Une fois de plus, les instituts de sondage et les médias qui les prennent pour des références scientifiques se sont lourdement trompés. Nicolas Sarkozy était réputé par eux avoir la faveur des militants du parti Les Républicains ; Alain Juppé semblait le candidat des sympathisants. Les 4 millions d’électeurs de la primaire en ont décidé autrement après avoir pris en compte trois débats télévisés passionnants.
Le dimanche 20 au soir, François Fillon (44,1 %) s’est imposé très nettement devant Alain Juppé (28,6 %), qui a laissé loin derrière lui Nicolas Sarkozy (20,6 %). Ce dernier a reconnu son élimination aussitôt en appelant à voter Fillon au second tour (de même que Bruno Le Maire, 2,4 %). Les raisons de la victoire de son ancien Premier ministre ? Elles sont difficiles à discerner car les primaires sont organisées par des formations politiques et ne peuvent être comparées à des élections générales. Il y aura des candidats hors primaires qui espèrent surprendre eux aussi. Ce n’est même pas la primaire des électeurs de droite car de nombreux (15 % ?) militants de gauche sont venus voter en faveur d’Alain Juppé pour éliminer Nicolas Sarkozy. On évoque aussi la participation de militants du Front national (10 % ?).
Cependant, l’écart entre François Fillon et ses rivaux est trop important pour que ces voix extérieures aient joué un rôle décisif.
Les médias soulignent les différences d’image à l’intention d’électeurs qui se laisseraient nécessairement prendre aux jeux de scène. Comme les électeurs montrent ces temps-ci, en France et à l’étranger, qu’ils ne sont pas dupes des « petites phrases », comme les sondages semblent provoquer des effets inverses de ce qu’ils annoncent, il n’est pas invraisemblable de penser que les électeurs ont choisi celui qui leur semble capable d’être un homme d’État. Ancien président de la République, Nicolas Sarkozy a fait une campagne de militant politique axée sur les questions identitaires, se plaçant trop vite dans la perspective d’une compétition avec la candidate du Front national.
Ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Alain Juppé semble pénalisé par une très longue carrière alors que François Fillon est étranger à toutes les « vieilles affaires ». Le soutien immédiat de Nathalie Kosciusko-Morizet (2,6 %) à Alain Juppé ne fait que renforcer l’ambiguïté de certains aspects du programme sociétal de celui-ci.
Quel est le programme de François Fillon ? Face au terrorisme, il souhaite reprendre l’idée de la déchéance de nationalité, veut interdire le territoire aux djihadistes partis combattre au Moyen-Orient et prévoit la construction de 16 000 places de prison. Son programme économique est axé sur l’autorité : réduction drastique du nombre de fonctionnaires, révision du statut de la fonction publique et augmentation du temps de travail des fonctionnaires dans le cadre d’une réduction des dépenses publiques de 100 milliards d’euros par an (c’est là-dessus que les juppéistes ont décidé d’attaquer en jugeant notamment le chiffre de 500 000 emplois statuaires à supprimer irréaliste).
Sur le plan social, François Fillon veut supprimer la référence des 35 heures et simplifier le droit du travail pour privilégier la négociation dans l’entreprise et au niveau des branches. Déclarant que « la famille est au fondement de la société », il souhaite que les « règles concernant la filiation » soient réexaminées, que les sanctions contre la propagande sur la GPA soient renforcées et que les familles cessent d’être fiscalement pénalisées.
Beaucoup dépend encore de la participation au second tour de la primaire.