Je voudrais saluer Yves Semen, dont j’admire le travail à propos de l’anthropologie de Jean-Paul II. A mon avis, en se consacrant, depuis de nombreuses années, à l’étude de la pensée du précédent pape sur ce sujet capital, il rend un signalé service à l’Eglise, aux hommes et aux femmes de notre temps.
Il y a une quinzaine de jours, je mettais en cause ici-même l’instauration à Sciences po Paris d’un nouveau cursus obligatoire sur les genders. Présentée à l’aune de la modernité, cette initiative signifiait l’acquiescement à une mutation anthropologique qui trouve son lieu d’origine dans les universités américaines. Avec cette précision importante, que le courant français dit de la déconstruction a largement inspiré la philosophie des genders. On a même pu parler à ce propos de french theory. Pour faire bref, je dirais, que dans la perspective d’une pareille philosophie, c’est notre regard même sur nos semblables qui se trouve fondamentalement modifié. L’autre, qui est sous mon regard, ne m’apparaît plus comme un homme ou comme une femme, mais comme un individu affecté par certaines pratiques sexuelles qu’il a lui-même choisies et qui ont construit sa personnalité profonde. Il n’est plus homme ou femme, il est hétéro, homo, bi ou trans… sexuel.
La gravité d’une telle mutation affecte toutes nos représentations. La vie sociale et l’ensemble de la culture. Même ses adversaires les plus déterminés en sont victimes. J’en donne un seul exemple. Lorsque pour contrer une certaine propagande homosexuelle, on se définit comme hétérosexuel, on commet à mon sens une erreur philosophique majeure, qui démontre qu’on est déjà soumis à l’idéologie des genders. Non je ne suis pas hétérosexuel par opposition à l’homosexualité. Je suis d’abord et fondamentalement un homme ou une femme que Dieu a créés à son image et comme à sa ressemblance, parce que dans son projet créateur la distinction sexuelle est le lieu même de la ressemblance divine. Elle marque dans notre humanité le sceau de l’amour. Un amour qui n’est possible que par la différence, l’échange et la complémentarité.
Or c’est là un des enseignements majeurs de Jean-Paul II, s’inspirant des pages lumineuses de la Sainte Ecriture avec les récits de la Création « Homme et femme il les créa ». La différenciation sexuelle est donc première. Elle s’inscrit bien sûr dans notre biologie. Mais celle-ci ne saurait être réduite, par un dérisoire naturalisme, à un statut animal inférieur. Et avant même que la question de la procréation soit posée – qui est pourtant essentielle – la différenciation nous renvoie à notre vocation supérieure de personnes que Dieu, dans sa pensée, a voués à l’amour même, c’est-à-dire à la participation à la vie d’un Dieu Trinité qui est amour dans la relation des personnes. De là s’origine un regard juste sur notre nature d’hommes et de femmes. Nous ne sommes pas des animaux évolués. Nous avons été créés pour Dieu, êtres d’amour signifiés par notre ouverture à l’autre, notre capacité à aimer celui ou celle qui s’affirme dans la différence. C’est ainsi que nous correspondons à notre ressemblance divine. Cet enseignement de Jean-Paul II, Yves Semen ne cesse de le reprendre. Ainsi nous aide t-il puissamment à affronter un des défis les plus graves de notre temps.
Chronique lue le 22 juin sur Radio Notre-Dame
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