Hier, en évoquant un peu abstraitement la question de la violence, illustrée par les émeutes du Trocadéro, je n’étais pas vraiment satisfait de moi-même. Oui, je ne tenais pas à entrer dans le jeu polémique à propos des uns et des autres. Ceux qui sont les plus véhéments auraient-ils réagi plus efficacement s’ils s’étaient trouvé face à une pareille situation ? Mais c’est un peu la loi du genre. Au demeurant, le ministre de l’Intérieur et le préfet de police reconnaissent qu’ils n’ont pas su contrer les actions des casseurs qui les ont surpris par leur caractère massif. Hier, je n’étais pas suffisamment informé de l’identité de ces casseurs. Aujourd’hui, nous en savons un peu plus notamment à propos de ces fameux ultras qui appartiennent à la sociologie très particulière d’un club sportif. Peut-on dire qu’ils sont les adeptes d’un culte très singulier qui est celui du football, et plus précisément d’un club, le Paris Saint Germain, qu’ils idolâtrent ? Un sociologue, Nicolas Hourcade, explique qu’ils sont dans « une vision excessive du supporteurisme (oh le joli néologisme !) et qu’il vont jusqu’au bout, y compris jusqu’à la violence parfois, pour défendre leurs intérêts et leurs couleurs ».
Il y a d’ailleurs contestation de la part de porte-parole de ces ultras qui refusent d’endosser les excès du Trocadéro. On y verra peut-être un peu plus clair avec les suites judiciaires de cette affaire. Il n’est pas exclu que divers facteurs y aient joué, ce genre de défoulement pouvant attirer des gens très divers qui expriment leur mal de vivre. On a parfois des surprises. Le regard sociologique met en évidence la difficulté de nos sociétés à inventer leur mode d’existence, dès lors que les cadres traditionnels ont disparu. C’est peut-être ce qu’il y a de plus intéressant à envisager. On aura beau avoir des forces de l’ordre aguerries, d’excellents titulaires de la place Beauvau et de la préfecture de police, la vraie question est celle de la sociabilité, de l’apprentissage de la vie ensemble, de la commune décence chère à George Orwell. De ce point de vue, il y a du travail. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à vous informer sur l’extraordinaire journée vécue à Virgin Megastore sur les Champs Élysées, à l’occasion de la liquidation du stock. C’est hallucinant d’agressivité, d’incivilité, de grossièreté, de mépris à l’égard du personnel (bientôt en pleurs), tous se battant autour des objets à vendre. Certes, il n’y avait pas la violence inouïe du Trocadéro, mais c’était un exemple consternant d’absence de savoir-vivre. Oui, cette société, pour employer une métaphore, elle est à recoudre !
