Du religieux dans l'espace public - France Catholique
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Du religieux dans l’espace public

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Faut-il s’offenser de la dernière provocation de Charlie Hebdo, qui, à l’occasion du premier anniversaire du massacre de ses collaborateurs, publie un numéro spécial où figure à la une un Dieu barbu, armé d’une kalachnikov et à l’habit ensanglanté, sous le titre « Un an après l’assassin court toujours » ? Ce type d’humour potache, destiné à un public en préadolescence prolongée, a toujours fait les beaux jours du journal satirique, bête et méchant. Rien d’étonnant qu’il persiste dans ses mauvais jours, avec la rage de ceux qui s’estiment avoir été frappés par les adorateurs d’un Dieu cruel et vengeur. La difficulté, c’est qu’à partir d’un tel drame, ne se répande la contagion d’une phobie, qui écarte le religieux par principe, comme quelque chose de trouble, qu’il vaut mieux enfouir sous le tapis, ou en termes plus élégants, réserver à l’usage privé des individus, pour mieux en préserver la collectivité. Force nous est de constater que c’est à partir d’une telle conception que se fabrique le mythe d’une République idéale, laïque donc, supposée nous délivrer de tous les fanatismes.

Certes, la mission de l’État, au service de la chose publique, consiste à accorder tous les citoyens pour une coopération qui rassemble dans un même espace croyants et incroyants, membres de toutes les confessions ou obédiences philosophiques. L’autonomie du politique constitue une exigence impérieuse, même si elle n’est pas admise par certains. Elle ne s’oppose pas pour autant à l’expression la plus ouverte des convictions sur le forum propre aux échanges intellectuels. La laïcité n’est pas une philosophie au sens large, elle facilite les compromis par recoupement, qui se forment pour obtenir l’accord général au service de la justice et de ses objectifs particuliers. Elle se délégitime à perdre de vue sa fonction, en prétendant imposer une pensée obligatoire, soi-disant émancipatrice par rapport aux déterminismes sociaux, familiaux ou religieux. La pente du laïcisme, c’est la religion civile, appelée encore par Raymond Aron « religion séculière », avec ses relents totalitaires.

Le bien commun suppose donc la libre expression philosophique et religieuse, étant entendu que dans la tradition européenne et française l’interdépendance de la raison et de la foi est fondatrice de l’essor de la pensée. C’est la société tout entière qui se trouve éclairée par un échange constant, qui nous permet, par exemple, d’échapper aux pièges d’un fondamentalisme qui n’est pas seulement religieux. Cette année, marquée par le Jubilé de la miséricorde, devrait aussi manifester le rôle du discernement spirituel, ne serait-ce qu’en aidant à découvrir le visage d’un Dieu, qui est le contraire même de la cruauté, puisque par la croix il est devenu offrande pure.