisse trouver les meilleures voies pour poursuivre son engagement en faveur de la paix (au Liban et au Moyen-Orient). »Le Vatican, à l’inverse de l’administration Obama, a su nommer « les organisations terroristes » et suggérer que l’attentat a bien été programmé et n’est pas seulement le résultat de sentiments outragés. On peut certes comprendre que, de la part d’une institution religieuse, la première réaction soit d’être sensible aux atteintes à une foi, d’autant que le Vatican a maintes fois été l’objet d’un tel traitement. On peut donc reconnaître quelques circonstances atténuantes à la première réponse – mais seulement quelques-unes. Ce nouvel épisode semble confirmer qu’au service de presse, voire plus haut, on n’a pas perdu toutes les mauvaises habitudes. Il a manqué cette forme de réalisme foncier qu’un porte-parole se doit d’afficher pour être pris au sérieux et éviter des désastres en matière de relations publiques. Il n’est pas si difficile de dénoncer à la fois les préjugés anti-religieux ET la violence islamique, si l’on garde les deux yeux ouverts. Les deux communiqués appellent également une vigilance accrue concernant le vœu pieux que le dialogue est pour toutes les parties une voie vers la paix. Le dialogue est une bonne chose à la condition que les parties soient sincèrement engagées à éviter tout conflit inutile et peut-être même à négocier. Or il est rare qu’elles le soient. Le président Obama s’est rendu au Caire peu après son investiture pour prononcer un discours dans lequel il a dénoncé les actions antérieures des Etats-Unis au Moyen-Orient et tendu le rameau d’olivier à tous ceux qui souhaiteraient dialoguer sur un avenir différent. Trois ans plus tard, il décide tous les mardis matins, selon certaines informations, quels seront les militants islamiques à éliminer par des attaques de drones. Il était bel et bien et courageux de la part du Pape Benoît XVI de se rendre au Liban. Grâce à Dieu il en est revenu sain et sauf, ce qui n’était pas évident avec tout ce qui se passe au Moyen-Orient. A bord de l’avion, il a confié aux journalistes qu’il n’avait jamais pensé à annuler le déplacement « parce que c’est lorsque la situation est la plus compliquée qu’il est d’autant plus utile d’offrir un signe d’encouragement et de solidarité fraternelle. » La presse le considère comme un intellectuel coupé des réalités. Il n’y paraît pas quand il s’agit de montrer un simple courage physique. Il a appelé au dialogue, mais aussi à bien d’autres choses qu’on aurait aimé que le service de presse soulignât à l’adresse des médias. On a trop tendance au Vatican à penser que lorsque l’on a dit quelque chose, on a « communiqué ». Ainsi a-t-il assuré que la paix ne se résumait pas à l’absence de guerre. C’est une harmonie intérieure qui provient de la pureté de la vie et non de la pureté du fondamentalisme qui est toujours une « falsification » de la religion. C’était une manière subtile de poser une condition au dialogue, souvent méconnue même dans les cercles religieux. Le message n’est pas de ceux qui sont aisés à passer aux éléments les plus perturbateurs. Benoît l’ignorait d’autant moins qu’il en appelé aux meilleurs des anges : « la paix est tellement souhaitée, a-t-il dit, qu’elle est au Moyen-Orient une formule de politesse ». Il a même fait l’éloge du « printemps arabe », en dépit de ses défauts, comme le témoignage d’un désir véritable de liberté. « Nous devons faire tout ce qui est notre pouvoir pour s’assurer que le concept de liberté, le désir de liberté, aille dans la bonne direction et ne méconnaisse pas la tolérance, le tissu social, et la réconciliation, qui sont des éléments essentiels de la liberté. » Sa condamnation de l’importation d’armes en tant que « péché grave » fut la seule réflexion qui retint quelque peu l’attention des médias internationaux. Le Pape a parlé, la cause mérite donc qu’on s’y arrête, même si, les armes pouvant aussi servir à protéger l’innocent et à promouvoir la justice, il est difficile de décréter si c’est un péché en soi. Nous sommes bien placés pour le savoir sur ce site, il est difficile de faire passer des idées catholiques dans un monde médiatique qui leur est défavorable. Un service de presse du Vatican digne de ce nom doit mieux faire. Le Pape, dans un Moyen-Orient enflammé, a dit des choses dignes d’attention. Il existe des moyens efficaces de communiquer le fait que le Pape s’est rendu dans la région pour faire plus que lancer simplement un appel de plus au dialogue et à la non-violence. Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/whats-wrong-in-the-vatican-press-office.html Photo : Le Père Frederico Lombardi.