L’ouvrage de Daniel Mahoney « The other Solzhenitsyn » (Un autre Soljenitsyne) suit le canevas judicieux selon lequel Mahoney, dans d’autres livres, a traité d’autres écrivains, tels de Gaulle, Aron, Manent et autres. Ayant lu Mahoney, on peut penser que le mensonge, et non le meurtre ou le vol, est de tous les péchés le plus chargé de haine.
Pour Soljenitsyne, le mensonge était certainement l’élément fondateur du totalitarisme moderne. Le mensonge permettait de tuer. Ce mensonge accaparait quiconque y était soumis, volontairement ou par peur. L’immense courage de Soljenitsyne se révéla non pas tant sous la souffrance du camp de concentration que dans le refus intransigeant de mentir au sujet du régime totalitaire sous lequel il vivait. Ne pas mentir, c’est dire toute la vérité sur tout.
La légende selon laquelle George Washington n’a jamais prononcé un mensonge révèle sans doute un aspect plus important de notre politique et de notre culture que nous ne sommes disposés à reconnaître. Pour une justice efficace, il faut exiger des témoins qu’ils déclarent publiquement que leurs réponses aux questions seront véridiques. Le « parjure » consiste précisément à proférer un mensonge après avoir juré de dire la vérité.
Les fondements d’une république selon le principe qu’il n’y aura pas de mensonges officiels sont certes une bonne chose. On sait bien que que beaucoup de gens mentent pour beaucoup de raisons. On s’en accommode à l’aide de la Justice, du repentir, et, selon les cas, de la clémence. On ne justifiera jamais le mensonge sous prétexte qu’il y a beaucoup de menteurs qui mentent sciemment.
Le mensonge tient une grande place en philosophie politique chez Machiavel comme chez Platon. Pour Machiavel, le mensonge était un outil de l’arsenal du politicien, à utiliser, comme la vérité, s’il pouvait servir à conserver le pouvoir. Mais le politicien de Machiavel savait qu’il mentait. Il ne prétendait pas tenir la vérité.
En revanche, le « mensonge noble » de Platon n’était pas véritablement un mensonge. Il se rapproche de ce que Soljenitsyne avait à l’esprit. À ceux qui vivent sans la vérité, la vérité semblera mensonge. L’idéologie moderne donne du monde une image différente de la réalité. Elle cherche à installer, de force ou par la persuasion, un système mensonger sur la réalité humaine.
C’est pourquoi, comme le disait Soljenitsyne, l’idéologie vit sur le mensonge et par la force, et pourquoi il faut punir ceux qui identifient la vérité, qui affirment que le Goulag est la mise à mort systématique d’êtres humains sans autre but que laisser le pouvoir à l’idéologie.
On accuse souvent Platon d’avoir fondé une telle idéologie. Mais il est vraiment le plus grand opposant à l’idéologie. La cité idéale existe en pensée ou en paroles. En pratique, les cités ne peuvent atteindre la perfection. Chercher la perfection pour la cité est l’essence même de l’idéologie. Pour l’homme la transcendance finale se trouve dans les cités telles qu’elles sont. Pour tenter d’imposer une perfection transcendante en ce monde, il faut faire appel au mensonge et à la force, Soljenitsyne ne s’est jamais lassé de le montrer.
Qu’est-ce qu’un mensonge? Un mensonge est une déclaration, présentée comme un fait, et non conforme à une réalité correspondant à un acte ou une loi. Récemment le Directeur des Services de Santé de l’État de Californie, en imposant par la force l’avortement dans les Universités catholiques déclarait: « L’avortement est un acte médical de base pour la santé.»
Mensonge notoire. L’avortement est la mise à mort d’un être humain. Il est toujours mortel pour l’enfant, et essentiellement délétère pour la santé de la mère et du père. C’est aussi un délit commis par ceux qui le pratiquent et ceux qui le rendent légalement possible. Adopter et appliquer ce mensonge est s’adonner à l’idéologie.
C’est le plus détestable de toutes les sortes de mensonges. Un mensonge responsable de l’assassinat de plus d’êtres humains que tous les Goulags du monde — plus de un milliard, trois cents millions d’avortements de par le monde depuis 1980.
Quels sont les effets d’un mensonge? Rendre impossible la communication entre humains. Prétendre que tuer un enfant est un « acte médical » est incohérent. Par essence un mensonge substitue quelque chose de plausible à une vérité. La naissance d’un enfant et la santé d’une maman sont des biens précieux. Mais maternité, paternité et venue au monde ne sont pas opposées l’une à l’autre, elles font partie d’une même réalité coordonnée. Les dissocier est mentir à leur sujet.
Il faut insister sur la question du mensonge. Si ce que j’affirme est un mensonge, je m’isole de la réalité. Si j’insiste pour rendre publics mes mensonges, en faire des lois, je ne dois pas laisser paraître la vérité niée par mes mensonges. Je dois empêcher sa publication. C’est pourquoi mensonge et coercition sont deux jumeaux. Le contraire du mensonge, c’est la vérité. Sujet que Soljenitsyne a passé sa vie à défendre.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/on-lying.html
Monument à la mémoire des enfants qui ne naitront pas (Martin Hudáček – 2011)
NDT: sur le sujet de l’avortement nous avons en France un exemple caractéristique de mensonge officiel: I.V.G., Interruption Volontaire de Grossesse. Le gynécologue capable de faire reprendre une grosses « interrompue » n’est sans doute pas encore né.