Ce fut un choc moral et affectif inattendu, pour tous ses amis. Nous apprenions avant-hier la mort soudaine du père Dominique Chéreau, curé de la paroisse Notre-Dame-du-Bon Conseil dans le XVIIIe arrondissement de Paris. J’ai envie de dire que Dominique, je le connaissais depuis toujours, depuis sa jeunesse nantaise, dans une famille admirable. Je ne pouvais être étonné de sa décision de devenir prêtre. C’était tellement dans sa nature généreuse et son amour du Christ. Qu’il ait choisi une modeste congrégation religieuse, les frères de Saint-Vincent-de-Paul, née du catholicisme social du XIXe siècle, c’était en cohérence avec son désir de témoigner de la foi et de la charité dans les milieux les plus pauvres et les plus déshérités. Dominique Chéreau, qualifié justement par certains de Don Bosco du quartier Clignancourt, exercera pendant une quarantaine d’années son ministère, notamment dans le cadre d’un patronage, dont on ne dira jamais assez quel havre de grâce, de formation humaine, d’entraide, il a pu être pour des centaines de jeunes, dont certains étaient musulmans.
Les souvenirs se pressent dans ma tête. Je revois Dominique dans une salle de l’Empire aujourd’hui démolie, venu assister à la projection de Dialogue des carmélites, dans la version de Pierre Cardinal. Il y avait là aussi le nouvel archevêque de Paris, Jean-Marie Lustiger, qui était venu me demander qui était ce prêtre qu’il ne connaissait pas encore personnellement. Ce fut le début d’une connivence profonde entre les deux hommes, le Cardinal ayant sans cesse encouragé Dominique dans ses entreprises. Un autre souvenir. Ce devait être à la station de métro Opéra. Je retrouve Dominique et tout un groupe de jeunes de son patro, coincés par une équipe de contrôle. Visiblement, il y en avait plusieurs qui n’étaient pas en règle. Mais le religieux était habitué à ce genre de situations délicates, vivant dans un quartier à risque. J’ai même entendu dire que les trous bien visibles qu’il y avait dans le mur derrière son bureau, provenaient d’une arme à feu, dont il avait été menacé. Mais rien n’aurait pu arrêter ce cœur ardent, toujours au secours de toute détresse.
Ma dernière rencontre avec lui date d’il y a un mois. Dominique Chéreau célébrait une messe à la mémoire de Brigitte Bernanos, la belle-fille du grand écrivain. Il me plaît que ce dernier souvenir soit sous le signe du romancier qui a su si profondément témoigner dans son œuvre de la grandeur du sacerdoce. Cher Dominique, tu as toujours témoigné que dans l’humble royaume de la Terre, tout est grâce !
Chronique diffusée sur radio Notre-Dame le 30 octobre 2014.