Qu’est exactement une communauté chrétienne et pourquoi devrions-nous en former une ? La communauté chrétienne découle de notre imitation de trois personnes vivant entre elles un amour parfait : le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Quand le monde entier ressemblera à la Sainte Trinité, nous aurons rempli le grand commandement d’en faire des disciples.
Dieu ne nous a pas mis seuls dans ce monde mais en compagnie d’autres, à commencer par nos familles, nos collègues de travail, et Il nous a commandé d’aimer nos prochains comme nous-mêmes.
Nous avons tous entendu ce commandement un nombre incalculable de fois, mais vous est-il arrivé de vous demander pourquoi il est si essentiel à notre salut d’aimer notre prochain ? Après tout, Dieu aurait pu agencer le monde d’une autre façon qui inclurait la solitude pour des millions d’âmes.
Sainte Catherine de Sienne s’est interrogée sur cela, elle aussi, et a posé la question à Dieu. Il lui a répondu que ce qu’Il désirait le plus est que nous L’aimions comme Il nous aime. Cela peut sembler simplet, mais il nous est impossible d’aimer Dieu comme Il désire être aimé sans la présence d’autres âmes humaines.
Parce que pour nous, aimer Dieu en retour n’est que simple justice. Nous n’avons absolument rien fait pour mériter ne serait-ce qu’un unique jour de vie, encore moins une âme immortelle et la possibilité du Ciel. Quand nous aimons Dieu directement, nous agissons avec justice, mais également dans notre propre intérêt en raison de la promesse d’un plus grand bonheur sur terre et de la super récompense du bonheur éternel après la mort. Mais il n’y a là-dedans rien pour Dieu alors qu’Il nous a aimés dans la création. Son amour divin est gratuit et désintéressé là où notre amour pour Lui est rationnel et intéressé.
Donc, en vue de nous donner l’opportunité d’aimer divinement, Il nous a placés parmi d’autres âmes que nous puissions aimer sans aucune perspective de récompense. Nous ne pouvons aimer Dieu de la façon dont Il désire être aimé qu’en aimant d’autres gens qui ne peuvent pas nous récompenser.
Et c’est la raison pour laquelle la communauté chrétienne est si importante : les communautés sont un environnement riche en objectifs d’amour désintéressé. Former une communauté chrétienne – une communauté de camaraderie, de fraternité et de charité chrétienne – ce n’est pas une chouette option à pratiquer après le travail. C’est la raison d’être de notre présence sur terre.
En voilà assez pour le pourquoi, voyons le comment. C’est une erreur de penser qu’une multitude d’activités extérieures pourrait se substituer au plus dur ouvrage, l’acquisition de la sainteté. Dieu bâtit des communautés avec des gens saints ou au moins travaillant à devenir saints. Il n’y a pas d’échappatoire : vous devez être saint pour bâtir le royaume de Dieu.
Un bon chemin pour commencer à aimer Dieu divinement est d’aimer généreusement votre conjoint, vos enfants, vos parents, vos frères et sœurs et vos amis. Il est douteux que nous aimions qui que ce soit d’autre si nous sommes incapables d’aimer nos plus proches.
L’amour est la clef, l’amour est l’arme secrète. Oubliez ce que vous ressentez. L’amour n’est pas un sentiment ; c’est la décision de préférer le bien des autres. Faites en une habitude et vous commencerez à changer les choses autour de vous et votre travail sera amplifié.
Voici donc quelques trucs pratiques à faire pour devenir plus saints et former une communauté chrétienne. Jordan Peterson a douze règles de vie et Chris Pratt en a neuf. Je vais couper la poire en deux et offrir dix règles et demie :
1. Mariez-vous tôt . Scott Hahn appelle le mariage la Première Société – société est justement un mot pour désigner une grande communauté. Cela suppose que vous n’avez pas une vocation à la vie consacrée, que vous avez ouvert votre cœur et demandé à Dieu des centaines de fois si c’était ce qu’Il voulait. Mais il y a de grandes chances que vous ayez la vocation du mariage.
Ne mettez pas votre vocation de côté pour des raisons de carrière, ou parce qu’il vous faut un diplôme de master, ou que vous pensez ne pas avoir les moyens d’élever des enfants, ou pour quelque imbécillité comme se trouver soi-même – ou la pire des raisons – pour faire les quatre cents coups. Ce dernier choix donnera des fruits amers, hantera votre vie et sapera votre mariage. Si vous ne connaissez pas quelqu’un avec qui envisager le mariage, Dieu a cette personne en réserve. Alors priez, gardez les yeux ouverts et allez là où cette personne pourrait être. Faites-en votre première priorité – avant même votre travail.
2. Soyez ouvert aux enfants. N’essayez pas de calculer combien d’argent il vous faudrait pour un appartement de deux chambres ou pour un microbus pour aller camper l’été ou pour les frais d’université ; plongez dans la vocation du mariage et soyez fécond. Un excellent début dans la pratique de l’amour désintéressé est de prendre soin d’un bambin égoïste et ingrat qui réclame votre attention constamment et instantanément. Quel que soit les avantages que vous pourriez éventuellement tirer de votre enfant, ils s’évanouiront quand il vous faudra arpenter la pièce en le portant dans les bras entre 2 et 4 heures du matin. Ajouter des enfants chrétiens à la société est l’impact le plus important que vous aurez probablement dans la construction de la communauté chrétienne. Mark Stein a dit que l’avenir appartient à ceux qui arrivent, donc qu’ils soient vos descendants.
3. Faites vous des amis et engagez-vous envers eux. Si vous êtes marié, vos amis seront probablement mariés également. Si vous êtes célibataire, vous allez voir vos amis célibataires se marier, faites comme eux. De vrais amis se soutiennent mutuellement, c’est ce que nous devrions souhaiter. Des réseaux d’amis soudent la communauté chrétienne.
4. Donnez en tout la priorité aux autres. Pratiquez le précepte de Mère Thérésa pour la joie en accordant vos pensées et vos actions selon les lettres de ce mot (NDT : désolée, ce moyen mnémotechnique ne fonctionne qu’en anglais) : Jésus en premier, les autres en second, vous-même en dernier. Plus vous vous oublierez vous-même, plus vous serez joyeux. Dieu se sert du ju-jitsu. Plus vous cherchez le bien des autres, plus Dieu se soucie de ce moi que vous oubliez. La méthode de Dieu pour prendre soin de vous comprend également la souffrance ; Il se rend par là plus proche alors ne vous imaginez pas qu’il vous abandonne quand il arrive de mauvaises choses.
5. Vous devez apprendre à prier comme si tout en dépendait, car c’est le cas. Priez intensément et régulièrement. Pas seulement avant un examen ou une entrevue ou après avoir mis la pagaille. Priez avant d’avoir mis la pagaille, et il vous arrivera moins souvent de mettre la pagaille. Si vous avez déjà une vie de prière active, bâtissez dessus ; vous n’êtes probablement qu’un grappilleur comparé à ce que Dieu attend de vous. Si vous êtes « normal », c’est à dire avec une vie de prière sporadique, inefficace et tiédasse, alors établissez un programme, cherchez l’aide d’un prêtre et commencez aujourd’hui.
6. Choisissez une bonne paroisse et soyez un membre actif. La plupart d’entre nous ont le choix, alors choisissez sagement et engagez-vous à fond. Faites ce que le Père vous demande. Les prêtres ont besoin du soutien et des encouragements des familles et des individus pleins de foi et de dynamisme.
7. Ne soyez pas des chrétiens tièdes. C’est rebutant et détestable pour Dieu et pas attractif pour les autres âmes tièdes. Le prêtre de notre paroisse a un jour demandé : qui récite le bénédicité avant chaque repas ? Puis il a demandé : qui le récite au restaurant ? Bien sûr, c’est une petite chose, mais Jésus nous a dit : « quiconque me reconnaît devant les hommes, je le reconnaîtrai également devant mon Père du ciel, mais qui me renie devant les hommes, je le renierai également devant mon Père du ciel ». Vous, combattez la tiédeur par la prière, les sacrements et en faisant des choses que vous n’avez pas envie de faire. Combattre la tiédeur ne signifie pas être impétueux ou ergoteur. C’est une contrefaçon de piété et c’est inefficace. Soyez zélé dans la façon d’aimer les gens. Ils sentiront la différence et alors ils vous écouteront quand vous parlerez du Christ et de l’Eglise.
8. Surmontez la crainte ou la paresse par la décision d’aimer. Si vous avez peur des réunions ou de parler en public, vous pouvez dissiper ces tentations en décidant d’aimer tous les gens présents dans la pièce. Essayez.
9. Faites de l’écoute une habitude majeure – surtout vis à vis des importuns, Dieu a quelque chose de spécial à vous dire à travers eux. Ecoutez et essayez d’aider les autres âmes à la moindre occasion. Aidez-les à trouver un travail, à réparer leur ordinateur, à déménager. Certains vont profiter de vous ? Peu importe. Vous serez davantage conformé au Christ et Il vous aidera doublement.
10. Soyez visible. Woody Allen avait raison là-dessus : 80% de la vie consiste à être visible. Allez aux quêtes pour les organisations caritatives, dans les rassemblements familiaux, aux funérailles et dans les centaines de lieux où Dieu vous envoie. Allez-y quand vous n’avez pas envie d’aller, vous n’avez pas autant de temps devant vous que vous le pensez. En accord avec les limites de vos obligations familiales et professionnelles, allez de l’avant. Ne vous dégonflez pas en envoyant un message d’excuse le jour précédent, vous disant que les autres seront là et que vous ne manquerez à personne. Vous manquerez à Dieu.
10½. Prenez soin de votre corps et de votre apparence. Ne pensez pas devoir être un excentrique mal lavé pour être saint. Soyez une personne en forme, propre, décemment habillée, qu’on ait plaisir à fréquenter. Prendre soin de vous, ce n’est pas pour vous, c’est pour les autres.
Voici ma petite liste. Elle n’est pas exhaustive, mais tout ce qu’elle contient, je l’ai appris à la dure.Vous formez une communauté chrétienne en décidant d’aimer les autres et en étant saint, généreux et vulnérable. Faites ainsi et Dieu fera des miracles à travers vous, c’est garanti.
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Douglas Dewey est le président de de l’institut Wethersfield pour la Pensée Catholique à Manhattan, institut fondé en 1984 par le regretté Chauncey Stillman. Il vit avec sa femme et leurs dix enfants (qui quittent peu à peu le nid) dans le comté de Westchester.
Illustration : « Messe des Rameaux » par Zdzislaw Jasinski, 1891 [collection particulière]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/28/10½-rules-for-forming-christian-community/