Dom Angelico Surchamp, moine bénédictin de l’abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire, nous a quittés, le 1er mars. Sa figure était bien connue de tout un milieu artistique et aussi d’un lectorat passionné par la collection de magnifiques albums qu’il avait fondée sous la marque des éditions du Zodiaque. Plus de 200 volumes ont été publiés ainsi sur l’histoire de l’art religieux, particulièrement sur l’art roman en Europe. Beaucoup d’entre nous avons eu entre les mains ces ouvrages à l’iconographie incomparable, qui nous permettent de saisir le génie d’une époque, qui par bien des aspects, nous donne à rêver par sa richesse et sa profondeur. Un historien sérieux a pu parler de la grande lumière du Moyen Âge, prenant ainsi à contrepied l’opinion qui fait de cette période la proie du pire obscurantisme.
Il nous est bon, parfois, de prendre conscience de notre situation d’héritiers, notamment dans ce domaine du patrimoine artistique. J’en demande bien pardon à certains, mais je ne fais pas partie de ceux qui méprisent cet héritage ou en sous-estiment la portée. Nous en sommes dépositaires et c’est pour nous un titre de gloire. Même si nous sommes, comme le dit saint Paul, citoyens du ciel, nous avons aussi les pieds sur un sol qui n’est pas désert. Nous vivons dans un espace peuplé de monuments qui n’ont rien des vases vides dont parlait Ernest Renan. Sans doute, la signification de la symbolique romane ne nous est accessible que par la culture religieuse et plus encore par la foi. Comment comprendre la narthex de Vézelay, indépendamment de la lumière du Christ ressuscité ? Mais nos contemporains qui ne partagent pas notre foi sont aussi héritiers du même patrimoine, et cela n’est nullement à dédaigner.
Oui, notre pays a une identité chrétienne, qui touche tous ses habitants et à laquelle la plupart sont attachés. À nous de rendre parlants ces monuments, mais surtout ne les dédaignons pas. Il faut être infiniment reconnaissant à Dom Angelico Surchamp – le nom d’Angelico n’était pas choisi au hasard – d’avoir donné vie à ce legs du passé pour le rendre présent à notre imaginaire. Dom Surchamp était aussi un spécialiste pointu d’art contemporain. Ainsi assumait-il la relation entre le patrimoine et notre temps, dans le meilleur équilibre.