La décision du procureur Cyrus Vance de préconiser l’abandon de la procédure visant Dominique Strauss-Kahn est techniquement irréprochable. La crédibilité de Nafissatou Diallo, femme de chambre qui accusait l’ancien directeur du FMI de l’avoir violée le 14 mai dernier dans une chambre du Sofitel de New York avait été entachée de trop de mensonges.
Elle avait prétendu, il y a 13 ans, avoir été violée dans son pays d’origine, la Guinée-Conakry… pour obtenir le droit d’asile aux États-Unis. Et, fait incroyable, elle avait reconnu ce mensonge devant un bureau des procureurs décontenancé.
Le droit américain prévoit que l’accusé ne peut être condamné qu’à l’unanimité de douze jurés que le procureur doit convaincre. Si celui-ci considère qu’il n’a pas de preuve absolue de culpabilité, il doit abandonner les poursuites. Or, dans une affaire par définition sans témoins directs, le fait que l’on puisse croire l’accusatrice est capital. Avec ses cinq comptes bancaires copieusement alimentés, selon elle à son insu, et sa conversation téléphonique avec un trafiquant de drogue en prison, la femme de chambre apparaît comme une personne sans scrupule ne cherchant que l’argent.
L’enquête des procureurs montre qu’il y a eu « une relation sexuelle précipitée » entre l’homme politique et la femme de chambre, et la suite de l’histoire semble montrer que si DSK avait laissé une liasse de dollars au lieu de son téléphone portable sur la table de nuit, la relation, pour brutale qu’elle ait pu être, en serait restée là. DSK semble donc victime de sa radinerie plus encore que de sa libido.
Quoi qu’il en soit on ne saura jamais le fin mot de ce feuilleton de l’été puisque le cauchemar judiciaire américain est achevé pour DSK. Il n’a, semble-t-il, pas grand-chose à craindre non plus de la justice française, car ce que l’on sait de la plainte de la jeune romancière Tristane Banon semble concerner un cas d’agression sexuelle plutôt que de tentative de viol, or dans le premier cas la prescription de trois ans est largement acquise, les faits étant réputés s’être produits en 2003. Dans le second cas, la prescription est de 10 ans.
Les amis de celui que tous les sondages désignaient naguère pour être le prochain président de la République française, se réjouissent de son retour sur le sol national. Plus ou moins sincèrement. François Hollande, qui n’a pas le soutien de DSK, n’a pas de motif particulier de souhaiter un engagement de celui-ci dans la prochaine campagne électorale. Sa rivale des primaires socialistes, Martine Aubry, pense-t-elle qu’un engagement de DSK en sa faveur serait un atout auprès des Français ?
Nous ne sommes pas puritains comme les Américains. Chez nous Henri IV ou Napoléon, qui collectionnaient les maîtresses avec plus ou moins de précipitation, comme tant d’hommes de pouvoir, sont restés très populaires. Comme on dit que les bons sentiments ne font pas la bonne littérature, nos concitoyens estiment sans doute que les bonnes mœurs ou la générosité, voire l’honnêteté, ne font pas la bonne politique.
Cependant, en régime démocratique, il est certaines faiblesses qui peuvent avoir plus de conséquences négatives immédiates. Et puis l’opinion des Français n’est pas seule en cause. Silvio Berlusconi reste relativement populaire dans son pays, mais la respectabilité morale de l’Italie est mise à mal par les frasques de son président. Il n’y a pas que les agences de notation pour détruire la valeur des pays. Il y a aussi le sentiment de son propre déshonneur par un peuple. Heureusement, nous avons échappé au scandale annoncé d’une présidence DSK.